Question de M. DAUDIGNY Yves (Aisne - Socialiste et républicain) publiée le 08/10/2015
M. Yves Daudigny attire l'attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur les difficultés des femmes en reprise d'activité à l'issue de leur congé légal de maternité à maintenir un allaitement maternel, faute de pouvoir disposer d'une heure par jour pour allaiter leur enfant ou tirer leur lait.
Dans le secteur privé, les articles L. 1223-30 à L. 1225-33 et R. 1225-5 à R. 1225-7 du code du travail donnent droit à la salariée, si elle le souhaite, à une heure par jour sur son temps de travail, pendant un an à compter de la naissance de l'enfant, pour allaiter. Sauf si la convention collective prévoit un maintien de salaire, cette heure n'est pas rémunérée et répartie en deux demies heures le matin et l'après-midi. Ces dispositions - assez méconnues tant par les employeurs que par les salariées - sont peu mises en application. L'allaitement maternel s'arrête donc, bien souvent, au moment de la reprise du travail, soit dix semaines après la naissance de l'enfant.
Les agents publics, régis par la circulaire FP/4 n°1864 du 9 août 1995 relative au congé maternité ou d'adoption et aux autorisations spéciales d'absence liées à la naissance, ne disposent pas du même droit : la poursuite de l'allaitement durant le temps de travail est, dans ce cas, conditionnée à l'accord de leur responsable et à des conditions matérielles appropriées.
Il en résulte une inégalité de traitement entre femmes salariées du secteur privé et femmes exerçant dans le secteur public, inégalité préjudiciable à la santé publique.
À cet égard, l'organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un allaitement maternel exclusif jusqu'aux six mois de l'enfant, compte tenu de ses effets bénéfiques pour la santé de l'enfant et de la mère allaitante. Il profite également, selon l'avis de l'académie de médecine, à l'ensemble de la collectivité car il est générateur d'économies en santé.
Pour toutes ces raisons, il lui demande, d'une part, quelles mesures d'information sont ou peuvent être prises à l'attention des salariées et des employeurs pour favoriser le recours aux dispositions légales précitées en faveur de la poursuite de l'allaitement après la reprise du travail et, d'autre part, de quelle manière il peut être mis fin à cette différence de traitement et de droit entre secteurs privé et public.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 02/12/2015
Réponse apportée en séance publique le 01/12/2015
M. Yves Daudigny. Ma question a trait aux droits des femmes, en particulier celui de poursuivre l'allaitement de leur enfant lorsqu'elles reprennent leur activité professionnelle à l'issue du congé de maternité.
Aujourd'hui, le code du travail accorde aux salariées du secteur privé une heure par jour sur leur temps de travail, et ce jusqu'au premier anniversaire de l'enfant, pour allaiter celui-ci ou tirer leur lait. Sauf disposition plus favorable de leur convention collective, cette heure n'est pas rémunérée et peut être répartie en deux demi-heures, l'une le matin et l'autre l'après-midi.
Ces dispositions, souvent méconnues, tant des employeurs que des salariés, sont peu mises en application. Une meilleure information serait donc opportune.
À l'inverse des salariés du secteur privé, les agents publics, régis par la circulaire du 9 août 1995 relative au congé de maternité ou d'adoption et aux autorisations d'absence liées à la naissance pour les fonctionnaires et agents de l'État, ne disposent pas de ce droit. La poursuite de l'allaitement durant leur temps de travail est subordonnée à l'appréciation et à l'accord de leur responsable.
Les bénéfices de l'allaitement maternel pour la santé de l'enfant et celui de la mère, en matière de prévention à court terme des maladies infantiles, à plus long terme du diabète, de l'obésité et des maladies cardio-vasculaires, sont largement établis, notamment par l'Académie nationale de médecine. Un allaitement exclusif est préconisé jusqu'aux six mois de l'enfant par l'Organisation mondiale de la santé.
Les maternités et services de protection maternelle et infantile encouragent et accompagnent les jeunes mères en ce sens. Les personnels féminins de ces services se trouvent ainsi dans la situation paradoxale, finalement injuste, de promouvoir un droit qui ne leur est pourtant pas reconnu.
C'est pourquoi j'appelle l'attention du Gouvernement sur cette différence de traitement, qui va à l'encontre de la santé des personnes. Je souhaiterais connaître ses propositions pour que les femmes qui exercent leur activité professionnelle dans le secteur public puissent reprendre leur travail tout en continuant à allaiter, à l'instar des salariées du secteur privé.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique a bien pris connaissance des difficultés rencontrées par les femmes désirant allaiter leur enfant pendant les heures de travail et m'a chargé de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
En matière d'allaitement, la circulaire n° 1864 du 9 août 1995 relative au congé de maternité ou d'adoption et aux autorisations d'absence liées à la naissance pour les fonctionnaires et agents de l'État précise que « restent applicables en ce domaine les dispositions de l'instruction 7 du 23 mars 1950 » pour l'application des dispositions du statut général des fonctionnaires relatives aux congés annuels et autorisations exceptionnelles d'absence.
Ces dispositions prévoient qu'« il n'est pas possible, en l'absence de dispositions particulières, d'accorder d'autorisations spéciales aux mères allaitant leur enfant, en raison tant de la durée de la période d'allaitement que de la fréquence des absences nécessaires. Toutefois, les administrations possédant une organisation matérielle appropriée à la garde des enfants devront accorder aux mères la possibilité d'allaiter leur enfant. À l'instar de la pratique suivie dans certaines entreprises, les intéressées bénéficieront d'autorisations d'absence, dans la limite d'une heure par jour à prendre en deux fois. »
Par ailleurs, la circulaire du 9 août 1995 précise que « des facilités de service peuvent être accordées aux mères en raison de la proximité du lieu où se trouve l'enfant », qu'il s'agisse d'une crèche ou d'un domicile proche du lieu de travail.
S'il n'est pas envisagé de modifier dans l'immédiat les conditions de gestion de cette facilité de service pour allaitement, cette situation doit être prise en compte dans une réflexion d'ensemble sur les conditions de travail et l'amélioration de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu apporter en réponse à ma question.
Je voudrais insister sur les bénéfices de l'allaitement maternel en matière de santé publique. Ces bénéfices s'inscrivent dans un cercle vertueux : moins de risques pathologiques entraînent moins d'arrêts de travail et moins de dépenses pour la sécurité sociale. Le sujet n'est donc pas anodin !
Je n'évoquerai pas ici la problématique plus large d'un éventuel allongement de la durée du congé de maternité, à l'instar de ce qui se pratique dans un certain nombre de pays européens, par exemple en Finlande, mais la question de l'allaitement mérite d'être traitée. Il est du reste significatif qu'elle soit abordée ce matin par deux hommes, monsieur le secrétaire d'État, car il s'agit d'une question transversale de santé publique et d'égalité entre salariés du secteur privé et du secteur public. (Mme Evelyne Yonnet acquiesce.)
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