Question de M. CIGOLOTTI Olivier (Haute-Loire - UDI-UC) publiée le 16/04/2015
M. Olivier Cigolotti interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les préoccupations des artisans du bâtiment et la prise en compte de la pénibilité pour leurs salariés. Depuis le vote des lois du n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système des retraites, la pénibilité des carrières est prise en compte dans l'ouverture de nouveaux droits à la retraite. Reconnaître la pénibilité au travail est une réelle avancée sociale mais l'application du dispositif pose problème aux artisans du secteur. Un conseiller maître à la Cour des comptes, s'est vu confier par les ministres du travail et des affaires sociales une mission de concertation pour arrêter les grandes lignes de l'architecture et du fonctionnement du compte. Cependant, avant même l'issue des travaux de cette mission, un décret relatif à la fiche de prévention des expositions des travailleurs temporaires et une première instruction ministérielle ont été publiés. La fiche « pénibilité », conçue pour évaluer les risques d'exposition des salariés, représente, dans sa forme et ses modalités d'application actuelles, une lourdeur administrative supplémentaire, particulièrement pesante dans des secteurs exposés comme celui du bâtiment qui compte nombre de très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) dont les ressources humaines sont comptées. Pire : cette fiche serait produite à partir du logiciel de paye mais, à ce jour, ce logiciel n'existe pas. La fédération française du bâtiment recommande de mettre en place une commission composée de plusieurs médecins pour pouvoir évaluer, au fil de la carrière, l'exposition des salariés aux principaux facteurs de pénibilité. Un tel dispositif, tout en assurant la prise en compte réelle des situations de pénibilité, libèrerait les entreprises de cette fiche. Aussi lui demande-t-il de bien vouloir lui préciser sa position et les éventuelles mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour accompagner les entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP) et simplifier la mise en place de ce dispositif.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 10/06/2015
Réponse apportée en séance publique le 09/06/2015
M. Olivier Cigolotti. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et porte sur les préoccupations des artisans du bâtiment quant à la prise en compte de la pénibilité du travail de leurs salariés.
Depuis le vote de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et de celle du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système des retraites, la pénibilité des carrières est prise en compte dans l'ouverture de nouveaux droits à la retraite.
Reconnaître la pénibilité au travail est une réelle avancée sociale. L'application du dispositif posait de nombreux problèmes aux artisans du secteur, raison pour laquelle je me réjouis que le Premier ministre ait annoncé, le 26 mai dernier, une simplification du dispositif et un différé de six mois de sa mise en application.
Les entreprises n'ont plus à remplir la fameuse fiche individuelle, mais juste à déclarer à la caisse de retraite les salariés exposés, en appliquant un« référentiel » fixé par la branche. Pour autant, les entreprises n'auront pas l'obligation d'appliquer ce référentiel définissant les postes, métiers ou encore les situations de travail pouvant être jugés pénibles.
Définir un référentiel par branche, c'est réussir à trouver un point d'équilibre quant à la déclaration de postes de travail « pénibles » au sein d'une même équipe de salariés, ce qui demande du temps.
La Fédération française du bâtiment avait recommandé de mettre en place une commission composée de plusieurs médecins pour pouvoir évaluer, au fil de la carrière, l'exposition des salariés aux principaux facteurs de pénibilité. Un tel dispositif, tout en assurant la prise en compte réelle des situations de pénibilité, libérerait les entreprises d'une charge supplémentaire.
La première difficulté réside dans l'élaboration des référentiels permettant de forfaitiser les points de pénibilité.
La seconde difficulté a trait à l'échéance du 1er juillet 2016. Un report au 1er janvier 2017 aurait été plus sage, afin de permettre aux entreprises du secteur du BTP d'appliquer le compte pénibilité sans contraintes majeures.
En effet, même si les entreprises n'auront plus à remplir la fiche individuelle, elles devront, dans le cadre de la déclaration automatisée des données sociales, ou DADS, faire une déclaration annuelle via le logiciel de paie. Or, à ce jour, ce logiciel n'existe pas ! Il devra donc être mis en place, ce qui exige du temps et entraîne un coût non négligeable pour les entreprises, plus particulièrement les PME-TPE.
Enfin, un autre point, récemment évoqué, est à aborder. Vous prévoyez, madame la secrétaire d'État, de mettre à la charge de la caisse de retraite, et non plus à celle de l'entreprise, le fait d'informer le salarié sur son degré d'exposition et sur les points qu'il aura accumulés.
N'a-t-on pas évoqué les délais trop longs et les retards de traitement des dossiers des nouveaux retraités de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV ? Le président du conseil d'administration de la Caisse a lui-même reconnu une« défaillance du service public », due notamment à la complexité de traitement des dossiers nécessitant de collaborer avec d'autre régime de retraite - RSI, MSA, régimes spéciaux...
Aussi, madame la secrétaire d'État, ne craignez-vous pas d'augmenter, par ce transfert de charges des entreprises vers la CNAV, la charge de travail de cette caisse de retraite déjà bien en difficulté ?
Pouvez-vous me préciser les éventuelles mesures que compte prendre le Gouvernement pour accompagner au mieux les entreprises du bâtiment et des travaux publics face à l'ensemble des points que je viens d'évoquer ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur Cigolotti, François Rebsamen m'a chargée de vous demander de bien vouloir excuser son absence ce matin, au Sénat. Il participe actuellement à un conseil restreint pour la croissance et l'emploi dans les TPE et PME aux côtés du Président de la République et du Premier ministre.
C'est pour combattre l'injustice devant l'espérance de vie que le compte personnel de prévention de la pénibilité a été créé par la loi du 20 janvier 2014.
Des craintes se sont exprimées ces derniers mois à propos de la complexité du dispositif, notamment dans les entreprises du bâtiment et des travaux publics que vous évoquez.
Certaines de ces craintes s'expliquent par le besoin- nécessaire - de s'approprier un nouveau dispositif. D'autres étaient dues - il faut accepter de le dire - à des sources de complexité dans sa mise enuvre.
Or un droit effectif pour les salariés est un droit simple dans sa mise en uvre. Tout l'enjeu est d'instaurer un dispositif dont le principe et la mise en uvre font consensus.
Pour ce faire, et afin de veiller à l'appropriation de ce dispositif nouveau, le Premier ministre a chargé M. Christophe Sirugue, député de Saône-et-Loire, M. Gérard Huot, chef d'entreprise, ainsi que M. Michel de Virville de formuler des propositions au Gouvernement.
Ces propositions ont été remises au Premier ministre le 26 mai dernier et transposées aussitôt par voie d'amendements gouvernementaux dans le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, adopté par l'Assemblée nationale le 2 juin.
Le Sénat aura à se prononcer sur ce texte à la fin du mois.
L'approche proposée dans le rapport Sirugue-Huot-Virville, reprise par le Gouvernement, se traduit par quatre mesures principales.
Premièrement, une simplification majeure du dispositif : la transmission de la fiche individuelle ne reposera plus sur l'employeur. C'est la caisse de retraite qui informera les salariés à la fois de leur exposition et des points dont ils bénéficient, leur permettant de disposer d'une information complète sur tous les éléments les concernant.
Deuxièmement, une sécurisation des déclarations des employeurs : l'évaluation des six nouveaux facteurs pourra être déterminée par des référentiels établis au niveau des branches professionnelles. Ils permettront de définir quels postes ou situations de travail sont exposés aux facteurs de pénibilité. Pour ces facteurs, les employeurs n'auront plus de mesures individuelles à accomplir.
Troisièmement, un décalage au 1er juillet 2016 des six derniers facteurs afin de laisser aux branches le temps de réaliser les référentiels. Les salariés ne seront pas pénalisés : ils bénéficieront, pour le second semestre 2016, des points correspondant à une année entière.
Quatrièmement, un renforcement de la prévention de la pénibilité qui sera au cur du troisième plan Santé au travail.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, ce gouvernement est tout particulièrement attaché à la mise en place effective des droits nouveaux accordés aux salariés de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. Olivier Cigolotti. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d'État.
Je souhaitais évoquer de nouveau la situation des entreprises du bâtiment, lesquelles, dans un contexte économique difficile - quelles que soient les régions -, sont en droit de s'inquiéter de ces nouvelles mesures.
Elles sont en attente de réponses claires sur l'application du compte personnel de prévention de la pénibilité. Ce dispositif constitue, vous l'avez souligné, une mesure de justice.
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