Question de M. COMMEINHES François (Hérault - Les Républicains) publiée le 25/06/2015

M. François Commeinhes attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur l'entretien du parc monumental français. Plusieurs rapports du ministère de la culture indiquent que l'état du parc monumental français est dans un état préoccupant. Sur 14 897 monuments historiques classés, ce sont 2 844 monuments qui sont en péril. L'une des raisons de cette dégradation est que la plupart de ces biens - environ 65 % - se trouvent dans des communes de moins de 2 000 habitants, qui ne peuvent financièrement faire face à la conduite d'opérations de rénovation. Cependant, la responsabilité de l'entretien des monuments classés n'incombe pas seulement aux pouvoirs publics mais aussi aux gestionnaires privés. En effet, près de 27 % des biens en péril sont aujourd'hui gérés par des gestionnaires privés. Si 56 % des visites se focalisent sur cinq monuments historiques et que 50 % de la fréquentation muséale est concentrée sur 1 % des musées de France, il est cependant vital pour l'attractivité culturelle de notre pays et l'entretien de notre mémoire commune de porter une plus grande attention à la gestion et à la rénovation du reste du patrimoine classé. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures le ministère entend prendre pour assurer la conservation de ce patrimoine, aussi bien par les pouvoirs publics que par les gestionnaires privés.
Il souhaiterait ainsi connaître les intentions du Gouvernement sur les actuels dispositifs dérogatoires au code du patrimoine. L'Assemblée nationale a récemment voté, dans le cadre de l'examen du projet de loi (AN n°1847, XIV leg)relatif à la biodiversité, la suppression des modalités inclues dans le code du patrimoine permettant la financement de la rénovation de bâtiments historiques par le recours à l'installation de bâches publicitaires. Depuis 2007, date à laquelle un décret (modifiant le code du patrimoine) autorise les monuments historiques à recourir à cette source de revenus en cas de travaux extérieurs nécessitant la pose d'échafaudages, l'installation de bâches publicitaires génère des recettes qui permettent de financer de 20 à 100 % des travaux. Grâce à ces bâches temporaires, 92 millions d'euros de travaux de restauration ont pu être réalisés générant 1,6 million d'heures de travail « non délocalisables » pour des compagnons spécialisés. En effet, les recettes récupérées par les monuments historiques peuvent s'avérer conséquentes. À titre d'exemple, en 2014, quand la campagne d'Apple sur le Palais de justice avait généré 103 000 euros, la vente d'espaces publicitaires pendant les deux années de la rénovation de la Conciergerie à Paris avait rapporté à l'État près de deux millions d'euros. Faute de moyens, l'État diminue depuis des années les crédits accordés à ce secteur d'activité ; il convient de maintenir et de pérenniser ce mode de financement. Sans cela, le secteur de la restauration des monuments historiques perdrait 350 emplois et 200 apprentis, entraînant par là même un risque de perte des savoir-faire hautement qualifiés.
Il souhaiterait notamment savoir si des dispositifs en ce sens sont prévus dans l'avant projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine qui devrait être discutée au Parlement en septembre 2015.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 08/10/2015

Les données rapportées dans la question se réfèrent au rapport sur l'état du parc monumental français, élaboré par le ministère de la culture et de la communication et remis au Parlement en 2007. Certaines de ces données ont évolué, et méritent d'être actualisées. Ainsi, l'application de gestion « AgrÉgée » du ministère de la culture et de la communication recense aujourd'hui 43 636 immeubles protégés au titre des monuments historiques en France, dont 14 147 classés et 29 489 inscrits ; près de 270 000 objets mobiliers bénéficient également d'une protection, classement ou inscription, au titre des monuments historiques. La diminution apparente du nombre des immeubles classés, en dépit des classements nouveaux intervenus depuis 2007, résulte essentiellement de la rationalisation des protections. Parmi les 43 636 immeubles protégés, 54 % sont propriété de personnes publiques (pour l'essentiel, soit 50 %, des communes), et 46 % sont propriété de personnes privées. Enfin, près de 50 % des immeubles classés et inscrits se trouvent dans des communes de moins de 2 000 habitants. S'agissant des situations de péril, le rapport de 2007, qui ne portait que sur les immeubles classés, faute de données suffisantes sur le parc des immeubles inscrits, distinguait les immeubles globalement en péril (629) et les immeubles partiellement en péril (2 215). La nuance est importante, car la notion de péril partiel peut signaler un désordre très ponctuel, par exemple, l'état de péril de la couverture du pigeonnier d'un château, pour le reste en bon état de conservation. Le nombre des monuments classés globalement en péril est aujourd'hui évalué à 612 (données 2012), soit 4,3 % du parc. Il s'agit évidemment d'une très faible proportion, qui a peu évolué depuis 2007 : en effet, au fur et à mesure que des monuments bénéficient de travaux, qui les font sortir de la catégorie des immeubles classés en péril, d'autres peuvent, faute d'entretien, ou à la suite d'un sinistre, entrer dans cette catégorie. Compte tenu du nombre de monuments protégés, de leur variété et de celle des propriétaires et de leurs politiques d'entretien, le maintien d'un nombre « incompressible » de monuments en péril est sans doute inévitable. Une part significative des crédits que l'État, les collectivités territoriales et les propriétaires consacrent à la conservation des monuments historiques va donc régulièrement à ces monuments signalés comme en péril, qui figurent en priorité dans les programmations financières de l'État, mais ne peuvent, sauf engagement de la procédure contraignante des travaux d'office, évidemment réservée aux cas les plus graves, être mis en œuvre tant que le propriétaire de l'immeuble ne l'a pas décidé. En ce qui concerne les immeubles inscrits au titre des monuments historiques, compte tenu des données partielles dont on dispose, on estime à 1 500, soit 5 % du parc, le nombre de ceux qui sont en situation de péril. L'un des moyens privilégiés d'éviter la survenance de situations de péril, générant parfois des pertes irrémédiables et nécessitant des travaux de restauration fondamentale plus coûteux, est de mettre l'accent sur la politique d'entretien régulier des monuments. Le ministère de la culture et de la communication consacre ainsi, depuis plusieurs années, 15 % de son budget annuel de travaux sur les monuments historiques aux travaux d'entretien. Par ailleurs, si l'État et certaines collectivités territoriales leur accordent des aides conséquentes, en raison de l'intérêt public que présente la conservation de l'ensemble des immeubles classés ou inscrits, quel que soit leur statut de propriété, les propriétaires privés de monuments historiques participent bien évidemment significativement aux travaux de restauration et d'entretien de leurs immeubles, travaux dont ils sont, depuis la réforme de 2005, maîtres d'ouvrage. Le ministère de la culture et de la communication a consacré, en 2014, 333 M€ en autorisations d'engagement (AE) et 313 M€ en crédits de paiement (CP) aux travaux sur les monuments historiques. Une part significative de cette dotation (36 %, soit 121,5 M€ d'AE et 113,4 M€ de CP) a été consacrée à l'aide aux propriétaires publics et privés, les monuments appartenant à ces derniers ayant bénéficié de plus de 12 % des crédits globaux. Cette aide est venue s'ajouter à celles des régions et des départements. Le solde a été consacré aux travaux sur les grands monuments relevant du ministère de la culture et de la communication ou de ses établissements publics (Versailles, Fontainebleau, Chambord, les 86 cathédrales appartenant à l'État et les quelque 100 monuments confiés au Centre des monuments nationaux, dont le Panthéon, l'Arc de triomphe de l'Étoile, la Sainte-Chapelle, le domaine national de Saint-Cloud, l'abbaye et les remparts du Mont-Saint-Michel et la cité de Carcassonne). L'article L. 621-29-8 du code du patrimoine permet un affichage publicitaire sur les bâches posées sur les échafaudages mis en place pour des travaux de restauration des monuments historiques, les recettes tirées de cet affichage devant être affectées au financement des travaux pour lesquels les échafaudages ont été installés. À l'occasion du vote en première lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, un amendement supprimant ce dispositif du code du patrimoine a été adopté contre l'avis de la rapporteure et du Gouvernement. Le ministère de la culture et de la communication est favorable au maintien de ce dispositif, introduit en 2007, qui permet d'améliorer, pendant la durée des travaux, la qualité des bâches sur les échafaudages et surtout de contribuer, en complément des crédits publics, au financement de la restauration des monuments, permettant ainsi de garantir leur conservation à long terme, pour les générations futures. Cette mesure contribue à la préservation du patrimoine national dans l'intérêt de tous. Le Gouvernement souhaite parvenir à maintenir ce dispositif dérogatoire. Des amendements pourront être déposés lors du prochain examen au Sénat du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine ne comprend donc pas de dispositifs de cette nature. Il prévoit cependant des améliorations qualitatives de la protection, qui vont notamment dans le sens de l'attractivité culturelle des territoires. Ainsi, les dispositions relatives à la possibilité de classer des ensembles historiques mobiliers cohérents entre eux, ou d'attacher des objets ou ensembles mobiliers classés à des immeubles classés, ont pour objet de garantir, pour les générations futures, la préservation de collections mobilières patiemment constituées, ou la compréhension de l'ameublement et de la décoration originales d'un monument, tant il est vrai que la visite de certains monuments perd beaucoup de son intérêt culturel, s'ils sont privés du mobilier historique qui les garnissait. Les dispositions visant à garantir l'intégrité foncière des domaines nationaux, bien commun de tous les Français, hérités des différents régimes qui ont gouverné le pays au fil de l'histoire, et dont la dimension symbolique, historique, artistique et écologique est souvent très forte, répond également à cet objectif de maintien de la qualité et de l'attractivité culturelles exceptionnelles des territoires concernés. Enfin, certaines mesures de simplification, et notamment d'harmonisation des dispositifs d'autorisations de travaux entre immeubles inscrits et immeubles classés, dont l'adoption par voie d'ordonnance sera proposée dans le cadre de cette loi, auront pour objet d'améliorer le contrôle de la qualité des interventions, mais surtout de clarifier les procédures, permettant ainsi d'engager plus rapidement les travaux indispensables à la conservation des monuments.

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