Question de M. ABATE Patrick (Moselle - CRC) publiée le 02/04/2015
M. Patrick Abate attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'existence du délit de blasphème dans le droit local d'Alsace-Moselle.
Hérité d'une disposition du code pénal allemand de 1871, l'article 166 du code pénal d'Alsace-Moselle maintient sur les territoires concernés un délit de blasphème, pouvant être réprimé de trois ans d'emprisonnement ou plus. Alors que le reste du territoire de la République ne reconnaît pas légalement le délit de blasphème depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les citoyens de Moselle et d'Alsace peuvent encore l'invoquer. La reconnaissance par l'État de cette spécificité locale ne saurait se justifier comme elle l'avait été en 1919 par le besoin d'intégration progressive des trois territoires rattachés. Il souhaiterait rappeler que l'article 166, dans l'histoire judiciaire récente, a tout de même été invoqué plusieurs fois, en 1954 (condamnation en première instance de Perdurer et Sobolev par le tribunal correctionnel de Strasbourg avant l'annulation de la peine par la cour d'appel de Colmar) et en 2013 (plainte de la ligue de défense judiciaire des musulmans contre Charlie Hebdo auprès du tribunal correctionnel de Strasbourg). L'existence de cette disposition désuète n'est donc pas si symbolique qu'il n'y paraît. Le 6 janvier 2015, les ministres des cultes présents en Alsace et en Moselle auditionnés devant l'observatioire de la laïcité ont pris position pour l'abrogation de ce délit, arguant l'entrave qu'il constituait à la liberté d'expression.
Il lui serait reconnaissant de lui indiquer quelles sont les dispositions que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour supprimer le délit de blasphème dans le code pénal d'Alsace-Moselle.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 17/12/2015
Même si les dispositions de l'article 166 du code pénal allemand de 1871 réprimant le délit de blasphème avaient été provisoirement maintenues dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin par un décret du 25 novembre 1919, et qu'elles n'ont depuis lors jamais été expressément abrogées par le législateur, cet article n'est aujourd'hui plus applicable sur notre territoire. En effet, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 dont il résulte que l'absence de version officielle en langue française d'une disposition législative est contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité de la loi, il a été procédé, par deux décrets n° 2013-395 du 14 mai 2013 et n° 2013-776 du 27 août 2013,à la publication au recueil des actes administratifs des préfectures de ces départements de la version officielle en langue française des lois et règlements locaux qui y avaient été maintenus en vigueur. La traduction de l'article 166 n'a toutefois pas été publiée, cette disposition, tombée par ailleurs en désuétude, devant en effet être regardée comme implicitement abrogée car contraire aux principes fondamentaux de notre droit. Du fait de cette absence de traduction, cet article ne peut dès lors plus être appliqué par les juridictions françaises dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
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