Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 23/04/2015
M. Daniel Laurent demande à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de lui dresser le bilan de la réforme des rythmes scolaires. En particulier, il souhaiterait savoir : d'abord, quels sont les bénéfices, pour l'enfant, de la nouvelle organisation des temps scolaires et des temps d'activités périscolaires ; ensuite, quels sont les bénéfices pour les collectivités de la nouvelle organisation des temps d'activités périscolaires ; en outre, quel est l'impact de la réforme sur l'organisation des parents ; et, enfin, quels sont les effets des nouvelles organisations du temps scolaire sur les centres de loisirs et autres associations culturelles et sportives. Depuis la rentrée de 2014, tous les élèves bénéficient des nouveaux horaires à l'école. Cette nouvelle organisation du temps scolaire devait répondre à des objectifs pédagogiques pour permettre aux enfants de mieux apprendre à l'école. Or, celle-ci s'est muée en réforme des rythmes périscolaires, dévoreuse de temps en termes d'organisation et coûteuse financièrement pour les collectivités. Selon une enquête du syndicat majoritaire des enseignants du primaire (SNUipp), la grande majorité des enseignants estime que l'organisation des rythmes scolaires avait eu un impact négatif sur les élèves, leurs critiques portant, principalement, non pas sur la neuvième demi-journée supplémentaire mais sur le temps périscolaire. La réforme a été mise en place avec un double objectif : améliorer les apprentissages fondamentaux des élèves et réduire les inégalités sociales dans l'accès aux activités périscolaires. Or, le Gouvernement s'est « défaussé » sur les collectivités locales d'un de ses objectifs, avec les difficultés de mise en œuvre, notamment dans les zones rurales dont les édiles ont fait montre d'une implication totale, tout comme les personnels communaux et les équipes pédagogiques. L'accompagnement financier des collectivités locales sera conditionné à la mise en place d'un projet éducatif territorial (PEDT), ce qui constitue une nouvelle contrainte. Il l'interroge donc sur les contraintes éventuellement à venir. Un premier point d'évaluation de la réforme sous l'angle pédagogique et au regard de l'emploi et des ressources consacrées a été annoncé pour le mois de juin 2015. Aussi lui demande-t-il de bien vouloir lui apporter les éléments de réponse disponibles.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 24/06/2015
Réponse apportée en séance publique le 23/06/2015
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, un premier point d'évaluation de la réforme des rythmes scolaires a été publié hier. Ses conclusions sont, à mes yeux, par trop angéliques et ne correspondent ni aux contraintes rencontrées dans nos communes ni aux difficultés auxquelles doivent faire face les familles. Alors que les coûts des politiques publiques et les charges nouvelles n'ont cessé de croître, on comprend que les communes aient préféré attendre la rentrée 2014 pour la mise en uvre de cette réforme.
Grâce à la fronde légitime des élus, nous avons obtenu la mise en uvre et le maintien du fonds d'amorçage. Toutefois, la loi de finances pour 2015 conditionne le versement de l'aide de l'État à la signature d'un projet éducatif territorial, ou PEDT, auquel peuvent collaborer les bénévoles, le personnel communal, les enseignants, les animateurs, etc.
Quid de l'avenir ? Obligera-t-on les communes à transférer les compétences scolaires et périscolaires aux intercommunalités ? Conditionnera-t-on le versement de l'aide de l'État aux seuls accueils déclarés ?
Depuis la rentrée 2014, tous les élèves bénéficient de la nouvelle organisation du temps scolaire, qui doit répondre à des objectifs pédagogiques et permettre aux enfants de mieux apprendre à l'école. Or cette réforme des rythmes scolaires s'est muée en réforme des rythmes périscolaires, chronophage en termes d'organisation, coûteuse financièrement pour les collectivités, et dont on mesure encore mal les incidences sur les résultats scolaires.
Force est de constater que les écoliers sont tout autant fatigués. Comme on dit chez moi en Saintonge, les enfants ont aussi le droit de « bader », un verbe issu du latin vulgairebadare. Comme quoi, le latin est encore utile...(Souriressur les travées du groupe Les Républicains.)
Les personnels et les équipes pédagogiques sont épuisés par cette réforme qui génère un surplus de travail : tâches administratives de planification pour l'organisation des activités, réunions de travail, et j'en passe. Le rapport fait état d'une amélioration de la formation des personnels, mais les propositions du Centre national de la fonction publique, le CNFPT, sont encore insuffisantes.
Les collectivités et leurs partenaires déploient une énergie considérable, dans l'intérêt des enfants, pour mutualiser leurs moyens et répondre aux attentes des familles. Tous font au mieux.
Mme la ministre de l'éducation nationale a comme antienne l'égalitarisme. Or cette réforme creuse les inégalités. L'égalité des chances des élèves relève-t-elle des collectivités locales ou de l'État ?
J'ai bien compris que je n'obtiendrai pas de réponse aujourd'hui, puisque deux études seront lancées pour évaluer l'impact de la réforme. Mais, tout de même, quels sont les bénéfices pour l'enfant de la nouvelle organisation des temps scolaires et d'activités périscolaires ? Quel est l'impact de la réforme sur l'organisation des parents ? Quels sont les effets de la réforme sur les centres de loisirs et autres associations culturelles et sportives ? Certaines structures accusent des baisses de fréquentation de l'ordre de 30 % à 40 % et sollicitent financièrement les collectivités locales, qui font face à des diminutions drastiques de dotation.
Je ne suis pas convaincu que cette réforme permettra d'atteindre son objectif, que nous partageons par ailleurs : la réussite scolaire des élèves.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini,secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, avec la fin de l'année scolaire s'achève la première année de généralisation des nouveaux rythmes scolaires. Comme le Premier ministre s'y était engagé, la ministre de l'éducation nationale a publié hier un premier point d'étape, évidemment accessible en ligne.
Tout d'abord, les organisations du temps scolaire sont caractérisées par une très grande stabilité, ce qui confirme que cette réforme est installée dans la durée. Tous les parents pourront d'ailleurs consulter l'organisation applicable à leurs enfants, dès ce vendredi, sur le site du ministère de l'éducation nationale.
Comme Mme la ministre de l'éducation nationale a déjà eu l'occasion de le dire, de premiers signaux positifs sur les apprentissages avaient été identifiés dès 2014. Ce qu'il faut maintenant, c'est mesurer scientifiquement ces bénéfices pédagogiques de la réforme. C'est pourquoi des protocoles d'évaluation seront mis en place dès la rentrée prochaine.
Mme Najat Vallaud-Belkacem a aussi donné des instructions pour renforcer l'accompagnement pédagogique des équipes enseignantes et pour qu'une attention particulière soit apportée, en maternelle, au risque de fatigue des enfants. Il existe déjà des recommandations, et elles méritaient d'être rappelées.
Ensuite, s'agissant des activités périscolaires, vous le savez, celles-ci relèvent de la compétence des communes. Néanmoins, l'État est présent puisque le fonds de soutien au développement des activités périscolaires a été pérennisé. Depuis 2013, ce sont quelque 463 millions d'euros qui ont été versés aux collectivités locales, auxquels s'ajoutent les aides de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF.
Oui, une contrepartie est demandée aux mairies, à travers le projet éducatif territorial. Toutefois, c'est non pas une contrainte, mais une occasion à saisir pour la mise en place d'activités périscolaires de qualité et d'une organisation efficace. Les élus locaux ne s'y sont pas trompés : avec l'accompagnement mis en place par les services de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports, ils se sont investis pour la généralisation des projets éducatifs territoriaux, les PEDT. Près de 14 000 communes sont aujourd'hui couvertes par un tel projet, et, à la rentrée 2015, le seuil de 80 % des communes couvertes aura été dépassé.
Cette réforme n'est pas qu'une somme de contraintes, monsieur le sénateur : le nombre des accueils périscolaires a augmenté de près de 30 % en 2014-2015, et nous avons aujourd'hui des activités très diversifiées. Comme l'a rapporté l'enquête publiée par la CNAF en décembre 2014, ces activités sont largement fréquentées par les enfants et donnent, la plupart du temps, satisfaction aux parents.
J'ajoute que, avec l'appui de la CNAF, nous accompagnons les communes qui facilitent l'accès des activités périscolaires aux élèves en situation de handicap. C'est un progrès très attendu par les familles.
Monsieur le sénateur, nous croyons en ces temps éducatifs nouveaux et nous nous mobilisons pleinement, avec les élus locaux, pour leur réussite.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Je regrette que Mme la ministre de l'éducation nationale ne soit pas parmi nous aujourd'hui : elle est absente chaque fois que je lui pose une question...
À la lecture du bilan d'étape, on parle plus des temps périscolaires que des bénéfices pédagogiques de la réforme ; or c'est tout de même ce qui importe. Quant aux collectivités, elles n'ont pas attendu ce bilan d'étape pour faire preuve de pragmatisme et trouver les solutions propres à leur territoire et à leurs contraintes. Je pense, en l'occurrence, à la spécificité des maternelles. Toutefois, finalement, quels sont les résultats pour nos jeunes élèves, et à quel prix ?
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