Question de M. BOUVARD Michel (Savoie - UMP) publiée le 07/05/2015
M. Michel Bouvard interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le projet de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin « Rhône-Méditerranée » couvrant la période 2016 à 2021, actuellement en cours d'élaboration.
Institué par la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, le SDAGE est un instrument de planification qui fixe, pour chaque bassin hydrographique, les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau dans l'intérêt général et dans le respect des principes de la directive cadre sur l'eau et de la loi sur l'eau. Il détermine des objectifs environnementaux pour chaque masse d'eau (plans d'eau, tronçons de cours d'eau, estuaires, eaux côtières, eaux souterraines).
Les SDAGE adoptés à la fin de 2015 couvriront la période 2016-2021, à l'issue de laquelle le cycle de gestion recommencera pour une nouvelle période de six ans, et ainsi de suite. Le SDAGE actuel a été élaboré à la fin de 2009, pour la période 2010-2015. Ce document a une portée juridique qui s'impose aux décisions administratives en matière de police des eaux, notamment l'instruction des déclarations et autorisations administratives (rejets, urbanisme...). De surcroît, plusieurs autres documents de planification (schémas de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme, schémas départementaux des carrières
) doivent lui être compatibles ou rendus compatibles dans les trois ans. En l'espèce, le département de la Savoie a notamment été saisi pour avis du projet du SDAGE 2016-2021 dans le cadre de la concertation engagée par le comité de bassin « Rhône-Méditerranée ».
Or, il s'avère qu'à l'analyse de ce projet, ce document fait ressortir six principales critiques. D'abord, l'instauration d'une prédominance excessive des politiques liées à l'eau, louable au départ, conduit à un hégémonisme de certaines doctrines de la gestion de l'eau au détriment de tous autres considérants. C'est ainsi le cas dans le domaine économique où le SDAGE impose à de nombreux projets d'être justifiés par des études économiques à quarante ans.
Deuxième critique : une absence manifeste de prise en compte des spécificités montagnardes liées au relief ou au climat en dépit de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Troisième critique : un coût financier en inadéquation avec les capacités des collectivités. Quatrième critique : le renforcement de l'insécurité juridique compte tenu des dispositions assez floues et « tentaculaires » qu'il contient. Cinquième critique : une complexité réglementaire grandissante et inutilement stérilisante, caractérisée par une surenchère de critères techniques à satisfaire.
Enfin, la dernière critique porte sur le dessaisissement du pouvoir décisionnel local, avec une recentralisation de la gouvernance laissant aux élus locaux un simple rôle d'exécutant d'une politique définie à l'échelle du bassin.
En tout état de cause, cette évolution tatillonne du SDAGE va à l'encontre du « choc de simplification » demandé par le chef de l'État, visant à simplifier les procédures administratives et à renforcer la compétitivité de notre pays.
Il souhaite, par conséquent, connaître les dispositions que le Gouvernement envisage de prendre, afin de pallier les problèmes soulevés par ces nouveaux SDAGE, en permettant de la sorte une meilleure prise en compte des spécificités locales et montagnardes, tout en assurant une plus grande liberté d'application aux élus locaux.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 08/07/2015
Réponse apportée en séance publique le 07/07/2015
M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, je voudrais évoquer la problématique des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, puisque nous sommes à quelques mois de l'entrée en vigueur du nouveau schéma pour le bassin du Rhône et de ses affluents pour la période 2016-2021.
Ce document a une portée juridique qui s'impose aux décisions administratives en matière de police de l'eau, notamment l'instruction des déclarations et des autorisations administratives - rejets, urbanisme. Il doit aussi être en concordance avec d'autres documents de planification, qu'il s'agisse des schémas de cohérence territoriale, des plans locaux d'urbanisme, des schémas départementaux des carrières,... et bien d'autres encore.
S'agissant du SDAGE du bassin« Rhône-Méditerranée », nous avons aujourd'hui une vraie préoccupation concernant les territoires de montagne, puisque ce document a bien entendu à cur la préservation de la ressource en eau, les politiques liées à l'eau, ce qui est tout à fait légitime. Seulement, il nous impose des contraintes dont nous pouvons craindre qu'elles ne se révèlent complètement antiéconomiques et insupportables pour les collectivités locales dans les années qui viennent. À titre d'exemple, l'obligation de fournir des études économiques sur quarante ans pour un certain nombre de prélèvements ne me paraît pas réalisable. En effet, qui peut aujourd'hui fournir une étude économique à quarante ans ? Est-ce vraiment sérieux ?
Le SDAGE du Rhône ne prend pas non plus en compte les problématiques spécifiques des territoires de montagne, s'agissant notamment des débits solides et des prélèvements de matériaux liés à l'importance de ces débits, et se limite aux interdictions traditionnelles.
Le coût financier pour les collectivités locales sera très élevé, notamment en raison de l'obligation de fournir un nombre d'études invraisemblable. À cela s'ajoute que ce document de 500 pages d'une très grande technicité comporte un certain nombre de dispositions floues et imprécises, qui pourront nourrir un contentieux juridique. Tout cela ajoute encore à la complexité réglementaire au moment même où nous souhaitons tous un « choc de simplification ».
Monsieur le ministre, ma question est très simple : que pouvons-nous faire pour que ce document soit adapté aux réalités territoriales et n'entrave ni l'action publique ni le développement économique ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, les projets de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, ont été élaborés par les comités de bassin en 2014, puis ont été soumis à la consultation du public pendant six mois, de décembre 2014 à juin 2015.
Le SDAGE est le plan de gestion prévu par la directive-cadre sur l'eau. Sa portée réglementaire, définie par le législateur, vise l'objectif du bon état des cours d'eau.
Les orientations fondamentales, les dispositions et les objectifs du SDAGE sont rendus opposables aux documents d'urbanisme et aux schémas régionaux des carrières, dans un rapport de compatibilité.
Le SDAGE et le programme de mesures ont été construits en considérant ce qu'il était possible de réaliser dans un cycle de six ans.
Le programme de mesures du bassin Rhône-Méditerranée a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les acteurs locaux.
Concernant la prise en compte des territoires de montagne, le projet de SDAGE du bassin Rhône-Méditerranée veille à l'intégration des spécificités montagnardes dans ses orientations fondamentales.
Il identifie notamment des territoires montagnards où une réflexion doit être menée pour constituer un établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau, un EPAGE, ou un établissement public territorial de bassin, un EPTB.
Pour une meilleure prise en considération des problématiques de montagne, Mme Ségolène Royal a confié à M. Joël Giraud, député, une mission sur les spécificités de l'agriculture de montagne, notamment pour ce qui concerne la question de la ressource en eau.
Par ailleurs, Mme la ministre de l'écologie a adressé l'an dernier aux présidents des comités de bassin nouvellement élus un courrier leur indiquant ses priorités afin qu'ils puissent en tenir compte dans l'élaboration des SDAGE.
Mme Ségolène Royal veillera donc à ce que les objectifs qu'elle a fixés en matière de politique de l'eau soient atteints.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Monsieur secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions.
Effectivement, une mission a été confiée à M. Joël Giraud, avec lequel j'assistais hier à la réunion du comité de massif. Nous espérons beaucoup de cette mission. Nous formulons en particulier le souhait que le SDAGE ne s'oppose pas au développement de la petite hydraulique et prenne en compte la problématique des débits solides.
En effet, la gestion de la ressource en eau pour l'irrigation des terres agricoles du sud du massif alpin n'est pas la seule problématique à prendre en compte dans le SDAGE ; celui-ci doit également assurer la gestion des phénomènes d'érosion considérables auxquels est confronté le nord du massif. L'occasion vient d'être donnée de le vérifier dans le département des Hautes-Alpes- c'est un dossier que vous ne connaissez malheureusement que trop bien, monsieur le secrétaire d'État -, où une route a disparu, avant que ce ne soit peut-être le tour d'un tunnel dans quelques semaines.
Nous avons connu le même phénomène dans les gorges de l'Arly.
La question du prélèvement des matériaux est par conséquent essentielle, comme l'est la capacité à continuer à développer de la petite hydraulique, qui va d'ailleurs dans le sens des objectifs fixés par la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de développement des énergies propres.
Au-delà, bien évidemment, la multitude des documents d'étude qui sont demandés renchérit les coûts et surtout allonge les délais de l'action publique ; ils constituent donc de véritables freins aux politiques d'équipement du territoire. Je ne parle même pas des positions maximalistes qui sont parfois adoptées en matière de risques d'inondation, lesquelles ont pour conséquence de stériliser des territoires où l'offre foncière est peu abondante et qui sont confrontés à une multitude d'autres risques.
Nous souhaitons donc cette adaptation des SDAGE et espérons que la révision prévue de la loi Montagne et les instructions données par Mme la ministre nous permettront d'obtenir satisfaction.
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