Question de Mme PEROL-DUMONT Marie-Françoise (Haute-Vienne - Socialiste et républicain) publiée le 22/10/2015

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur le classement des nouvelles communes en zones vulnérables.
L'application de la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, dite directive « nitrates », en France et la redéfinition de la carte des communes classées en « zone vulnérable » obligent de facto de nombreuses exploitations agricoles à adapter leurs bâtiments, des contraintes que la majorité des agriculteurs ne peuvent pas assumer financièrement.
Par ailleurs, il semblerait que les éléments scientifiques contenus dans la directive soient sujets à caution : le critère de 18 mg de nitrates par litre d'eau pour les eaux de surface n'aurait aucune justification scientifique, et la directive ne fixe pas de méthode de détermination du taux de nitrates des eaux afin d'identifier si elles sont atteintes ou menacées.
Compte tenu de l'ajout de difficultés que représente l'application de cette directive pour les agriculteurs, elle lui demande si une révision par la Commission européenne est envisageable.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 21/01/2016

Les autorités françaises ont décidé de s'engager dans une démarche de prévention visant, d'une part, à assurer la sécurité juridique du cadre réglementaire français dans l'application de la directive nitrates, et donc celle des exploitations agricoles, et d'autre part à assurer un haut niveau de performance en termes de gestion de l'azote en agriculture et de protection des milieux. La France a été condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le 13 juin 2013, pour insuffisance de délimitation des zones vulnérables aux nitrates. La révision du classement de ces zones opérée en 2012 répondait en partie aux insuffisances constatées dans l'arrêt de la CJUE du 13 juin 2013. Toutefois, certaines règles utilisées pour cette délimitation restaient contestées par la Commission européenne et auraient pu mener très rapidement à une condamnation en manquement sur manquement avec sanctions financières, si l'affaire avait été à nouveau portée devant la CJUE. Ainsi, le décret du 5 février 2015 relatif à la désignation et à la délimitation des zones vulnérables en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole, et l'arrêté du 5 mars 2015 pris en application du décret, ont été élaborés pour consolider la réglementation française et préciser les critères de désignation des zones vulnérables. Ces textes traduisent les critères actualisés à partir desquels s'est effectuée la révision engagée à l'automne 2014, rendue nécessaire par l'arrêt de la CJUE de juin 2013. L'arrêté précise tout d'abord les critères et méthodes d'évaluation de la teneur en nitrates des eaux permettant d'identifier celles qui doivent être classées en zone vulnérable. Les teneurs en nitrates sont calculées sur la base du percentile 90 : les 10 % de valeurs les plus élevées ne sont pas prises en compte (article 1) si les teneurs sont supérieures à 40mg/L et en l'absence de tendance à la baisse, l'eau est considérée comme susceptible d'être polluée (article 2). Le seuil unique définissant une eau superficielle susceptible d'être eutrophisée est fixé à 18mg/L (article 3). Ce seuil a été retenu afin de tenir compte à la fois de l'eutrophisation littorale et marine, et de l'eutrophisation continentale. Cette valeur est en lien avec les valeurs retenues comme objectifs à l'embouchure, fixées dans les différents bassins du Nord de la France pour le classement de 2012 et constitue un seuil de prévention cohérent, du point de vue de l'eutrophisation continentale, avec celui défini dans la grille de classement de l'état écologique des cours d'eau pour la limite entre le bon et le très bon état des cours d'eau (10 mg/L en moyenne). Une expertise scientifique est par ailleurs engagée par le centre national de la recherche scientifique, l'institut national de la recherche agronomique, l'institut de la recherche en sciences et technologie et l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer pour mieux caractériser les facteurs entraînant l'eutrophisation des eaux. Ses conclusions viendront appuyer les pouvoirs publics pour l'examen, la définition et la mise en œuvre de la réglementation. L'arrêté précise également les modalités de désignation et de délimitation des zones vulnérables : pour les eaux souterraines, le classement se fait en respectant les limites communales, sauf lorsque le fonctionnement hydrogéologique de la masse d'eau permet de ne classer que la partie polluée (article 4) ; pour les eaux superficielles, une délimitation infracommunale est possible. Elle s'appuie sur les limites des bassins versants des masses d'eau (article 5). Via ce dernier point, l'arrêté permet ainsi l'application d'une des adaptations du zonage à la réalité des situations consistant en la prise en compte des limites des bassins versant alimentant les masses d'eau superficielles, ce qui évite de classer les territoires communaux dans leur ensemble. Les arrêtés des préfets de bassin définissant les zones vulnérables sont basés sur ces textes et intègrent les retours de la consultation, notamment sur l'exclusion des « erreurs ponctuelles ». Dans les zones vulnérables établies en 2012 et en 2015, les investissements nécessaires à la mise aux normes des capacités de stockage des effluents d'élevage peuvent être aidés afin d'accompagner les éleveurs dans le respect de cette nouvelle exigence. Des diagnostics d'exploitation peuvent être financés afin de déterminer les capacités nécessaires, tout en recherchant des solutions pour limiter les investissements, y compris en termes de changement de pratiques d'élevage ou agronomiques. Le cadre de soutien est défini au travers des programmes de développement rural des régions et mobilise le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles porté par le ministère en charge de l'agriculture. Dans les zones vulnérables établies en 2007, l'application des nouvelles exigences peut par ailleurs conduire à la réalisation de capacités de stockage supplémentaires. Une aide de minimis a été mise en place afin d'accompagner les éleveurs dont les exploitations sont les plus fragilisées. Ces démarches doivent viser la performance économique, environnementale et sociale, en s'appuyant sur les principes de l'agro-écologie.

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