Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 19/06/2015
Question posée en séance publique le 18/06/2015
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre de l'intérieur, l'affaire des migrants pose en réalité trois problèmes.
Tout d'abord, il y a un problème humanitaire. Sans revenir dessus en détail, il est clair que ce qui se passe actuellement en Méditerranée est inacceptable. La mort, la souffrance, le débarquement dans des conditions invraisemblables en Italie créent une situation qui s'impose à tous, et pas seulement aux Italiens.
Ensuite, se pose un problème matériel et financier. Je ne reviendrai pas sur les chiffres de la Cour des comptes, qui évalue à peu près à 2 milliards d'euros le coût pour notre pays de l'asile, déboutés compris, et de l'immigration clandestine, si l'on ajoute l'aide médicale de l'État, l'hébergement, l'allocation temporaire d'attente, la durée d'instruction de chaque dossier de demandeur d'asile. À défaut d'être certifié, ce chiffre apparaît quand même probable ; en ces temps de contraintes financières et matérielles, il ne peut que nous interpeller.
Enfin, un certain nombre de responsables, pas seulement de droite, disent que nous sommes à un point de rupture, l'acceptation de cette situation par notre société étant de plus en plus difficile. Il n'est qu'à voir les incidents qui se sont produits entre les CRS et certains migrants à Calais ou à Paris. D'aucuns proposent la création de centres, mais personne ne s'y retrouve.
Parallèlement, nous avons l'impression que l'Europe balbutie, et ce qui vient de se passer à Luxembourg n'est pas de nature à nous rassurer. Nous avons également le sentiment que vous souhaitez faire preuve de fermeté, mais que le cadre européen ne se prête pas à la prise de décision rapide et efficace qui s'impose au regard de ce qui se passe en Méditerranée.
Le système français n'a plus la capacité financière de suivre. D'un côté, nous intégrons mal ceux qui obtiennent le droit d'asile et, de l'autre, nous traitons massivement ceux qui sont déboutés et qui ne sont pas raccompagnés à la frontière.
Pour résumer, je dirai que nous subissons une pression considérable aux frontières, notamment celles du sud, avec l'Italie. Par ailleurs, le point d'acceptation dans la société française est dépassé, d'autant qu'on nous annonce 300 000 personnes supplémentaires dans l'année qui vient. Aussi, ma question est simple : concrètement, que fait le Gouvernement français ? Certes, vous avez annoncé hier un plan pour un meilleur accueil, qui contient d'ailleurs un certain nombre de mesures qui étaient déjà prévues, mais je suis désolé de vous dire que nous sommes loin du compte au regard de la pression que nous subissons à nos frontières.
Monsieur le ministre, le Gouvernement ayant la responsabilité de la sécurité intérieure et de l'unité de la nation, comment comptez-vous procéder ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Trente secondes de dépassement !
M. le président. Je demande à chacun de respecter son temps de parole.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 19/06/2015
Réponse apportée en séance publique le 18/06/2015
M. Bernard Cazeneuve,ministre de l'intérieur. Monsieur Karoutchi, vous évoquez un problème extrêmement grave, à propos duquel je m'interdis tout commentaire, étant moi-même en situation de responsabilité. Pourtant, j'entends beaucoup de commentaires, y compris de la part de ceux qui ont, par le passé, exercé des responsabilités. Étant donné la gravité de la situation, chaque parole sur le sujet devrait être pesée et responsable.
Nous devons trouver les solutions les plus pertinentes à ce problème international. Vous pourrez dire tout ce que vous voulez sur le niveau d'acceptation en Europe, la réalité qui s'impose à nous est celle d'hommes et de femmes jetés sur les chemins de l'exode par les persécutions et les exactions perpétrées par des régimes sanguinaires et des groupes terroristes.
Faut-il que l'Europe assure l'accueil de ceux qui relèvent du statut de réfugié ? La réponse du Gouvernement est clairement oui ! Les cinq pays accueillant 75 % de ces réfugiés peuvent-ils continuer à le faire seuls ? La réponse est clairement non ! C'est la raison pour laquelle nous avons proposé un dispositif de solidarité. Il faut savoir que les propositions faites par l'Union européenne ont été inspirées par la France.
Le 30 août 2014, j'ai fait une tournée des capitales européennes en proposant à tous mes homologues d'accepter un dispositif introduisant non seulement plus de solidarité, mais également plus de responsabilité, ce qui implique trois choses.
D'abord, il faut que les migrants soient enregistrés dans le pays de première arrivée, pour qu'il soit possible de distinguer ceux qui relèvent du statut de réfugié de ceux qui relèvent de l'immigration économique irrégulière.
Ensuite, il faut que ceux qui relèvent de l'immigration économique irrégulière soient reconduits vers les pays de provenance. C'est pourquoi nous avons obtenu le triplement des moyens de Frontex et de passer d'une opération exclusivement humanitaire à une opération couplant l'humanitaire au contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne.
Enfin, nous devons travailler avec les pays de provenance- d'où mon déplacement au Niger voilà trois semaines -, pour qu'il y ait de véritables centres de réadmission et le maintien dans la bande sahélienne de populations auxquelles nous devons, par ailleurs, apporter des projets de développement.
En France, nous menons deux types d'action.
D'une part, nous proposons des dispositifs d'hébergement renforcés. Nous prévoyons en effet plus de places pour les réfugiés qui sont dans les CADA - les centres d'accueil pour demandeurs d'asile -, dans la rue ou les centres d'hébergement d'urgence, car ils doivent entrer dans le droit commun du logement, avec des dispositifs d'insertion. Nous ouvrons également de nouvelles places dans les centres d'hébergement d'urgence et dans les CADA.
D'autre part, nous faisons davantage preuve fermeté en mettant en place des dispositifs de reconduite à la frontière.
M. le président. Il faut conclure !
M. Bernard Cazeneuve,ministre.Nous avons éloigné 15 000 personnes l'an dernier ; c'est beaucoup plus que ce qui avait été fait auparavant. Sachez que nous continuerons à conduire cette politique de fermeté avec responsabilité et humanité. (Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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