Question de Mme LÉTARD Valérie (Nord - UDI-UC) publiée le 16/04/2015
Mme Valérie Létard attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur l'état préparatoire du projet stratégique de la douane à horizon 2020 et, notamment, sa déclinaison pour l'organisation des services régionaux de l'interrégion des douanes de Lille.
Un document interne prévoirait, pour la région Nord-Pas-de-Calais, une restructuration importante des services de la brigade de surveillance intérieure de Saint-Aybert pour la partie « surveillance » et du bureau principal de Valenciennes pour la partie « opérations commerciales et administration générale ». Cette réorganisation aboutirait à la suppression de la brigade de Saint-Aybert, diminuant de fait drastiquement le contrôle de l'autoroute A2 qui est pourtant un des très grands axes de pénétration du territoire de tous les trafics. Cette réorganisation laisserait toute la région valenciennoise, de la frontière belge au péage de Thun-l'Evêque, sans surveillance douanière de proximité. Elle aboutirait également à amoindrir considérablement la mission « action économique » du bureau de Valenciennes, ne lui laissant que des fonctions de contrôle. Cette nouvelle organisation ne tiendrait absolument aucun compte des besoins des opérateurs importants du territoire valenciennois qui bénéficient, aujourd'hui, d'un service de proximité en matière, notamment, de dédouanement et de gestion de leurs opérations de fiscalité indirecte qui contribue à fidéliser les entreprises étrangères installées dans cet arrondissement. Elle lui demande de lui indiquer où en est ce projet de réorganisation et s'il envisage que le plan pour la région Nord-Pas-de-Calais soit revu, afin de tenir compte de la spécificité de cette région, notamment la taille du département du Nord.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du numérique publiée le 27/05/2015
Réponse apportée en séance publique le 26/05/2015
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, ma question s'adresse à M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.
Le 19 février dernier, j'ai adressé un courrier à M. Sapin pour l'alerter sur le projet de réorganisation des services régionaux de l'interrégion des douanes de Lille dans le cadre du projet stratégique de la douane à l'horizon 2020.
En réponse à mon courrier, il m'a été indiqué que « le projet de fermeture de la brigade de Saint-Aybert procède d'une démarche d'analyse de sa volumétrie et de son adéquation aux flux et courants de fraude identifiés et tire les conséquences des difficultés d'intervention réelles de son positionnement actuel et permet de renforcer les trois autres brigades situées en aval de Valenciennes ».
Cette réponse, qu'il faut déjà parvenir à comprendre, a bien sûr suscité l'étonnement des personnels concernés. En effet, pour lutter contre la fraude, les services de la surveillance réalisent des contrôles sur les axes autoroutiers et routiers très denses. Sur ces axes, ces services ont toute légitimité pour appréhender les échanges frauduleux entre les fournisseurs et les clients des zones de consommation des produits stupéfiants, de contrefaçons, de tabacs et alcools de contrebande.
Annoncer la suppression de la brigade de Saint-Aybert sur l'autoroute A 2 revient à considérer que cet axe ne serait pas un axe de fraudes important, ce qui paraît surprenant. À la croisée des autoroutes de Bruxelles, Lille et Paris, cette commune est la porte vers l'Europe du Nord, l'une des voies de passage les plus utilisées tant pour le transit économique que pour le trafic des stupéfiants et de la contrefaçon.
Quelle logique y a-t-il à renforcer les brigades en aval, quand on pourrait légitimement penser que les axes en amont devraient être tout autant surveillés ? Dans un tel schéma, quelles brigades seraient-elles renforcées : celles de Cambrai, d'Amiens, de Nogent-sur-Oise ou celle qui est au péage de Chamant-Senlis ?
Quant au bureau de Valenciennes, votre courrier affirme que« l'organisation des bureaux de douane vise à répondre au plus près aux besoins des entreprises pour la satisfaction desquelles la dématérialisation des procédures ne requiert plus la proximité... Dans ce cadre, la baisse prévisionnelle des effectifs du bureau de Valenciennes ne résulte pas d'une volonté de l'administration, mais d'une conséquence de choix prévisibles des opérateurs à la suite de l'entrée en vigueur du dédouanement centralisé ».
Or il ressort d'une enquête réalisée auprès des entreprises que la majorité des opérateurs nationaux et locaux consultés ne souhaitent pas une délocalisation du dédouanement sur Lesquin ou sur Paris et qu'ils apprécient, au contraire, de disposer d'un interlocuteur de proximité et réactif en fonction de leurs contraintes logistiques.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous me préciser sur quelles évaluations, fondées sur quelles sources, repose l'élaboration de ces nouveaux « choix prévisibles » ?
Enfin, comment peut-on croire sérieusement que, comme l'a indiqué M. le ministre, « la réduction prévisionnelle des effectifs douaniers dans le Valenciennois se traduira non pas par moins de douane dans ce territoire, mais par des interventions mieux ciblées, conduites par des structures étoffées, et donc plus efficaces » ?
C'est pourquoi je réitère ce matin ma question du 19 février dernier : le plan de restructuration si intelligemment concocté par les services centraux va-t-il- enfin ! - être réexaminé pour tenir compte des réalités d'un territoire frontalier comme le Valenciennois ? Pour des raisons liées tant à l'économie qu'à la sécurité, cette région a absolument besoin non pas d'une réduction, mais d'un renforcement de ses effectifs.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire,secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Madame la sénatrice, le secrétaire d'État chargé du budget a déjà eu l'occasion d'évoquer dans cette enceinte le projet stratégique que la direction générale des douanes et droits indirects a l'intention de mettre en uvre au cours des prochaines années.
Votre question me donne l'occasion d'illustrer les propos du ministre, en explorant le cas particulier du bureau des douanes de Valenciennes et de la brigade de surveillance de Saint-Aybert.
Comme vous le savez, l'enjeu est de moderniser cette administration dans la durée, en l'adaptant aux besoins nouveaux de l'économie mondiale face à la montée des menaces, tout en donnant de la visibilité aux agents douaniers et en leur fixant des objectifs ambitieux pour l'ensemble de leurs missions : la simplification et la dématérialisation des procédures de dédouanement et en matière fiscale, le renforcement de la lutte contre la fraude et de la protection des consommateurs, ainsi que le soutien à la compétitivité de notre économie.
La mise en uvre de ce projet, qui doit être pragmatique, participe d'une démarche collective.
Ainsi, une phase de concertation locale est programmée, afin d'engager dans chaque circonscription un dialogue avec les agents, leurs représentants, les élus et les préfets pour aboutir, d'ici à l'été prochain, à un ensemble de déclinaisons interrégionales de ce projet stratégique d'envergure nationale.
Ce travail est nécessaire pour trouver, chaque fois que possible, les solutions les plus cohérentes, mais aussi les moins difficiles au regard de l'organisation des services et de la gestion des ressources humaines sur le terrain.
Dans ce cadre, aucun projet de fermeture ne concerne le bureau de Valenciennes, dont les effectifs seront néanmoins ajustés, afin de tenir compte des choix prévisibles des opérateurs à la suite de l'entrée en vigueur du dédouanement centralisé.
Le positionnement des brigades chargées du contrôle des marchandises en mouvement et la volumétrie de celles-ci sont par ailleurs analysés pour évaluer leur bonne adéquation aux flux et aux courants de fraude identifiés. Le projet de fermeture de la brigade de Saint-Aybert procède de cette démarche : il tire les conséquences des difficultés d'intervention bien réelles de cette brigade liées à son positionnement actuel et permet corrélativement de renforcer les trois autres brigades situées en aval de Valenciennes.
La mise en uvre de ce projet se traduirait donc non pas par moins de douane dans le Valenciennois, mais, je le répète, par des interventions mieux ciblées, conduites par des structures plus étoffées et, donc, plus efficaces.(Mme Valérie Létard fait un signe de dénégation.) Tel est l'objectif recherché.
À l'issue de la concertation, un schéma définitif d'organisation sera arrêté dans chaque direction interrégionale. En tout état de cause, je puis vous assurer, madame la sénatrice, qu'aucune fermeture ou réorganisation de service ne sera décidée sans avoir été préalablement validée par le ministre des finances, M. Michel Sapin.
La mise en uvre des mesures définitivement retenues sera progressive : elle sera étalée dans le temps jusqu'en 2018. Les agents concernés bénéficieront de dispositions spécifiques en termes d'accompagnement social, conformes à l'accord majoritaire conclu le 2 mars 2015 avec trois organisations syndicales de la direction générale des douanes et droits indirects.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Madame la ministre, je vous remercie des précisions complémentaires que vous avez bien voulu m'apporter mais ne peux bien évidemment pas me satisfaire de votre réponse.
Aujourd'hui, le sud du département du Nord, et particulièrement du Valenciennois et du Hainaut, qui représente un véritable carrefour européen en termes d'infrastructures tant autoroutières que fluviales, connaît une période industrielle difficile. Pour ne citer qu'un exemple, l'ensemble d'un territoire se mobilise à l'heure actuelle pour trouver les voies et moyens de maintenir l'activité de l'usine Vallourec qui est extrêmement fragilisée.
Compte tenu de la situation présente et de la réalité de ce territoire, nous avons fait le pari d'investir énormément dans le développement de la logistique fluviale et d'améliorer nos infrastructures autoroutières. En effet, nous souhaitons fournir une solution supplémentaire pour maintenir notre industrie et pour développer une économie liée à la logistique.
Or la logistique ne peut se développer que s'il existe des ports à conteneurs ! Les intercommunalités, en lien avec les chambres de commerce, ont donc investi - ce que Voies navigables de France n'est pas parvenu à faire - afin de développer des équipements fluviaux qui, six mois après leur inauguration, fonctionnent à plein rendement ! Ces terminaux logistiques font de notre région la base arrière des grands ports d'Europe du Nord, ceux d'Anvers et de Bruges, pour lesquels nous exerçons un transit douanier qui est en plein développement.
C'est pourtant au moment où nous détenons la certitude que les trafics de drogue passent par cette aire-là, mais aussi au moment où nous développons des solutions alternatives en matière d'économie logistique et d'accompagnement pour une meilleure desserte de notre tissu industriel, que vous nous dites qu'un renforcement des effectifs douaniers n'est pas nécessaire sur le territoire de Saint-Aybert !
Alors que les acteurs économiques nous indiquent que cela fonctionne formidablement, qu'ils sont présents, disponibles et accélèrent les procédures, vous nous expliquez que l'on sera plus efficace, grâce à la dématérialisation, en centralisant les services à plusieurs kilomètres de là !
Permettez-moi de vous dire, madame la secrétaire d'État - tout en reconnaissant que la réponse du Gouvernement doit résoudre une équation complexe -, que vous devriez davantage veiller à ne pas faire les mauvais choix !
Pour terminer, j'ajouterai que les effectifs des douanes de Saint-Aybert et du Valenciennois ont déjà été largement amputés il y a peu de temps. Madame la secrétaire d'État, il faut faire attention à ne pas toujours punir les mêmes services et à ne pas empêcher ce territoire de bénéficier de solutions de bon sens, à l'heure où, précisément, on cherche à lui donner une deuxième chance, à développer des actions efficaces pour lui permettre de rebondir économiquement et à lui préparer un avenir. (M. Jean-François Longeot applaudit.)
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