Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 14/05/2015

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la récente publication des statistiques des journées « Défense et citoyenneté », organisées par le ministère de la défense.

En 2014, environ 750 000 jeunes de dix-sept ans ont été soumis à des tests de lecture. Le constat est consternant : 10 % d'entre eux ont des difficultés à lire. Un chiffre qui était en baisse depuis plusieurs années, mais qui se stabilise aujourd'hui. Parmi ces jeunes, il en reste encore 4 % qui peuvent être considérés comme quasi-illettrés : ils savent à peine lire un programme de cinéma, selon le test qu'on leur a fait passer. Ces adolescents devaient lire les titres de films, les horaires et les salles de projection ainsi qu'un petit texte. Or, pour eux, il y avait trop d'informations d'un coup à déchiffrer. Il faut noter par ailleurs que 80 % d'entre eux ont arrêté leur scolarité au collège. La Picardie concentre les plus grandes difficultés.

En 2009, déjà, le taux d'illettrisme en Picardie s'élevait à 8,3 % et ce, depuis 2005, marquant un écart s'aggravant avec la moyenne nationale depuis 2004. Pour le département de l'Aisne, le taux de difficultés des jeunes y atteint les 16 %. Ce constat est particulièrement décourageant.

En outre, le taux de chômage y tourne autour de 12, 3 %, contre 10,4 % au niveau national. À cela, il faut encore ajouter que la Picardie s'inscrit dernière ou avant-dernière pour la plupart des indicateurs de formation.

Comme les autres régions à moindre réussite, la Picardie possède des parcours moins diversifiés. Les jeunes s'orientent le moins souvent vers la filière générale et technologique à l'issue de la troisième. Enfin, l'apprentissage y est peu développé et inégalement réparti sur le territoire.

Devant les difficultés récurrentes ainsi notées pour les habitants de la future région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le Nord-Pas de-Calais n'étant qu'un tout petit peu mieux loti, il est urgent d'apporter des réponses plus pragmatiques.
Inscrite dans la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, la lutte contre l'illettrisme est réaffirmée dans la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances mais également par le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

En 2000, l'agence nationale de la lutte contre l'Illettrisme (ANLCI) a été créée dans ce but. Il lui demande comment il est, dès lors, possible de supporter un tel constat.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 08/07/2015

Réponse apportée en séance publique le 07/07/2015

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le secrétaire d'État, ma question découle de la récente publication des statistiques des Journées défense et citoyenneté organisées par le ministère de la défense.

En 2014, environ 750 000 jeunes de 17 ans ont été soumis à des tests de lecture. Le constat est consternant : 10 % d'entre eux ont des difficultés à lire. En baisse depuis plusieurs années, le chiffre remonte aujourd'hui. On peut même considérer que 4 % du total de ces jeunes peuvent être considérés comme étant quasi illettrés. Parmi ces derniers, 80 % ont arrêté leur scolarité au collège.

La région Picardie concentre les plus grandes difficultés. En 2009 - et ce, depuis 2005 -, le taux d'illettrisme s'y élevait déjà à 8,3 %. L'écart avec la moyenne nationale s'aggrave depuis 2004. Pour le département de l'Aisne dont je suis l'élu, le taux des jeunes rencontrant des difficultés atteint 16 %. Ce constat est particulièrement amer et décourageant.

La Picardie, qui se situe en queue de peloton pour la plupart des indicateurs de formation, se caractérise, comme les autres régions où la réussite scolaire est moindre, par des parcours scolaires moins diversifiés. Les jeunes s'orientent le moins souvent vers la filière générale et technologique à l'issue de la classe de troisième. L'apprentissage y est peu développé et inégalement réparti sur le territoire. Il faut compléter le tableau - ou plutôt le confirmer, l'un entraînant l'autre - par un taux de chômage aux alentours de 12,3 %, contre 10,4 % au niveau national.

Par un effet de cascade, notre région connaît, selon l'INSEE, le taux de pauvreté le plus élevé. Il dépasse 16,4 % et atteint 31,4 % pour les moins de trente ans. Pour couronner le tout, et alors que certains freins à la croissance en France semblent se desserrer, l'économie picarde est encore et toujours en berne !

Devant les difficultés récurrentes ainsi relevées pour la future région Nord-Pas-de-Calais-Picardie - la région Nord-Pas-de-Calais n'étant qu'un tout petit peu mieux lotie que sa voisine picarde -, il est urgent d'apporter des réponses plus pragmatiques.

En effet, derrière ces chiffres, ces pourcentages ou ces statistiques, nous parlons de nos concitoyens, qui sont de moins en moins armés pour affronter les difficultés en vue de trouver une formation ou un travail et d'assumer dignement l'entretien d'une famille.

Afin d'acquérir ce qui apparaît comme la base de l'éducation - lire, compter et savoir s'exprimer pour être correctement compris -, la lutte contre cet illettrisme grandissant doit donc être une priorité. Inscrite dans la loi de 1988 relative à la lutte contre l'exclusion, la lutte contre l'illettrisme est réaffirmée dans la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, mais également dans le programme des Nations unies pour le développement. L'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, l'ANLCI, a été créée dans ce but en 2000.

Dès lors, comment peut-on, monsieur le secrétaire d'État, supporter un tel constat ? Quelles solutions préconisez-vous pour améliorer la situation ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.Monsieur le sénateur, je connais votre attachement sincère et constant à la lutte contre ce fléau qu'est, depuis très longtemps et trop longtemps, l'illettrisme. Parce que ce fléau touche aujourd'hui près de 4,6 % des jeunes âgés de 17 à 20 ans, le Premier ministre a décrété cette lutte contre l'illettrisme « grande cause nationale » dès l'année 2013. Elle est une priorité du Gouvernement.

Pour prévenir ce fléau, la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a donné la primauté à l'école primaire, afin d'agir pour favoriser très tôt l'appropriation du langage et la découverte de l'écrit. C'est en effet dans la formation initiale qu'il faut trouver une partie des réponses au caractère chronique de l'illettrisme dans notre pays.

Les missions de l'école maternelle sont ainsi redéfinies en vue de permettre aux enfants les plus fragiles de disposer du temps nécessaire pour les premiers apprentissages. Le développement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans vise le même objectif.

C'est surtout à l'école élémentaire que le dispositif « Plus de maîtres que de classes » vient renforcer, dans les secteurs socialement défavorisés, l'aide aux élèves les plus fragiles. Par ailleurs, les nouveaux rythmes scolaires respectent mieux les temps de l'enfant et doivent ainsi améliorer les situations d'apprentissage. En outre, certaines activités complémentaires permettent une aide aux élèves en difficulté.

Les efforts ne doivent pas s'arrêter avec le passage au collège. Au contraire, l'accompagnement personnalisé doit désormais concerner l'ensemble des élèves et permettre de leur proposer des réponses adaptées à leurs besoins et de remédier à leurs difficultés dans les apprentissages fondamentaux.

Notre ministère agit également sur les situations avérées d'illettrisme en soutenant les familles, par exemple, au moyen des actions éducatives familiales développées par l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, qui fédère les principales associations et organisations impliquées pour faire reculer ce fléau. Les différentes parties concernées doivent savoir dépasser les querelles d'école autour du sujet pour agir avec la plus grande efficacité possible.

S'agissant plus particulièrement de l'académie d'Amiens, au sein de laquelle les difficultés de lecture et d'écriture sont très sensibles, des efforts importants ont été entrepris. Ils sont désormais traduits dans le programme de travail pour la période 2014-2017, qui comprend notamment des actions de formation d'envergure à destination des enseignants et des actions spécifiques à l'intention des jeunes.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, une dynamique nationale s'est engagée pour lutter contre l'illettrisme. Elle est particulièrement forte dans l'académie d'Amiens. J'espère que les premiers résultats seront rapidement visibles.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de cette réponse détaillée. L'académie d'Amiens doit en effet se voir attribuer le plus possible de moyens supplémentaires dans le cadre de la lutte contre l'illettrisme.

Je veux profiter de cette occasion pour vous interpeller, monsieur le secrétaire d'État, après d'autres collègues parlementaires, sur le fait qu'une ponction de plus de 100 millions d'euros a été opérée sur certains établissements d'enseignement supérieur. Je regrette moi aussi l'importance du prélèvement effectué sur les établissements de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie et veux vous rappeler l'importance du rééquilibrage des aides sur le territoire national. Monsieur le secrétaire d'État, je compte sur votre appui en ce sens.

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