Question de M. BAILLY Dominique (Nord - SOC) publiée le 23/04/2015
M. Dominique Bailly appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les pensions alimentaires reversées dans les situations de résidence alternée.
La résidence alternée est le résultat de l'évolution de la notion de « chef de famille » vers celle plus contemporaine d' « autorité parentale ». C'est par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale que la résidence alternée a fait son entrée dans la législation française.
Deux études menées par le ministère de la justice permettent de donner des éléments chiffrés : la première est publiée en novembre 2003 et la seconde en novembre 2013 qui analyse un échantillon de 6 042 décisions définitives de garde rendues par les juges des affaires familiales en juin 2012. Elles permettent d'observer qu'entre 2003 et 2012 le taux de demandes de résidence alternée est passé de 10,3 % à 17,8 %, et la proportion des résidences alternées homologuées ou prononcées par la justice de 8,8 % à 17 %, soit un doublement sur la même période.
La résidence alternée comme solution de garde en cas de divorce ou de séparation des parents est de plus en plus envisagée par les parents, ce qui constitue un marqueur fort de l'évolution de la société et de la volonté d'implication des pères dans l'éducation de leurs enfants. Le Sénat a accompagné ce processus en votant, le 17 septembre 2013, dans le cadre de l'examen de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, un amendement visant à privilégier la résidence alternée et en instaurant un délit d'entrave à l'exercice de l'autorité parentale.
Néanmoins, le partage des frais inhérents à ce mode de garde est parfois peu équitable dans les situations de résidence alternée. En effet, la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, communément appelée pension alimentaire, est fixée selon un barème précis, en fonction des critères de revenus et du nombre d'enfants. Même si l'enfant réside chez ses deux parents et que ces derniers participent à la même hauteur aux charges qui lui sont relatives, le parent ayant le revenu le plus élevé verse une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants au second parent. Cette contribution s'ajoute à d'éventuels salaires et prestations sociales et familiales, celles-ci ne pouvant être, selon la loi, versées qu'à un seul des deux parents et non pas réparties équitablement.
Dans de nombreux cas, le parent versant ladite contribution voit donc ses revenus extrêmement réduits et jusqu'à parfois un niveau inférieur à ceux du parent aidé. La situation peut s'inverser et c'est finalement le parent qui avait les revenus les plus élevés qui peut se retrouver dans une situation de précarité financière, affectant à terme les principaux intéressés : les enfants.
Aussi l'interroge-t-il sur les mesures à mettre en place pour mieux prendre en compte la situation financière des deux parents et ainsi améliorer l'équité financière entre ces derniers dans les cas de résidence alternée.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 10/06/2015
Réponse apportée en séance publique le 09/06/2015
M. Dominique Bailly. Je souhaite appeler l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants dans les situations de résidence alternée.
La résidence alternée comme solution de garde en cas de divorce ou de séparation des parents est de plus en plus envisagée ; c'est un marqueur fort de l'évolution de notre société et de l'implication des pères dans l'éducation de leurs enfants. Il s'agit d'ailleurs d'un mode de garde reconnu par la loi du 4 mars 2002- qui a marqué l'entrée de la résidence alternée dans notre législation - et confirmé par le Sénat, qui a voté le 17 septembre 2013 un amendement visant à privilégier la résidence alternée et à instaurer un délit d'entrave à l'exercice de l'autorité parentale.
Néanmoins, le partage des frais inhérents à ce mode de garde est parfois peu équitable. La contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, communément appelée pension alimentaire, est fixée selon un barème précis en fonction des critères de revenus et du nombre d'enfants. Même si l'enfant réside chez ses deux parents et que ces derniers participent à la même hauteur aux charges qui lui sont relatives, le parent ayant le revenu le plus élevé verse une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants au second parent. Cette contribution s'ajoute à d'éventuels salaires et à des prestations sociales ou familiales, celles-ci ne pouvant être, selon la loi, versées qu'à un seul des deux parents et non réparties équitablement entre les deux foyers.
Or, dans de nombreux cas, le parent versant ladite contribution voit ses revenus diminuer fortement, jusqu'à atteindre parfois un niveau inférieur à ceux du parent aidé par la pension alimentaire. Les niveaux de revenus s'inversent alors, et c'est finalement le parent qui avait les revenus les plus élevés qui se retrouve dans une situation de précarité financière, affectant à terme principalement les enfants.
Aussi, je m'interroge sur les mesures qui pourraient être envisagées pour mieux prendre en compte la situation financière des deux parents dans les cas de résidence alternée, afin, tout simplement, d'améliorer l'équité entre ces derniers quant à la prise en charge de leurs enfants.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini,secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité appeler l'attention de la ministre de la justice sur l'équité financière entre les parents dont l'enfant réside en alternance chez chacun d'eux.
Le code civil, comme vous l'avez dit, prévoit que« chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant », cette contribution prenant généralement, en cas de séparation des parents, la forme d'une pension alimentaire.
La résidence alternée, organisation choisie aujourd'hui par les parents séparés dans 19 % des cas, conduit majoritairement à un partage relativement égalitaire des frais liés à l'enfant et à l'absence de versement d'une pension alimentaire. Par ailleurs, en cas de versement d'une contribution, il est noté que celle-ci prend de plus en plus souvent la forme d'une prise en charge directe des frais par l'un des parents. Cette forme de contribution serait aujourd'hui, en cas de résidence alternée, choisie par les parents trois fois plus souvent qu'en 2003.
Néanmoins, plusieurs situations peuvent justifier le versement d'une pension. Il en est ainsi lorsque, malgré la résidence en alternance, un seul des parents assume principalement la charge financière de certaines dépenses - la cantine ou les activités extrascolaires, par exemple - ou lorsque l'un des parents est dans l'incapacité d'assumer financièrement les frais liés à cette organisation. Toutefois, la résidence alternée résultant le plus souvent d'un accord entre les parents, ces derniers s'entendent en général sur le montant de la pension alimentaire.
Ce n'est que dans les autres cas que le juge aux affaires familiales fixe lui-même le montant de la pension. Dans cette tâche, il peut s'aider d'une table de référence à valeur indicative, publiée par le ministère de la justice depuis 2010 et qui est le fruit du travail d'économistes, de juristes et de magistrats s'étant appuyés tant sur des travaux universitaires que sur la pratique judiciaire. Il est exact que cette dernière a été établie en veillant à ce qu'il ne soit pas donné à l'obligation alimentaire un objectif de redistribution des ressources. Toutefois, faisant suite à un certain nombre de critiques portant sur l'impact du système socio-fiscal sur les séparations de couples, la Chancellerie a engagé un travail de réflexion visant à ce que la table de référence prenne mieux en compte la situation de la résidence alternée et, plus généralement, à ce que, dans les modes de calcul, la table puisse mieux prendre en considération la réalité économique vécue par les couples qui se séparent. Ces travaux en cours devraient permettre d'aboutir à la détermination d'un taux d'effort plus équitable pour le débiteur de la pension, notamment dans le cas de la résidence alternée.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Il est effectivement nécessaire de faire évoluer cette fameuse table de référence. Je remercie d'ailleurs le Gouvernement de se pencher sur le sujet.
Les parents qui recourent à la résidence alternée sont encore minoritaires, mais leur nombre a tendance à augmenter. C'est pourquoi les exemples que j'ai cités, tirés de la « vraie vie », méritent une attention particulière.
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