Question de M. LUCHE Jean-Claude (Aveyron - UDI-UC) publiée le 02/10/2015

Question posée en séance publique le 01/10/2015

M. Jean-Claude Luche. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.

Depuis dix jours maintenant, un homme est activement recherché par la police. Condamné pour des vols à main armée avec violence, il était incarcéré au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, en Seine-et-Marne. Dimanche 20 septembre, il n'est pas rentré de permission.

Si l'affaire est si préoccupante, c'est parce que ce détenu a été identifié comme étant en voie de radicalisation.

Comment un tel détenu a-t-il pu bénéficier d'une permission sans même que celle-ci soit accompagnée des mesures de surveillance et des précautions appropriées ? (Incroyable ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Comment un tel risque a-t-il pu être pris ?

M. André Reichardt. Eh oui !

M. Jean-Claude Luche. Madame le garde des sceaux, pouvez-vous aujourd'hui nous dire où en sont les recherches ?

Comment ne pas s'interroger également sur le processus de radicalisation dans lequel est apparemment tombé ce détenu ? Il y a bien longtemps que la prison a été identifiée comme un lieu particulièrement propice à la radicalisation. Les exemples dramatiques de terroristes s'étant radicalisés lors de leur passage en prison – pour certains dans le centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin – n'ont fait que nous le confirmer.

Madame le garde des sceaux, pouvez-vous nous donner les premiers résultats du plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes et des mesures que vous avez prises face à cette réalité au mois de mars dernier ? Je pense notamment au recrutement d'aumôniers musulmans en prison, à l'augmentation du nombre d'heures d'enseignement en détention, mais aussi au renforcement annoncé du renseignement pénitentiaire.

Enfin, si ces mesures tendent à agir en amont, quelles sont vos actions face aux prisonniers dont on connaît déjà la radicalisation ?

Dans son excellent rapport du 1er avril 2015, la commission d'enquête du Sénat sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, présidée par Nathalie Goulet, formulait plusieurs propositions pour adapter la réponse pénale et carcérale. Parmi celles-ci figurait l'isolement des individus radicalisés dans un quartier à l'écart au sein des maisons d'arrêt.

Aujourd'hui, seuls les très radicalisés sont soumis au régime de l'isolement. Qu'en est-il des autres ? Allez-vous généraliser l'expérience des « quartiers dédiés » ? Les détenus radicalisés qui ne sont pas isolés font-ils l'objet d'un suivi particulier ? Le détenu aujourd'hui en « cavale » faisait-il l'objet d'une telle procédure ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/10/2015

Réponse apportée en séance publique le 01/10/2015

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. En effet, monsieur le sénateur, un détenu n'a pas réintégré son établissement dimanche. C'est un fait grave, comme toujours.

Le nécessaire a immédiatement été fait. Le procureur de la République, qui, tout comme le commissariat de police, en a aussitôt été avisé, a décidé de lancer un mandat d'arrêt et a fait inscrire ce détenu sur le fichier des personnes recherchées. Tout est mis en œuvre pour le retrouver.

Vous l'avez rappelé, ce détenu a été condamné pour vol aggravé et recel de vol et a fait l'objet de la part du renseignement pénitentiaire d'un signalement de radicalisation. Il s'agit d'un repérage de prudence, dans la mesure où ce signalement est fondé sur la participation de ce détenu à un groupe de prière. Néanmoins, le signalement a été fait à tous les services de renseignement.

Que faisons-nous pour lutter contre la radicalisation ?

Je rappelle que seulement 15 % des personnes radicalisées se sont radicalisées en prison. Cela signifie que 85 % d'entre elles se sont radicalisées ailleurs, ce qui appelle des politiques publiques ciblées.

Néanmoins, le Gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation voilà maintenant deux ans, un plan gouvernemental au mois d'avril 2014, un autre plan au mois de janvier 2015. En outre, des sessions de formation sont prévues, une surveillance particulière a été décidée, notamment avec une organisation de double séparation à Osny et à Fresnes, une séparation de la population carcérale ainsi qu'une séparation par encellulement individuel.

Lors de l'examen du projet de loi relatif au renseignement, le Gouvernement avait proposé un dispositif de simplification des échanges entre les différents services de renseignement, mais la commission mixte paritaire l'a supprimé. Toutefois, le Gouvernement est en train de finaliser un décret qui précisera les conditions d'intervention dans les établissements pénitentiaires par les techniques de renseignement et par un travail plus efficace encore.

C'est donc bien une action globale qui est menée. Au vu de l'intérêt que vous portez à ce sujet, monsieur le sénateur, nous ne manquerons pas de vous faire parvenir les résultats des mesures engagées pour détecter les signes faibles de radicalisation et détecter plus tôt encore les détenus très radicalisés. Ces derniers sont placés à l'isolement dans des établissements spécialisés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Grosdidier. L'erreur, c'était bien d'accorder une permission à celui-là !

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