Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SOC) publiée le 25/06/2015
M. Didier Marie attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget sur le régime fiscal des monuments historiques.
Chaque année, environ cinq cents immeubles et trois mille objets mobiliers sont protégés au titre des monuments historiques. Le parc de monuments historiques représente 15 000 immeubles classés et 28 000 inscrits à l'inventaire supplémentaire.
Or, son état se dégrade constamment et les propriétaires - notamment l'État et les collectivités territoriales - n'ont pas les moyens d'entretenir les immeubles. Un tiers de ces immeubles classés ou inscrits est en situation de dégradation poussée ou périlleuse. Leur restauration est coûteuse - soit de 2 000 à 3 500 euros par mètre carré habitable - et, dans certains cas significatifs, la prise en charge de cette restauration par des copropriétés, seules à même de prendre en charge de gros projets, permet de mener des projets de réhabilitation dont l'équilibre économique repose sur l'appoint de l'aide fiscale de l'article 156 du code général des impôts (CGI), qui compense partiellement la lourdeur des contraintes budgétaires, techniques et architecturales propre à ces opérations. L'article 90 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 a instauré de nouvelles règles pour l'application de l'agrément pour mise en copropriété ou en société, délivré par les ministères de la culture et du budget :
- remplacement du critère d'examen des charges d'entretien par l'obligation d'une teneur minimale de 75 % de logements dans l'immeuble ;
- dispositif anti-abus imposant une ancienneté du classement (douze mois minimum) ;
- exclusion du bénéfice de l'article 156 du CGI pour tous les immeubles inscrits lorsqu'ils sont mis en copropriété ou détenus par des sociétés civiles non familiales à partir de 2015, de même pour les immeubles bénéficiant du label « fondation du patrimoine ».
Si la volonté de clarifier les critères de décision et d'éviter les abus fait consensus, l'exclusion des immeubles cause, en revanche, de vraies difficultés. En effet, l'exclusion des immeubles inscrits de la possibilité d'une mise en copropriété menace les opérations significatives de réhabilitation (une caserne, par exemple) qui sont, pour la collectivité, les plus créatrices de valeur et de logements.
L'aide fiscale représente moins de mille euros par mètre carré, alors que la vente par l'État ou la collectivité est rarement faite à un prix supérieur. Ainsi, hors aide fiscale, seule une vente à prix négatif serait « viable ».
Le Sénat a adopté, lors de l'examen du projet de loi n° 539 (2014-2015) pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économique, un amendement tendant à revenir sur l'exclusion systématique des immeubles inscrits ou labellisés, du bénéfice de la mise en copropriété.
Les motifs et les débats au Sénat ont démontré le respect des décisions prises à l'occasion de la loi de finances rectificative et ont souligné le caractère antinomique d'une exclusion systématique et aveugle, par rapport aux buts poursuivis, à savoir créer des logements et éviter les abus.
Aussi, souhaite-t-il connaître les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour assurer une meilleure protection des monuments historiques.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du numérique publiée le 02/12/2015
Réponse apportée en séance publique le 01/12/2015
M. Jean-Pierre Sueur, en remplacement de M. Didier Marie. Madame la secrétaire d'État, je vous prie de bien vouloir excuser notre collègue Didier Marie, qui, dans l'impossibilité d'être présent ce matin, m'a chargé de poser sa question.
Notre collègue Didier Marie appelle l'attention du Gouvernement sur le régime fiscal des monuments historiques, sujet qui se pose partout, y compris à Marseille. (Sourires.)
Chaque année, environ 500 immeubles et 3 000 objets mobiliers sont protégés au titre des monuments historiques, si bien que le parc de monuments historiques représente, dans notre pays, 15 000 immeubles classés et 28 000 immeubles inscrits à l'inventaire supplémentaire.
Or l'état de ce parc se dégrade constamment et les propriétaires, notamment l'État et les collectivités territoriales, n'ont pas toujours les moyens d'entretenir les immeubles. Un tiers de ces immeubles classés ou inscrits sont en situation de dégradation poussée, voire périlleuse. Leur restauration est coûteuse - un coût de 2 000 à 3 500 euros par mètre carré habitable, selon les évaluations - et, dans certains cas significatifs, la prise en charge de cette restauration par des copropriétés, seules à même de conduire de gros projets, permet de mener des projets de réhabilitation dont l'équilibre économique repose essentiellement sur l'appoint de l'aide fiscale prévue par l'article 156 bis du code général des impôts, qui compense partiellement la lourdeur des contraintes budgétaires, techniques et architecturales propres à ces opérations.
L'article 90 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 a instauré de nouvelles règles pour l'application de l'agrément pour mise en copropriété ou en société, délivré par les ministères de la culture et du budget.
Le critère d'examen des charges d'entretien a ainsi été remplacé par l'obligation d'une teneur minimale de 75 % de logements dans l'immeuble ; un dispositif anti-abus imposant une ancienneté du classement de douze mois minimum a été mis en place, et sont exclus du bénéfice de l'article 156 bis du CGI à partir de 2015 tous les immeubles inscrits mis en copropriété ou détenus par des sociétés civiles non familiales, de même que les immeubles bénéficiant du label « Fondation du patrimoine ».
Si la volonté de clarifier les critères de décision et d'éviter les abus fait évidemment consensus, l'exclusion des immeubles cause, en revanche, de vraies difficultés. En effet, l'exclusion des immeubles inscrits de la possibilité d'une mise en copropriété menace les opérations significatives de réhabilitation ; il en est ainsi dans le cas d'une caserne, par exemple.
Or ces opérations sont pour la collectivité les plus créatrices de valeur et de logements. L'aide fiscale représente moins de 1 000 euros par mètre carré, alors que la vente par l'État ou la collectivité intervient rarement à un prix supérieur. Ainsi, or aide fiscale, seule une vente à prix négatif serait « viable ».
Le Sénat, dans sa sagesse, a adopté, lors de l'examen du projet de loi n° 539 [2014-2015] pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, un amendement tendant à revenir sur l'exclusion systématique des immeubles inscrits ou labellisés du bénéfice de la mise en copropriété. Cette disposition va dans le sens du réalisme, s'agissant de la restauration du patrimoine historique.
Les débats du Sénat ont démontré le respect des décisions prises à l'occasion de la loi de finances rectificative et ont souligné le caractère antinomique d'une exclusion systématique et aveugle par rapport aux objectifs, à savoir créer des logements et éviter les abus.
Aussi M. Didier Marie souhaite-t-il connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour assurer une meilleure protection des monuments historiques et faire évoluer ces dispositions fiscales.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, vous évoquez le dispositif prévu à l'article 156 bis du code général des impôts, et vous rappelez à juste titre l'importance du soutien apporté par l'État pour les collectivités territoriales qui souhaitent entretenir le parc des monuments historiques dégradés situés sur leur territoire.
Ce dispositif d'aide a été modifié par le Gouvernement l'année dernière dans la loi de finances pour 2015. Pour quelles raisons ?
Les conditions de l'agrément qui était donné par l'administration fiscale subordonnaient antérieurement le bénéfice de ce dispositif fiscal, en visant les immeubles détenus par une SCI non soumise à l'impôt sur les sociétés ou les immeubles faisant l'objet d'une division.
Ce dispositif utilisait des critères trop subjectifs et difficilement vérifiables. Pour tout dire, il ne permettait pas de soutenir les projets qui le méritaient.
Comme vous l'avez indiqué, des discussions nourries ont eu lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat pour trouver un équilibre qui devait permettre de faciliter l'aboutissement de ces projets.
La sécurité juridique à laquelle sont attachés les porteurs de projets a été renforcée par les nouvelles conditions d'agrément, qui, mieux harmonisées et plus objectives, apportent une meilleure visibilité sur les conditions dans lesquelles un projet de réhabilitation d'immeuble historique est susceptible d'être agréé par l'État.
Une clause d'ancienneté de quinze ans a de plus été introduite pour le classement de l'immeuble afin d'éviter d'éventuels abus, et, conformément à la priorité que s'est fixée le Gouvernement, le dispositif a été recentré sur les projets immobiliers principalement orientés vers la réhabilitation ou vers la construction de logements.
Enfin, comme l'avait indiqué mon collègue en charge du budget, M. Christian Eckert, lors des débats au Sénat, le dispositif a été ouvert aux projets portant sur des monuments historiques classés affectés au minimum pendant quinze ans à un espace culturel non commercial et ouverts au public, afin de répondre aux préoccupations qui se sont exprimées en matière de sauvegarde du patrimoine et d'animation des centres-villes.
Il s'agit donc d'un dispositif accordant une aide fiscale sans limitation de durée ni plafond de déduction. C'est pourquoi celui-ci a dû être limité aux immeubles classés.
S'agissant des immeubles inscrits sur la liste des monuments historiques ou labellisés par la Fondation du patrimoine, ils devaient continuer de bénéficier du dispositif jusqu'à l'expiration des engagements de conservation prévus dans le régime antérieur.
Vous vous inquiétez du sort de ces immeubles inscrits ; néanmoins, comme vous le savez, les modifications du régime que je viens de vous présenter ne sont plus applicables, car le Sénat, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, en cours de discussion, les a intégralement réécrites.
J'invite donc M. le sénateur Didier Marie à suivre les discussions sur l'ensemble de ces dispositions jusqu'à l'adoption définitive du projet de loi de finances, tout en l'assurant que le Gouvernement poursuit dans cette discussion les mêmes objectifs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d'État, vous avez fait allusion à l'examen du projet de loi de finances pour 2016, actuellement en cours de discussion au Sénat. Mais du fait de notre organisation, nous sommes dans l'obligation de poser les questions orales bien avant qu'elles ne soient inscrites à l'ordre du jour. J'ai ainsi eu l'honneur d'obtenir une réponse à ma question sur les chèques postaux le 1er décembre, alors que je l'avais posée le 31 juillet ! (Sourires.) M. Didier Marie ne pouvait donc anticiper sur le projet de loi de finances.
Votre réponse, que notre collègue lira avec grand intérêt, montre l'attention que le Gouvernement porte à cette question et qu'il portera, lors de la discussion du projet de loi de finances, aux arguments de M. Marie plaidant pour des ajustements du dispositif.
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