Question de M. RAISON Michel (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 17/07/2015
Question posée en séance publique le 16/07/2015
M. Michel Raison. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, je vous pose cette question avec gravité, mais également avec une sérénité que je souhaiterais réciproque.
Nos paysans sont en désespérance, mais je sais que vous en êtes conscient, ce dont je vous remercie. Je sais aussi que la crise, vous n'en êtes pas la cause, monsieur le ministre ; mais vous en êtes le médecin. (Sourires.)
Nos paysans ont besoin d'être entendus, écoutés et défendus : défendus à tous les niveaux, pour toutes leurs causes, y compris lorsque leur honneur est attaqué tout au long de l'année, même en l'absence de crise, car le moral d'un chef d'entreprise, c'est aussi très important.
Je reviens à la crise.
Vous nous avez dit que vous aviez donné l'ordre aux préfets de mettre en place des cellules de crise, et c'est une bonne chose. Quelques problèmes de connexion internet doivent néanmoins se poser par-ci par-là (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.), car, après quelques vérifications, y compris dans mon propre département, la Haute-Saône, il apparaît qu'aucune consigne n'a été donnée, ni à la direction départementale des territoires ni au préfet. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.) Je le répète, dans certains départements peut-être, les connexions ne se sont pas faites.
Ces cellules de crise sont importantes pour étudier les problèmes de court terme, de trésorerie, de désendettement. Au demeurant, monsieur le ministre, vous avez aussi un rôle important à jouer à brève échéance. À la suite de l'accord essentiel qui a été conclu le 17 juin, j'ai cru comprendre, au travers de vos interventions, que vous aviez commencé à sortir de votre rôle de greffier. En effet, il va falloir faire appliquer cet accord.
Si l'on prend l'exemple du lait, il manque une trentaine d'euros par tonne pour obtenir un chiffre à peu près décent permettant aux agriculteurs de survivre.
Les banques se seraient quant à elles engagées à moduler les emprunts. Cela me semble très important dans la période actuelle.
Je m'arrêterai quelques instants sur le dossier européen.
Après l'instauration des quotas laitiers, tous les systèmes de régulation ont été mis en sommeil, ce que l'on peut comprendre. Aujourd'hui, monsieur le ministre, il faut réveiller ces régulateurs, car ils se révèlent indispensables en permanence lorsqu'un marché s'est libéralisé, a fortiori en période de crise conjuguée à une période de sécheresse.
Vous allez me répondre que les pays du Nord, que l'Allemagne ne sont pas très chauds pour mettre en place ces régulations.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Michel Raison. Or, depuis le 14 juillet, je suis rassuré, car j'ai entendu le Président de la République dire qu'il était devenu quasiment le président de l'Europe et qu'il était capable de faire plier les autres pays européens, y compris l'Allemagne. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) La situation est suffisamment grave pour qu'il vous accompagne, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 17/07/2015
Réponse apportée en séance publique le 16/07/2015
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez entamé votre question avec beaucoup de sérénité et vous avez souhaité une réponse aussi sereine de ma part, parce que la situation est grave.
M. Bruno Sido. Il vous taquinait !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez conclu de manière un peu plus ironique, mais on ne vous en voudra pas : je pense que vous êtes là pour la bonne cause. En tout cas, c'est ce que vous avez souhaité indiquer.
S'agissant des quotas laitiers, monsieur le sénateur, à l'occasion d'un bilan de santé de la PAC en 2008, leur disparition avait été prévue. Je vous le dis au passage : étant député européen à l'époque, j'ai voté contre la suppression de ces quotas, ce qui me permet de vous en parler aujourd'hui en toute tranquillité.
François Patriat me rappelait comment ont été mis en place ces quotas laitiers et les reproches adressés à l'époque à ceux qui en avaient été chargés. Je ne vous fais pas de dessin, chacun en a un souvenir sûrement très précis.
Pour ce qui est de la régulation de la production laitière, depuis que j'ai pris mes fonctions, en 2012, et avant même que la crise du lait n'éclate, j'ai demandé quatre fois au conseil des ministres européens de discuter de la gestion « post-quotas ». J'avais bien conscience que la crise du lait que vous aviez vécue en 2008 alors que vous et vos amis politiques étiez aux responsabilités pouvait se reproduire.
Or, entre 2012 et aujourd'hui, pas un seul pays n'a souhaité discuter de ce problème, car tout le monde s'est tourné vers le grand marché chinois. Comme l'a rappelé l'une de vos collègues, même les Chinois viennent investir en France pour produire de la poudre de lait destinée à leur marché. Ainsi, tous les pays européens - l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Irlande, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Pologne - se sont fixé un objectif : exporter de la poudre de lait en Chine.
Comme tout le monde a eu la même idée en même temps, on a fini par saturer l'offre et la demande. C'est ce qui explique la difficulté dans laquelle on se trouve aujourd'hui. Cela fait trois ans que je dis à tous mes collègues : « Vous allez voir, si nous ne nous coordonnons pas - et il ne s'agit pas d'en revenir aux quotas - sur les objectifs visés par l'Europe en matière d'exportation, nous finirons par nous marcher les uns et les autres sur les pieds et avec des conséquences pour les producteurs laitiers. » Nous y sommes !
Il va donc falloir trouver des solutions « post-quotas ». J'ai proposé à la Commission d'augmenter le prix d'intervention sur le lait, qui est un élément du signal envoyé vers le marché laitier. En même temps, j'ai dit que, lorsqu'un pays demandait cette intervention, il fallait qu'il soit capable de maîtriser sa propre production ; à défaut, la production augmentera et on produira pour l'intervention : ce sera le retour aux années qui ont conduit aux quotas laitiers ! Il faut mettre en place ce nouveau mécanisme.
Je le dis aujourd'hui devant le Sénat : voilà la proposition que j'ai faite. Si vous la trouvez judicieuse, je vous propose de m'aider à convaincre tous nos partenaires,...
M. Michel Raison. D'accord !
M. Stéphane Le Foll, ministre. ... en particulier l'ensemble des parlements à l'échelle européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - MM. Jean-Claude Requier et Michel Le Scouarnec applaudissent également.)
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