Question de M. BIGOT Jacques (Bas-Rhin - Socialiste et républicain) publiée le 21/10/2015
Question posée en séance publique le 20/10/2015
M. Jacques Bigot. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Elle concerne la solidarité entre les justiciables et l'accès des plus défavorisés à la justice.
Madame la garde des sceaux, en ces temps de difficultés budgétaires et de recours croissant à la justice judiciaire, mais aussi à la justice administrative, vous avez eu le courage d'entreprendre une réforme de l'accès au droit, qui est de plus en plus complexe.
Nous aurons l'occasion d'aborder la question de l'aide juridictionnelle lors de l'examen du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle et du projet de loi de finances.
Aujourd'hui, des avocats sont en grève. À mon sens, ce mouvement répond à une double motivation.
D'une part, les organes dirigeants de la profession sont inquiets. Ils craignent un accroissement des prélèvements sur les fonds des caisses autonomes de règlements pécuniaires des avocats, les CARPA, par lesquelles transitent les encaissements effectués pour le compte des clients. Les intérêts diminuent et les charges augmentent. La profession redoute un appauvrissement si l'on prélève trop sur ces fonds, et, de ce fait, une incapacité à assumer les missions prévues par le décret de 1991.
D'autre part, cette mobilisation est aussi celle des avocats ce ne sont pas les plus nombreux qui pratiquent l'aide juridictionnelle au quotidien.
Selon le rapport sénatorial auquel M. Mézard a fait référence, seulement 400 avocats, sur 45 000, remplissent la majorité des missions de l'aide juridictionnelle. Ces professionnels, qui connaissent des difficultés, car les rétributions ne sont pas suffisantes, ont parfois le sentiment d'être seuls à faire vivre une solidarité qui devrait être celle de la nation.
Par conséquent, madame la garde des sceaux, je vous prie de bien vouloir nous rassurer sur l'engagement financier de l'État, dont je sais qu'il est au rendez-vous, ainsi que sur vos intentions et leur traduction dans la réforme de l'aide juridictionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/10/2015
Réponse apportée en séance publique le 20/10/2015
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, la solution de facilité aurait été de ne rien faire, de ne même pas augmenter le budget de l'aide juridictionnelle, voire d'instaurer une taxe de 35 euros, qui aurait entravé l'accès à la justice ; et après moi, le déluge ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Certaines protestations bruyantes de solidarité que l'on entend actuellement ont quelque chose de désopilant !
Nous avons fait, au contraire, le choix de relever le défi de la réforme de l'aide juridictionnelle.
M. François Grosdidier. Payez les avocats !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le plafond de ressources est porté à 1 000 euros, ce qui permet à 100 000 personnes supplémentaires d'accéder à l'aide juridictionnelle à 100 %. Le montant de l'unité de valeur, qui n'avait pas évolué depuis 2007, passe de 22 % à 24 %, et pourra même atteindre par ajustement 26 %, 27 % ou 30 %, selon les territoires.
Vous m'interrogez sur l'engagement de l'État. Le budget de l'aide juridictionnelle, qui était de 275 millions d'euros en 2010, a été augmenté chaque année, pour atteindre 345 millions d'euros en 2014, 375 millions d'euros en 2015 et 405 millions d'euros en 2016 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Nous avons voulu engager cette réforme dans la concertation avec les représentants des avocats. Nous dialoguons avec eux depuis trois ans. Ce sont eux qui ont proposé qu'il n'y ait pas de contribution directe de la part des avocats. En effet, ainsi que vous l'avez rappelé, 16 % des avocats assurent 84 % des missions de l'aide juridictionnelle ! C'est un facteur de précarisation de la profession.
M. le président. Il va falloir conclure, madame la ministre !
M. David Assouline. M. Retailleau a bien eu droit à vingt secondes de plus !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les relations ne sont donc pas rompues avec les avocats. D'ailleurs, je recevrai de nouveau demain les représentants nationaux de la profession. Je suis certaine que nous trouverons un chemin pour moderniser l'aide juridictionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
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