Question de Mme ARCHIMBAUD Aline (Seine-Saint-Denis - ECOLO) publiée le 04/06/2015
Mme Aline Archimbaud interpelle Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au sujet du projet de réalisation d'une opération immobilière prévoyant d'amputer gravement le parc départemental « Georges-Valbon » en Seine-Saint-Denis.
Voici plusieurs dimanches que des collectifs d'associations et de riverains organisent des pique-niques conviviaux dans le parc départemental « Georges-Valbon », situé sur les communes de la Courneuve, de Stains, de Dugny, et de Saint-Denis, en signe de protestation contre le projet immobilier de réalisation d'un « Central Park ». Une pétition contre ce projet recueille actuellement plus de 3 200 signatures.
Ce parc est aujourd'hui un des plus grands espaces de détente de la région parisienne, avec plus de 400 hectares, et constitue la plus grande zone naturelle du département de Seine-Saint-Denis, un haut lieu de la biodiversité, avec ses arbres, ses espèces, notamment ses oiseaux migrateurs.
C'est aussi un lieu de rencontre, de détente, de loisir, de sociabilité, de mixité sociale, auquel les habitants sont très attachés. La création, dans les années 1960, de ce parc a été une très belle initiative de requalification d'un territoire tellement décrié et un « plus » pour la qualité de vie de ses habitants.
Or, un projet dévoilé en octobre 2014, géré par l'agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP), prévoit de construire quelque 24 000 logements à la lisière et à l'intérieur du parc. Cela représenterait 77 hectares amputés au parc, classés zone « Natura 2000 ». Outre la destruction d'une partie conséquente de cet espace naturel, engendrant la mort de près de 10 000 arbres et s'attaquant, notamment, à la partie boisée abritant des arbres de plus de soixante ans, outre la menace sur la biodiversité que ce projet engendrerait, dans un département déjà traversé par de fortes fractures environnementales, aucune garantie n'est apportée quant à la proportion de logements sociaux qui seraient construits, ni à leur emplacement.
Par ailleurs, il se murmure également que ce projet pourrait devenir une opération d'intérêt national (OIN) déchargeant les élus locaux de leur autorité, au profit de l'État, ce qui pose un sérieux problème de respect des partenariats déjà mis en place avec les collectivités locales (en particulier les contrats de développement territorial) mais aussi, plus généralement, un sérieux problème en termes de gouvernance démocratique, en imposant un projet immobilier aux élus et aux habitants de façon autoritaire.
Cela apparaît contraire à toutes les pratiques de débat public en amont des projets encouragés aujourd'hui. Elle lui demande donc quelle garantie elle peut fournir quant aux modalités de discussion et de décision sur ce dossier, aux marges de manœuvre qui seront données aux élus locaux, dans le cadre de ces futurs aménagements qui relèvent, normalement, de leurs compétences.
Par ailleurs, à quelques mois de la vingt-et-unième conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP-21), elle lui demande s'il lui semble écologiquement cohérent de mettre en danger un tel espace naturel, dans un territoire que l'on s'attache à requalifier au bénéfice d'une population, par ailleurs, massivement frappée par la crise sociale.
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Transmise au Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité
Réponse du Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité publiée le 08/07/2015
Réponse apportée en séance publique le 07/07/2015
Mme Aline Archimbaud. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, mais je vous la pose bien volontiers, madame la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Depuis plusieurs semaines, des collectifs d'associations et des riverains se mobilisent en grand nombre pour protester contre le projet immobilier de réalisation d'un « Central Park »dans le parc départemental Georges-Valbon, situé sur les communes de La Courneuve, Stains, Dugny et Saint-Denis dans le département de Seine-Saint-Denis. Une pétition contre ce projet a été massivement signée.
Le parc départemental Georges-Valbon est aujourd'hui l'un des plus grands espaces de détente de la région parisienne. Avec plus de 400 hectares, il constitue la plus grande zone naturelle du département de Seine-Saint-Denis, un haut lieu de la biodiversité. C'est aussi un lieu de rencontre, de détente, de loisir, de sociabilité et de mixité sociale auquel les habitants sont très attachés.
La création de ce parc dans les années 1960 a été une très belle initiative visant à requalifier un territoire tellement décrié et a apporté un« plus » à la qualité de vie de ses habitants.
Or, en octobre dernier, l'Agence foncière et technique de la région parisienne a dévoilé un projet de construction de pas moins de 24 000 logements à la lisière et à l'intérieur du parc. Ainsi, ce parc classé zone Natura 2000 serait amputé de 77 hectares. La destruction d'une partie importante de cet espace naturel entraînerait la mort de près de 10 000 arbres et la partie boisée abritant des arbres vieux de plus de soixante ans serait notamment touchée. Cette opération constituerait une grave menace pour la biodiversité, alors que ce département connaît déjà de fortes fractures environnementales.
Par ailleurs, il se murmure que ce projet pourrait devenir une opération d'intérêt national : les élus locaux seraient déchargés de leur autorité au profit de l'État, ce qui pose un sérieux problème en matière de respect des partenariats déjà mis en place avec les collectivités locales, mais aussi, plus généralement, en termes de gouvernance démocratique, puisqu'un projet immobilier serait imposé aux élus et aux habitants de façon autoritaire. Une telle orientation semble contraire à la politique actuelle du Gouvernement qui encourage l'organisation de débats publics en amont des projets.
Madame la ministre, quelle garantie comptez-vous donner quant aux modalités de discussion et de décision sur ce dossier ?
À quelques mois de la COP 21, n'est-il pas écologiquement incohérent de mettre en danger un tel espace naturel dans un territoire que nous nous attachons à requalifier au bénéfice d'une population par ailleurs massivement frappée par la crise économique et sociale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel,ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Madame la sénatrice, vous me faites part de vos inquiétudes quant à l'avenir du parc Georges-Valbon concerné par le projet dit de « Central Park du Grand Paris ».
Avant toute chose, je veux rappeler que ce projet est une libre contribution au débat de l'architecte Roland Castro. Vous le savez, pour résorber la crise du logement qui frappe l'Île-de-France, le Gouvernement a lancé un grand plan de mobilisation pour la construction de logements, qui s'articule autour de l'extension et de la modernisation du réseau de transports en commun, notamment la construction de nouvelles gares du Grand Paris Express. Une phase de concertation avec l'ensemble des acteurs locaux a été engagée pour identifier, à l'échelle de la région, les territoires dotés d'un fort potentiel qui sont susceptibles de faire l'objet d'opérations d'aménagement. Ce projet doit permettre d'atteindre l'objectif de 70 000 nouveaux logements par an, inscrit au schéma directeur de la région Île-de-France, et de lutter contre les phénomènes de ségrégation spatiale qui existent au sein de la région capitale.
C'est dans ce cadre que s'est tenu, le 9 avril dernier, autour du préfet de département et avec l'Agence foncière et technique de la région parisienne, un atelier du Grand Paris du logement consacré aux potentialités d'aménagement des franges du parc Georges-Valbon.
Le dialogue avec les élus locaux doit se poursuivre tant sur le fond du projet que sur la méthode, afin que celui-ci soit mené à bien, comme l'a rappelé le Premier ministre dans un courrier adressé le 29 juin au président du conseil départemental.
Je veux vous rassurer, madame la sénatrice, il s'agit bel et bien - je veux être très claire sur ce point - de coconstruire, avec les élus locaux et à partir des intentions exprimées aujourd'hui par les communes, un projet qui tienne compte des enjeux et des problématiques du territoire, notamment le besoin de retisser des liens entre le parc, replié sur lui-même, et les villes alentour.
Il s'agit également de profiter de la future desserte offerte par le réseau du Grand Paris Express pour créer un nouveau pôle de développement et d'attractivité au nord de Paris.
Il s'agit, enfin, de construire un projet d'aménagement des franges du parc, en limitant ses conséquences environnementales, et non pas d'urbaniser massivement cet espace naturel remarquable. La préservation de la richesse écologique du parc doit figurer au cur du projet.
L'éventuel recours à une opération d'intérêt national sur ce site n'est - je l'ai déjà indiqué à maintes reprises, mais je le répète - qu'un outil parmi d'autres dans les modalités d'accompagnement de ce projet par l'État. Le Gouvernement n'en fait pas un préalable et décidera, là encore avec les élus locaux, de la pertinence du recours à ce dispositif juridique à l'issue de la concertation en cours. Vous le savez, nous arrêterons ces décisions lors du prochain comité interministériel sur le Grand Paris, qui se tiendra en octobre prochain.
Vous l'aurez compris, madame la sénatrice, la volonté du Gouvernement est de construire, avec les élus locaux et non pas contre eux, un projet susceptible de renforcer l'attractivité du territoire ayant vocation à devenir, demain, un pôle majeur du Grand Paris et de contribuer à la réduction des inégalités territoriales que connaît l'Île-de-France, un projet qui soit au service des intérêts du territoire et de ses habitants.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Parmi les points positifs que j'ai entendus et qui me rassurent, je retiendrai notamment la volonté forte du Gouvernement d'engager une concertation. Vous avez même parlé de « coconstruction » avec les élus locaux, et je mesure toute la force de ce terme.
En revanche, l'emploi du terme« franges » concernant ce parc continue de m'inquiéter. Autant il me semble intéressant d'envisager de désenclaver le parc, en construisant des gares et des logements à l'extérieur - je soutiens le plan de mobilisation pour le logement en Île-de-France -, autant je persiste à penser qu'il serait vraiment injuste et inacceptable de construire à l'intérieur de ce parc, qui a fait l'objet d'investissements importants.
Ce territoire est stigmatisé et il a besoin, au contraire- vous le savez bien, en tant que ministre chargée de l'égalité des territoires -, que l'on continue à le requalifier. Ce n'est pas en amputant un espace classé Natura 2000 que nous réglerons le problème.
Je le répète, construire « à la frange » du parc me gêne. Je suis d'accord pour aménager les alentours, mais il ne me semble pas juste, dans le contexte actuel, de toucher à ces 400 hectares.
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