Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 07/05/2015

M. François Marc attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget sur le problème que représente l'addiction aux jeux d'argent en ligne.
Cinq ans après la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, on relève une inquiétante augmentation du nombre de joueurs à risque, notamment au sein de la population jeune.
Les conséquences sociales, sanitaires et économiques, liées à cette dépendance, posent de sérieuses difficultés (appauvrissement, surendettement, aggravation des conditions de vie). Ces dérives étaient, d'ailleurs, déjà perceptibles au moment des changements législatifs de 2010 qui ont modifié la régulation dans le domaine des jeux d'argent et de hasard. Malgré les mises en garde de l'époque, le Gouvernement avait persisté dans sa volonté de procéder à une telle libéralisation. En ouvrant la porte à cette libéralisation du jeu en France, le Gouvernement prenait un risque. L'évolution des habitudes de jeu des Français est devenue inquiétante. L'observatoire des jeux (ODJ) a récemment évalué à un million le nombre de joueurs ayant une pratique qui confine à l'addiction, soit 400 000 de plus en cinq ans seulement. Près de deux millions de Français perdent ainsi plus de 1 500 euros par an, en tentant, désespérément, de s'en sortir financièrement par le jeu. Il faut rappeler que, la première année qui a suivi l'adoption du nouveau cadre légal, les opérateurs du jeu en ligne ont investi environ 350 millions d'euros en campagnes publicitaires.
À l'échelle européenne, dans les pays où la législation du marché des jeux d'argent en ligne a été plus restrictive, l'intensification du jeu et la progression des pratiques à risques ont été moindres que dans notre pays.
Regrettant que la libéralisation opérée en 2010 n'ait pas été assez calibrée et sans méconnaître la réponse précédemment apportée à sa question orale n° 695 S (Journal officiel Sénat 31 janvier 2013 p. 334), il demande comment le Gouvernement pourrait accorder une attention particulière à la promotion d'un jeu responsable et récréatif, garantissant aux concitoyens une pratique modérée, exempte de tout risque de jeu excessif.
À l'heure où un ensemble de mesures sur le jeu en ligne seront présentées dans le cadre du projet de loi relatif au numérique, il souhaiterait savoir si la « République du numérique » appelée de ses vœux par la secrétaire d'État au numérique, s'entendra bien comme un système protégeant les individus, notamment les plus vulnérables face au risque de dépendance au jeu.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification publiée le 24/06/2015

Réponse apportée en séance publique le 23/06/2015

M. François Marc. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur le problème de l'addiction aux jeux d'argent en ligne.

Lorsqu'a été votée la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, la loi du 12 mai 2010, nous avions bien conscience que ce texte était loin d'être parfait. La comparaison avec différents pays européens nous permet de nous rendre compte que, en matière de régulation, de contrôle et de suivi, des pratiques totalement différentes existent. La France a procédé à une libéralisation que nous avons considérée à l'époque comme insuffisamment encadrée.

De fait, la dégradation annoncée est aujourd'hui manifeste. En effet, cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi, on note une recrudescence inquiétante du nombre de joueurs à risque, notamment au sein de la population jeune.

L'Observatoire des jeux a évalué à un million le nombre de joueurs ayant une pratique de jeux qui confine à l'addiction, soit 400 000 de plus en cinq ans seulement ! Comme on pouvait le prévoir, il existe de plus en plus de joueurs dits« problématiques », c'est-à-dire qui présentent un risque modéré ou excessif.

Face à ce constat, le gouvernement de Manuel Valls a récemment annoncé plusieurs mesures, notamment un outil d'autoévaluation en ligne. Je me félicite de ces nouvelles dispositions pour lutter contre le jeu excessif et j'interprète ces mesures comme une reprise en main par l'exécutif. C'est incontestablement une bonne nouvelle.

Madame la secrétaire d'État, j'attire toutefois votre attention sur le fait que la loi de 2010 prévoyait une clause de rendez-vous au bout de dix-huit mois. Or celle-ci n'a pas été activée. En cinq ans, les problèmes d'addiction ont explosé ; au surplus, le marché a changé avec l'apparition de nouveaux modes de jeu et le secteur a connu une évolution assez rapide.

Ma question est donc double.

Tout d'abord, quelle sera la stratégie du Gouvernement pour développer un jeu responsable et récréatif, garantissant aux concitoyens une pratique modérée, exempte de tout risque de jeu excessif, pour autant que cela soit possible ?

Ensuite, de quelle manière le Gouvernement entend-il activer cette clause de rendez-vous, légitime au regard des chiffres relatifs à l'addiction, qui ne peuvent manquer de tous nous inquiéter ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage votre préoccupation et connaît les conclusions de la récente étude de l'Observatoire des jeux.

C'est la raison pour laquelle, comme vous le savez, un volet « jeux » a été intégré à la loi relative à la consommation défendue en son temps par Benoît Hamon. Je pense à la publicité envers les interdits de jeux, qui est un élément important, comme aux moyens juridiques supplémentaires accordés à l'Autorité de régulation des jeux en ligne, l'ARJEL, notamment dans la lutte contre les sites illégaux qui présentent une dangerosité supérieure dans la mesure où ceux-ci ne respectent pas les règles d'encadrement strict applicables à l'offre légale.

Ce travail de renforcement de la protection des joueurs en ligne se poursuit. Un nouveau décret, paru le 5 juin 2015, prévoit que les opérateurs de jeux en ligne interrogeront plus fréquemment le fichier des interdits de jeu. En parallèle, l'ARJEL a mis en ligne un site internet d'autoévaluation- www.evalujeu.fr -, que vous avez évoqué, monsieur le sénateur. Ce site a vocation à s'imposer comme un outil de prévention de référence, pour aider les joueurs à prendre conscience de leurs pratiques.

Néanmoins, vous l'avez souligné, ce n'est pas suffisant. C'est pourquoi le secrétaire d'État chargé du budget a annoncé plusieurs mesures de promotion du jeu responsable, qui seront intégrées au projet de loi numérique.

Monsieur le sénateur, nous partageons pleinement votre objectif. Nous continuons à agir, qu'il s'agisse des dispositions qui ont été prises dans le cadre de la loi relative à la consommation ou par décret, ou de celles qui le seront lors de l'examen du projet de loi numérique. Enfin, je transmettrai au secrétaire d'État chargé du budget votre demande de mise en œuvre de la clause de rendez-vous.

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. J'ai bien noté qu'un décret avait été publié le 5 juin dernier, c'est-à-dire après que j'ai déposé cette question orale. Il apporte des éléments quelque peu rassurants face à l'explosion des addictions que nous constatons aujourd'hui et qui suscite notre préoccupation. Les mesures que prévoit ce texte vont dans le bon sens.

Je souhaite que le Gouvernement examine attentivement les réglementations des autres pays européens, qui peuvent parfois être source d'inspiration pour notre propre réglementation. Ainsi, en Allemagne, mais aussi ailleurs, les dispositifs mis en œuvre sont à certains égards plus exigeants.

Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir précisé les moyens mis à la disposition de l'ARJEL et les directives qui ont été aujourd'hui transmises à cette autorité. J'espère que cela permettra d'améliorer la situation, car les chiffres que j'ai mentionnés tout à l'heure nous inquiètent tous. Il est très important que nous soyons attentifs à ce problème.

Je ne doute pas que le rendez-vous qui est annoncé et qui aura lieu rapidement, je l'espère, permettra de faire le point sur toutes les questions qui se posent aujourd'hui, cinq ans après le vote de la loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

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