Question de Mme BOUCHOUX Corinne (Maine-et-Loire - ECOLO) publiée le 03/07/2015
Question posée en séance publique le 02/07/2015
Mme Corinne Bouchoux. Ma question s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
À la suite des mesures annoncées en mars 2015, puis confirmées par le décret du 24 juin 2015, le seuil de paiement en liquide autorisé pour les personnes physiques ou morales résidentes en France sera abaissé de 3 000 à 1 000 euros à compter du 1er septembre 2015.
L'application de ce décret aux transactions intervenant entre les caisses de crédit municipal et leurs clients, au titre des opérations de prêts sur gage, pourrait avoir pour conséquence involontaire de priver de l'accès à ce crédit à vocation sociale les ménages fragilisés qui sont exclus du crédit bancaire classique.
Dans la tranche de 1 000 à 3 000 euros, 93 % des prêts sont versés en liquide par les caisses de crédit municipal à leurs clients et 72 % des remboursements sont effectués en liquide par les clients. Cette préférence pour les espèces n'est pas fondée sur des motifs condamnables : la majorité des clients ont un besoin impérieux et urgent des ressources qu'ils viennent chercher, et les vingt-quatre à quarante-huit heures de délai induites par l'encaissement d'un chèque ou d'un virement sont pour eux une source de difficulté.
Surtout, nombreux sont ceux dont le compte est à découvert ou donne lieu à des saisies. Le montant du prêt sur gage une fois encaissé sur leur compte les désendette, certes, mais il ne répond pas à leurs besoins immédiats de ressources.
Si le remboursement du prêt n'est plus accepté en liquide, les autres solutions qui s'offrent aux clients sont inexistantes ou coûteuses. Beaucoup d'entre eux ne sont pas autorisés par leur banque à régler par carte bancaire des dépenses supérieures à 1 000 euros ; le chèque de banque qui sera alors exigé est cher et difficile à obtenir.
Si elles sont détournées de l'usage du prêt sur gage, ces populations fragiles très souvent des femmes , pour la plupart issues des catégories populaires, devront se rabattre sur des solutions de crédit plus dangereuses et plus coûteuses, tel le crédit revolving, voire le recours à des officines pratiquant l'usure.
De plus, toutes les caisses de crédit municipal sont des établissements de crédit et doivent se conformer aux exigences de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. À ce titre, elles assurent déjà une surveillance des opérations de leur clientèle, sous le contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l'ACPR. Leur consentir un traitement dérogatoire n'est donc pas porteur de risques significatifs au regard des objectifs du Gouvernement.
Une clause dérogatoire leur permettant de continuer à recourir à des transactions en espèces pour les opérations de prêt sur gage dans la limite des 3 000 euros est-elle envisageable ?
À la lumière de ces éléments, je souhaite connaître, monsieur le ministre, les mesures concrètes que vous comptez prendre au profit des populations financièrement fragilisées et des caisses de crédit municipal. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC)
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Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée le 03/07/2015
Réponse apportée en séance publique le 02/07/2015
M. Michel Sapin,ministre des finances et des comptes publics. Madame Bouchoux, vous posez là une question parfaitement pertinente, qui est en lien, ainsi que vous l'avez relevé, avec la lutte contre le financement du terrorisme. Les mesures que nous prenons dans ce domaine sont destinées à lutter contre l'utilisation de moyens de paiement - souvent de petites sommes en liquide - par des individus ou des groupes en vue de financer des attentats terroristes extrêmement meurtriers, comme ceux que nous avons connus en janvier dernier.
Le Gouvernement, en cohérence totale avec les autres mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a souhaité restreindre un certain nombre de possibilités d'utilisation ducash. Comme vous l'avez dit vous-même, nous avons décidé d'abaisser le seuil de paiement en espèces et en monnaie électronique de 3 000 à 1 000 euros pour les résidents en France. Cette décision a fait l'objet d'un décret publié le 24 juin dernier, mais qui n'entrera en application qu'au 1er septembre prochain ; cela nous laisse le temps de prévoir un certain nombre de mesures d'adaptation.
Cet abaissement du seuil de paiement en espèces me paraît raisonnable et proportionné. Tous les sondages montrent d'ailleurs que les Français utilisent majoritairement des moyens de paiement d'une autre nature que le cash pour des sommes supérieures à 15 ou 20 euros.
Il n'en reste pas moins que, s'agissant des caisses de crédit municipal, cette disposition peut poser problème compte tenu des publics qui y ont recours.
Vous le savez, l'article L.112-6 du code monétaire et financier prévoit que ces plafonds des paiements en liquide ne s'appliquent pas « au paiement pratiqué par des personnes incapables de s'obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que par celles qui n'ont pas de compte de dépôt ». Ainsi, d'ores et déjà, le plafond des paiements en liquide ne s'applique pas aux personnes qui sont dans l'incapacité de s'acquitter d'un paiement autrement qu'en espèces, aux personnes non bancarisées, aux personnes qui ne disposent pas de la capacité civile pour faire un chèque ou aux personnes en situation d'interdiction bancaire.
Dès lors, une bonne partie des populations que vous avez évoquées continuera de pouvoir recevoir, par le biais des caisses de crédit municipal, des sommes en liquide supérieures à 1 000 euros.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin,ministre.Pour autant, nous souhaitons qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Vous aviez déposé dans le projet de loi Macron un amendement qui a été déclaré irrecevable. Je suis prêt à en accepter un de même nature que vous déposeriez sur un autre véhicule législatif.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.)
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