Question de M. MÉDEVIELLE Pierre (Haute-Garonne - UDI-UC) publiée le 23/04/2015
M. Pierre Médevielle attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur les dispositions relatives à l'inscription sur les listes électorales spéciales en Nouvelle-Calédonie.
Le Conseil constitutionnel a établi, en 1999, la possibilité de voter aux élections provinciales pour les individus domiciliés en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans et ce, indépendamment de la date d'installation sur le territoire calédonien. Par la suite, la révision constitutionnelle de 2007 a introduit une disposition cumulative à la condition de dix ans de résidence, qui limite l'inscription sur ces listes spéciales aux personnes arrivées avant le 8 novembre 1998.
La Cour de cassation vient, toutefois, par l'arrêt n° 13-16798 du 3 octobre 2013, imposer une condition restrictive, dans la mesure où elle définit l'inscription sur la liste électorale générale de février 1998 comme condition nécessaire à l'inscription sur les listes électorales spéciales. Cette disposition va entraîner, de manière rétroactive, de nombreuses radiations, de l'ordre de 5 000 citoyens. Une telle accumulation de restrictions de liberté de vote semble contraire aux principes démocratiques. En effet, si la Cour européenne des droits de l'homme a jugé acceptable que la condition de dix ans de résidence soit retenue comme restriction de vote en raison de la phase transitoire dans laquelle se trouve actuellement la Nouvelle-Calédonie, il apparaît néanmoins peu probable qu'elle puisse se prononcer favorablement sur les restrictions apportées par les dispositions cumulatives établies par les jurisprudences successives.
Aussi souhaite-t-il connaître les mesures que peut prendre le Gouvernement afin d'éclaircir la législation en vigueur.
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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 10/06/2015
Réponse apportée en séance publique le 09/06/2015
M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite- peut-être convient-il de dire « je souhaitais » - attirer votre attention sur les dispositions relatives à l'inscription sur les listes électorales spéciales en Nouvelle-Calédonie.
Le Conseil constitutionnel a établi, en 1999, la possibilité de voter aux élections provinciales pour les individus domiciliés en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans, et ce indépendamment de la date d'installation sur le territoire calédonien. Par la suite, la révision constitutionnelle de 2007 a introduit une disposition cumulative à la condition de dix ans de résidence, qui limite l'inscription sur ces listes spéciales aux personnes arrivées avant le 8 novembre 1998.
La Cour de cassation a toutefois, par l'arrêt n° 13-16798 du 3 octobre 2013, imposé une condition restrictive, dans la mesure où elle définit l'inscription sur la liste électorale générale de février 1998 comme condition nécessaire à l'inscription sur les listes électorales spéciales. Cette disposition va entraîner de manière rétroactive de nombreuses radiations, qui concerneront environ 5 000 citoyens. Une telle accumulation de restrictions de liberté de vote semble contraire aux principes démocratiques.
En effet, si la Cour européenne des droits de l'homme a jugé acceptable que la condition de dix ans de résidence soit retenue comme restriction de vote en raison de la phase transitoire dans laquelle se trouve actuellement la Nouvelle-Calédonie, il paraît néanmoins peu probable qu'elle puisse se prononcer favorablement sur les restrictions apportées par les dispositions cumulatives établies par les jurisprudences successives.
Aussi, je souhaite connaître les mesures que peut prendre le Gouvernement afin d'éclaircir la législation en vigueur.
Certains événements sont intervenus depuis la rédaction de ma question. Lors du Comité des signataires qui s'est tenu vendredi 5 juin dernier, les deux camps, loyalistes et indépendantistes, ont accepté des avancées importantes. Reste en suspens le sort des populations arrivées avant 1998 et non inscrites avant cette date sur les listes électorales générales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin,ministre des outre-mer. Monsieur Médevielle, vous posez une question importante. Nous avons en effet, depuis les événements de 1988 et les accords de Nouméa de 1998, à déterminer quels électeurs seront habilités à participer aux différentes consultations, notamment dans le cadre des élections provinciales, mais aussi pour la consultation engageant l'avenir de la Nouvelle-Calédonie à la sortie des accords de Nouméa.
Comme vous l'indiquez, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 15 mars 1999, que devaient participer à l'élection des assemblées de province et du congrès les personnes qui, à la date de l'élection, figurent au tableau annexe incluant les électeurs non admis à participer à ces élections et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie.
En revanche, si le constituant a effectivement, en 2007, introduit une disposition cumulative à la condition de dix ans de résidence, celle-ci limitait l'inscription sur les listes électorales spéciales non pas aux personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie avant le 8 novembre 1998, mais à celles inscrites au tableau annexe établi en 1998.
C'est le sens de la précision désormais apportée au dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution, lequel prévoit que, pour la définition du corps électoral appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, le tableau auquel se réfèrent l'accord de Nouméa et les articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 est le tableau dressé à l'occasion de la consultation relative à l'accord de Nouméa organisée en 1998 et comprenant des personnes non admises à y participer.
À ce titre, on ne peut considérer que la Cour de cassation aurait imposé une condition restrictive, alors qu'elle s'est bornée à faire une stricte application des dispositions organiques et constitutionnelles en vigueur.
Certes, tant que la jurisprudence de la Cour de cassation n'était pas totalement fixée, on pouvait encore discuter en la matière. Dorénavant, la Cour de cassation ayant réitéré sa position à diverses reprises, nous devons impérativement en tenir compte.
Tout électeur inscrit sur la liste électorale générale est automatiquement inscrit au tableau annexe, sauf s'il remplit les conditions pour être inscrit sur la liste électorale spéciale et en fait la demande.
Dès lors, la Cour de cassation juge à bon droit que, à défaut de tableau annexe, l'inscription sur la liste électorale générale établie en 1998 suffit à attester du respect de la condition prévue au b) du I de l'article 188 de la loi organique.
La Cour de cassation a en outre précisé que, si un électeur ne remplit pas par ailleurs la condition prévue par le a) du I du même article, il ne peut être maintenu sur la liste électorale spéciale.
Le Comité des signataires a pris en compte ce litige entre les indépendantistes et les non-indépendantistes concernant la composition des listes et les décisions de la Cour de cassation. Il a décidé qu'il fallait d'abord savoir de quoi on parlait. Quelle est l'importance du litige ? Qui est en cause ? Il y a des distinctions à faire entre ceux qui sont arrivés après 1998 et les autres.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme George Pau-Langevin,ministre.Par conséquent, décision a été prise de faire l'inventaire, avec des experts compétents, des différents éléments du problème en question, pour savoir de quoi on parle et qui est concerné. À partir de là, les parties se reverront pour décider quoi faire pour ces électeurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Madame la ministre, je vous remercie des éclaircissements contenus dans votre réponse.
M. le Premier ministre s'est engagé- vous aussi, me semble-t-il - à suivre ce dossier de très près, ce dont tout le monde se félicite. C'est vrai, le sort de ces populations est en suspens : elles sont souvent arrivées bien avant 1998, mais n'étaient pas inscrites sur les listes spéciales pour les élections provinciales.
La révision des listes aurait pour effet, me semble-t-il, de déséquilibrer le corps électoral et de faire basculer brutalement la majorité.
S'agissant de la méthodologie, je ne comprends pas la logique de cet arrêté, qui a ravivé de vives tensions en Nouvelle-Calédonie, malgré les engagements pris à l'époque par M. Ayrault. J'espère que le sort de ces populations sera examiné de très près. En effet, certaines personnes sont depuis plus de vingt-cinq ans en Nouvelle-Calédonie. Elles ne comprendraient pas d'être radiées des listes.
Je comprends la volonté du Gouvernement - je pense à vous-même et au Premier ministre - de ne pas voir apparaître un trop grand nombre d'amendements parlementaires sur ce sujet. Devant la fragilité des accords, vous avez besoin, me semble-t-il, de sérénité pour continuer à travailler. J'espère que, à l'automne, nous trouverons un consensus permettant de satisfaire tout le monde.
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