Question de M. COLLOMBAT Pierre-Yves (Var - RDSE) publiée le 02/10/2015
Question posée en séance publique le 01/10/2015
M. Pierre-Yves Collombat. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, notre République irréprochable vit désormais à l'heure de la transparence. Une haute autorité en assume même le magistère et la promotion. La chasse aux « conflits d'intérêts » a été ouverte.
Il semble cependant que ce vent moralisateur ne souffle pas à la Banque de France, dont le poste de gouverneur sera prochainement occupé par le directeur général délégué de BNP Paribas.
D'où ma question : ne craignez-vous pas, comme la centaine d'économistes qui se sont manifestés, comme les amoureux de la cohérence, que la nomination à ce poste éminemment stratégique d'un haut et ancien responsable d'une banque privée, banque dont le bilan équivaut au PIB de la France, puisse poser un petit problème de conflit d'intérêts ?
Le caractère et l'éthique personnels, réels ou supposés, de l'intéressé ne sont pas en cause. La question, c'est que « la femme de César ne saurait être soupçonnable ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
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Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée le 02/10/2015
Réponse apportée en séance publique le 01/10/2015
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur Collombat, s'il y a une nomination qui se fait en toute transparence et conformément à la Constitution, c'est bien celle du gouverneur de la Banque de France : le Président de la République propose un candidat ; cette candidature est soumise à l'avis des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ; si le vote est favorable, la nomination a ensuite lieu en conseil des ministres.
En l'espèce, je vous le rappelle, les deux commissions des finances se sont prononcées à une très large majorité en faveur du candidat proposé par le Président de la République.
Je ne vois pas comment une telle nomination pourrait être plus transparente !
Néanmoins, je comprends parfaitement votre question. Dans tout poste de cette nature, il faut éviter les conflits d'intérêts, quelle qu'en soit la nature. C'est la raison pour laquelle M. Villeroy de Galhau est allé plus loin que ce qui est exigé par la loi et plus loin que les obligations qui lui incombent à l'égard de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique : il a décidé qu'il ne percevrait aucune rémunération différée de la banque dans laquelle il travaillait auparavant - c'était la moindre des choses - et qu'il ne conserverait aucune action de la banque dans laquelle il travaillait auparavant- c'était la moindre des choses.
De même, en plus d'adresser sa déclaration de situation patrimoniale, il a pris un autre engagement bienvenu, alors qu'aucune loi et aucun règlement ne le lui imposaient, celui de ne participer à aucune décision individuelle qui concernerait la banque dans laquelle il travaillait ou l'une de ses filiales dans les deux ans qui suivront son départ de ce groupe.
Voilà les raisons pour lesquelles, si toutes les questions sont bienvenues, il me semble que, de ce point de vue, aucun reproche ne peut être fait à M. Villeroy de Galhau.
J'ajoute que, s'il a acquis une expérience dans le secteur privé, et celle-ci pourra lui être extrêmement utile en tant que gouverneur de la Banque de France, il a d'abord et avant tout servi l'État pendant de très longues années avec pertinence, avec efficacité et avec sens du devoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, votre version des faits, c'est la version pour enfants ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC. - Quelques sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent également.) La version pour adultes montre le jeu de chaises musicales entre membres de la haute fonction publique et hauts responsables des banques et intérêts privés, leur interchangeabilité en vertu de compétences dont, à considérer l'état de nos finances publiques, les taux de croissance ou de chômage du pays, le délitement de la société et du territoire, les crises européennes à répétition, on commence à douter...
Pour vous, il est tellement évident qu'intérêt des banques et intérêt du pays, intérêts privés et intérêt public se confondent que vous trouvez très certainement ma question bien naïve, pour ne pas dire un peu niaise.
Ne pas voir le problème, monsieur le ministre, c'est justement le fond de la question ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
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