Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRC) publiée le 23/04/2015

M. Éric Bocquet interroge M. le ministre des finances et des comptes publics sur le droit d'information des parlementaires sur la mise en œuvre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Dans les conclusions du rapport de la mission d'information sur ce sujet, il est indiqué que le constat d'ensemble pourrait être amélioré si certaines mesures étaient prises afin de mieux assurer le suivi des emplois du CICE. Si la loi n'a pas fixé de conditions au bénéfice du CICE, elle proscrit cependant de l'utiliser à certaines fins, par exemple pour verser des dividendes aux associés. Il apparaît, par ailleurs, que, seules, 15 % des entreprises annoncent vouloir consacrer une part du CICE à la création d'emplois, selon un sondage pour le compte de l'association française des entreprises privées. Ceci a particulièrement motivé les parlementaires des groupes GDR et CRC, à l'Assemblée Nationale et au Sénat, à demander et obtenir des services de l'État un bilan global de la mise en œuvre du CICE.
Cependant, dans le département du Nord où la même demande a été formulée en octobre 2014, il n'a pas été possible d'obtenir les éléments demandés, malgré les multiples relances, au motif du secret des affaires. Il demande comment, dès lors, les parlementaires peuvent exercer leur mission de contrôle.
Il s'étonne, plus encore, que la presse locale ait eu accès à ces informations en publiant des données chiffrées d'un grand groupe de la grande distribution fortement implanté dans la région Nord-Pas-de-Calais (cf. l'édition du 9 février 2015 du journal La Voix du Nord).
Il lui demande, pour éviter de telles disparités, voire dysfonctionnements, ce qu'il compte faire pour garantir le droit d'information des parlementaires sur la mise en œuvre et l'utilisation du CICE.

- page 907


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du numérique publiée le 27/05/2015

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2015

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question porte sur les procédures en vigueur concernant l'information des parlementaires quant à la mise en œuvre dans les entreprises du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE.

En octobre 2014, nos collègues députés Olivier Carré et Yves Blein rendaient, au nom de la mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, un rapport d'information sur le suivi de ce dispositif. Un paragraphe intéressant, que je veux citer ici, avait, à l'époque, particulièrement attiré mon attention : « Le rapporteur a regretté de n'avoir pu recueillir d'informations sur la mise en place du mécanisme de suivi, par les représentants du personnel, des emplois du CICE, auprès de l'administration du travail. Celle-ci, également sollicitée pour une audition, n'a pas fourni les informations demandées par écrit sur cette procédure. »

Le 14 octobre 2014, je décidai d'adresser un courrier à M. le préfet de région afin d'obtenir, pour ce qui concerne le département du Nord, des données chiffrées relatives aux entreprises ayant effectivement bénéficié du CICE, les montants alloués, ainsi qu'une évaluation de l'utilisation du crédit d'impôt choisie par les entreprises.

La réponse, qui ne m'est parvenue que le 19 février 2015, après moult relances envoyées par mon assistante et moi-même aux services de la préfecture, puis à ceux de la direction générale des finances publiques, m'a laissé, je dois le dire, quelque peu pantois : « Les parlementaires ne bénéficient pas, de par leur seule qualité, d'une dérogation au secret professionnel les habilitant à recevoir communication d'informations fiscales nominatives. Dès lors, il ne m'est pas possible de réserver à votre demande une suite favorable. »

Madame la secrétaire d'État, n'y a-t-il pas là une entrave sérieuse aux prérogatives des parlementaires dans l'exercice du contrôle budgétaire ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi est un engagement en faveur de la compétitivité des entreprises, pour que celles-ci puissent se développer en vue d'investir, d'embaucher et d'exporter.

Depuis l'adoption de cette mesure à la fin de l'année 2012, le dispositif monte progressivement en puissance. Ainsi, dès 2013, 15 000 entreprises ont pu bénéficier du préfinancement à hauteur de 1,9 milliard d'euros. En 2014, les premiers versements au titre des créances acquises en 2013 ont été effectués, atteignant près de 10 milliards d'euros. En 2015, les entreprises bénéficieront de près de 16 milliards d'euros de créances au titre des rémunérations versées en 2014, le taux appliqué étant passé de 4 % à 6 %.

Cette montée en puissance s'inscrit dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, qui vise à redonner des marges de manœuvre aux entreprises.

Aujourd'hui, nous pouvons l'affirmer, le CICE commence à porter ses fruits. Il ressort des enquêtes de conjoncture réalisées par l'INSEE, qui intègrent depuis janvier 2014 des questions sur le CICE et l'utilisation de ce crédit d'impôt par les entreprises, que les deux tiers des chefs d'entreprise interrogés recourront à ce dispositif pour augmenter l'emploi ou l'investissement, les deux principaux objectifs attachés, je le rappelle, à ce mécanisme.

Mais vous avez raison, monsieur le sénateur, il est légitime et nécessaire que le Parlement puisse remplir sa mission d'évaluation et de contrôle de cet outil. Une mission d'information parlementaire a d'ailleurs remis un premier rapport à la fin de l'année 2014, qui faisait état d'un« bilan d'étape positif » pour un dispositif dont la « nouveauté » était soulignée, en particulier eu égard au mécanisme de préfinancement.

Pour aller plus loin dans la mission d'évaluation, les travaux du comité de suivi du CICE ont été élargis, lors de la conférence sociale de 2014, à l'ensemble des aides octroyées aux entreprises. Ainsi, le comité de suivi des aides publiques, installé par le Premier ministre le 4 novembre 2014- son existence est donc relativement récente -,associe des partenaires sociaux, des représentants des principales administrations concernées, des experts, mais aussi et surtout des parlementaires. Les travaux de ce comité sont très attendus par le Gouvernement.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement est attaché à ce que le Parlement puisse mener sa mission de contrôle. Pour établir leur rapport d'information, les députés ont bénéficié de la collaboration de l'administration, dans le respect, bien entendu, du secret fiscal. C'est là où l'exercice se heurte à une limite d'ordre juridique, à savoir la protection et la préservation de la confidentialité des informations individuelles d'ordre fiscal.

Mais, plus généralement, les commissions parlementaires ont un droit d'information et ont des échanges réguliers avec le Gouvernement, et, disant cela, je pense plus particulièrement, s'agissant des sujets fiscaux, aux commissions des finances. Si tel n'était pas le cas, vous auriez raison de continuer à dénoncer une situation anormale, monsieur le sénateur. En l'occurrence, le Gouvernement est très désireux de collaborer avec le Parlement sur ces sujets. C'est bien dans cet esprit que, respectueux des institutions et à l'écoute du Parlement, il agit, et ce pour le CICE comme pour l'ensemble des politiques publiques mises en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d'État, je prends acte de vos éléments de réponse, mais ma question portait davantage sur la forme. Je tenais en effet à pointer deux dysfonctionnements.

Tout d'abord, je veux dénoncer ici le temps qu'il m'a fallu attendre pour obtenir une réponse à mon courrier. Cette situation est tout à fait anormale.

Ensuite, je tenais à exprimer ma très grande surprise à la lecture, dans les pages économiques d'un quotidien de ma région en date du 9 février 2015, des éléments de réponse que j'avais sollicités et qui m'ont été refusés un mois plus tard. Cet article mentionnait en effet ceci :« De fait, d'après LSA et Bercy, les gros employeurs profitent à plein de la mesure, mais sans contrepartie exigée sur l'emploi. Où va alors l'argent du CICE ? La palme à Carrefour avec 110 millions d'euros en 2014, loin devant Système U (40 millions d'euros) et Auchan (55 millions d'euros contre 38 millions d'euros en 2013) ».

Vous comprendrez donc mon étonnement devant le refus qui m'a été opposé alors que ces éléments de réponse figuraient déjà dans un article de presse !

Je tenais donc à souligner ici ces deux dysfonctionnements.

- page 5247

Page mise à jour le