Question de M. AUBEY François (Calvados - SOC) publiée le 02/04/2015

M. François Aubey attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur le préjudice subi par les fonctionnaires dits « reclassés » de La Poste et de France Télécom, dont la carrière est bloquée depuis plus de vingt ans.
En 1993, dans le cadre de la réforme du secteur des postes et télécommunications posée par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, les agents de La Poste et de France Télécom ont eu à choisir entre deux statuts différents : être reclassifiés ou bien être reclassés. Au fil des années, si les premiers ont pu bénéficier du droit commun à l'avancement et des règles de promotion, les seconds ont vu leur carrière bloquée. Pourtant, les agents ayant conservé leur grade de reclassement occupent des postes et mènent des activités identiques à ceux de leurs collègues reclassifiés.
À ce jour et depuis sa nomination, le président de La Poste n'a donné aucune suite aux déclarations qu'il avait faites et qui allaient dans le sens d'une négociation avec les personnels concernés et les organisations syndicales. Quant aux gouvernements successifs, ils se bornent à indiquer que les décrets n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 et n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatifs aux dispositions statutaires respectivement applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom et à certains corps de fonctionnaires de La Poste auraient supprimé les obstacles statutaires à la promotion interne dans les corps de reclassement. Tous passent sous silence la non-rétroactivité de ces dispositions et l'absence manifeste d'avancées sur le droit à promotion des fonctionnaires reclassés. À titre d'exemple, les chiffres de ces promotions à La Poste sont dérisoires puisqu'ils représentent de 2 à 3 % de promus par an depuis 2009.
Aujourd'hui, alors que de nombreux recours individuels ont abouti à faire condamner solidairement l'État et France Télécom ou La Poste en raison du préjudice subi, l'évolution statutaire de la plupart des fonctionnaires reclassés demeure totalement bloquée.
Pour sortir de cette impasse, les milliers d'agents concernés demandent légitimement et depuis plusieurs années un gain indiciaire pour tous correspondant aux années de blocage de carrière, ainsi que l'attribution d'une indemnisation forfaitaire liée au grade.
Il lui demande donc ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour trouver une issue favorable à ce dossier et le régler définitivement.

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 04/06/2015

En dépit du statut de société anonyme de La Poste et de France Télécom, la loi du 2 juillet 1990 portant organisation du service public de La Poste et à France Télécom a prévu que l'ensemble des fonctionnaires des entreprises continuent à y exercer leurs fonctions dans le cadre du statut général des fonctionnaires, qu'ils soient fonctionnaires dits reclassés ou fonctionnaires dits reclassifiés. La situation de l'ensemble des fonctionnaires de La Poste et de France Télécom est ainsi régulière et identique, tous relevant de la loi du 2 juillet 1990 et des titres 1 et 2 du statut général des fonctionnaires. En l'absence de recrutement externe dans les corps de reclassement et en raison de l'existence de quotas statutaires, les possibilités de promotions se sont trouvées très réduites au sein des corps de reclassement (tout en étant réalisables vers les corps dits de classification) et cette situation a suscité des actions contentieuses de certains fonctionnaires reclassés, en dépit du fait qu'ils pouvaient poursuivre leur carrière dans les corps dits de classification sans aucune difficulté statutaire, ce que de nombreux « reclassés » ont d'ailleurs accepté. Le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004, relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom, a supprimé les obstacles statutaires qui ne permettaient plus la promotion interne dans les corps de reclassement de France Télécom, suite à l'arrêt du recrutement de fonctionnaires par l'opérateur, à compter du 1er janvier 2002, confirmé par la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom. S'agissant de La Poste, suite à une décision du Conseil d'État du 11 décembre 2008, la promotion dans les corps de fonctionnaires dits « reclassés » de La Poste a été relancée par le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste : celui-ci permet de réaliser des promotions dans l'ensemble des corps dits de « reclassement » de l'opérateur. Toutefois, la décision du Conseil d'État du 11 décembre 2008 n'a pas enjoint au Gouvernement de procéder à la reconstitution de carrière des agents pouvant être concernés par le décret à une promotion. La Haute Cour a explicitement précisé, dans une décision du 18 novembre 2011, que l'exécution de sa décision du 11 décembre 2008 n'impliquait pas que les mesures réglementaires nouvelles soient dotées d'un effet rétroactif. Les fonctionnaires dits reclassés ont donc pu opter pour une évolution de carrière soit au sein des corps de classification dès 1993, sans perte d'identité statutaire, soit pour une promotion au sein des corps de reclassement depuis 2004 à France Télécom et depuis 2009 à la Poste. Une reconstitution de carrière collective est difficilement concevable car elle conduirait à une promotion automatique, ce que les juridictions administratives excluent, s'attachant à déterminer, au cas par cas, si les requérants avaient fait preuve d'une chance sérieuse de promotion alors même qu'ils auraient rempli les conditions statutaires pour être promus. Le Comité européen des droits sociaux, dans sa décision n° 73-2011 du 12 septembre 2012, a lui-même considéré qu'en ce qui concernait les questions relatives aux droits acquis des différentes catégories d'agents ou un manque de reconstitution de carrière, il appartenait aux fonctionnaires « reclassés » de faire valoir leurs droits à réparation devant les juridictions internes. Par ailleurs, il convient d'observer que la reconstitution de carrière est un acte administratif extrêmement rare qui n'est intervenu par le passé que pour réparer des préjudices de carrière imputables à des faits de guerre. En outre, une telle mesure risquerait de créer une inégalité de traitement avec les fonctionnaires qui ont accepté la classification mais n'ont pas davantage connu d'évolution de carrière, compte tenu des taux de promotion en vigueur à La Poste et à Orange, s'agissant de promotions au choix. En tout état de cause, la question d'une reconstitution de carrière relève d'une décision éventuelle des présidents de La Poste et d'Orange qui seuls détiennent les pouvoirs de gestion à l'égard de l'ensemble des fonctionnaires en fonctions dans leurs services.

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