Question de M. DUPONT Jean-Léonce (Calvados - UDI-UC) publiée le 30/10/2015
Question posée en séance publique le 29/10/2015
Monsieur le Premier ministre, j'apprécie la vérité de certains de vos constats et de certains de vos propos. Voilà quelques jours, vous avez honnêtement parlé d'une « fiscalité trop élevée, ayant fait des dégâts considérables » et créant « une forme de rupture entre les Français et l'impôt ». Je vous en sais gré, d'autant plus qu'une partie de vos amis sont-ils d'ailleurs vraiment vos amis ? ne partagent pas cette analyse.
Néanmoins, le projet de budget pour 2016 prévoit 22 milliards d'euros de recettes supplémentaires, et jamais le poids de l'impôt sur l'économie n'aura été aussi important.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Et voilà !
M. Jean-Léonce Dupont. Les foyers fiscaux assujettis à l'impôt sur le revenu verront encore une fois leurs cotisations fiscales augmenter significativement ; le produit de cet impôt, qui s'établissait à 59,5 milliards d'euros en 2012, devrait atteindre plus de 72 milliards en 2016. Pour bien comprendre, il faut signaler que, certes, le nombre d'assujettis va être réduit, mais que le produit fiscal va continuer à augmenter pour les 46 % des ménages qui demeurent assujettis ; et je ne m'étends pas sur l'augmentation de la fiscalité du gazole et de l'essence d'ici à 2020
Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est extrêmement simple : pourquoi n'arrivez-vous pas à transcrire dans les actes les conséquences qu'il faudrait tirer de votre propre constat ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 30/10/2015
Réponse apportée en séance publique le 29/10/2015
Monsieur le sénateur, je vous réponds bien volontiers.
Oui, l'impôt sur le revenu a beaucoup augmenté ces dernières années, depuis 2010 ! En la matière - je l'ai d'ailleurs dit à l'occasion de ma déclaration de politique générale de 2014 -, la responsabilité est partagée : près de 12 milliards d'euros d'augmentation sous la droite et autant après le changement de majorité.
Effectivement, nous avions décidé des hausses pour les ménages les plus aisés, afin de redresser nos finances publiques, mais les augmentations successives ont également conduit à rendre imposables des ménages qui n'avaient pas vocation à l'être et à accroître excessivement l'impôt dû par les classes moyennes.
Pour ma part, je crois au discours de vérité sur le niveau des déficits publics, sur le niveau du chômage auquel nous nous sommes habitués depuis des années, mais aussi sur la question de la fiscalité nationale ou locale. Puisque j'assume ces responsabilités, je souhaite aussi que chacun assume les siennes, plutôt que d'alimenter une polémique stérile. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Cette augmentation de l'impôt sur le revenu, notamment par un mécanisme dont on parle beaucoup auprès des élus, à savoir la suppression décidée en 2008 - oui, en 2008, monsieur Bas ! - de la demi-part supplémentaire dont bénéficiaient certaines personnes seules, a en outre eu des conséquences sur la fiscalité locale. Nous avons donc considéré qu'il était important d'engager une baisse de la fiscalité, pour plus de 4 millions de ménages modestes en 2014. Cet effort a été amplifié cette année au bénéfice de 9 millions de ménages des classes moyennes et il sera poursuivi en 2016, pour la troisième année consécutive. L'impôt sur le revenu, vous le savez, sera ainsi allégé de plus de 2 milliards d'euros, et 8 millions de ménages bénéficieront d'une baisse supplémentaire.
Finalement, c'est bien que vous posiez cette question, monsieur Dupont, car, de cette manière, nous avons ce débat à quelques jours de l'examen par le Sénat du projet de loi de finances ; ainsi, au total, l'impôt sur le revenu des ménages modestes et des classes moyennes aura été allégé de 5 milliards d'euros depuis 2014. C'est exactement ce sur quoi je m'étais engagé dans ma déclaration de politique générale en avril 2014.
En matière de fiscalité locale, l'État a également réalisé des efforts importants : les seuils de revenus permettant aux contribuables modestes, notamment les retraités, de bénéficier d'un allégement de la taxe d'habitation et de la taxe foncière avaient été gelés par la précédente majorité. Ils ont déjà été fortement relevés, et, comme Christian Eckert l'a annoncé, nous irons au-delà dans la loi de finances pour 2016 grâce à un amendement adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative de Mme Christine Pires Beaune. Vous aurez donc l'occasion d'en débattre.
Monsieur le sénateur, la responsabilité consiste aussi à reconnaître que la situation de nos comptes publics était dégradée en 2012 : un déficit de près de 5 % du PIB et une dépense publique non maîtrisée. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Nous faisons des économies,...
M. Guy-Dominique Kennel. Vous augmentez les impôts !
M. Manuel Valls, Premier ministre. ... même si l'on peut toujours considérer qu'il faut en faire plus ; d'ailleurs, Les Républicains proposent de diminuer les dépenses de 100 à 150 milliards d'euros ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est la vérité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faudra dire - j'ai déjà eu l'occasion de vous le demander - comment vous allez le faire !
M. Roger Karoutchi. Lorsque nous serons aux affaires !
M. Manuel Valls, Premier ministre. En augmentant les impôts ? En vous attaquant au ministère de l'intérieur ? À la défense ? À l'éducation nationale ? Aux politiques de santé ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Quand on veut débattre, il faut tout mettre sur la table ; il faut ce moment de vérité !
Alors oui, nous baissons les impôts, oui, nous baissons la dépense publique, oui, nous nous attaquons à l'endettement tout en préparant l'avenir ! C'est tout simplement cela la politique du Gouvernement que je défends ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du RDSE. - M. Patrick Abate applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, pour la réplique.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le Premier ministre, nulle volonté chez moi de ne pas voir les responsabilités des uns et des autres, mais vous et vos amis êtes aux responsabilités depuis maintenant trois ans et demi ; il faut que vous l'intégriez. Je suis désolé de vous le dire, je n'ai pas le sentiment que les impôts baissent, que les dépenses publiques baissent.
Je me permettrai simplement de formuler un vu : je souhaite que certains de vos amis abandonnent leur vision pseudo-moralisatrice du rôle de l'impôt et trouvent l'équilibre nécessaire et subtil entre la recherche de justice et l'efficacité économique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
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