Question de M. BIZET Jean (Manche - UMP) publiée le 17/04/2015
Question posée en séance publique le 16/04/2015
M. Jean Bizet. Ma question s'adressait à M. le ministre des finances et des comptes publics que je n'aperçois pas dans l'hémicycle.
Alors même que nous examinons et modifions le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dit « projet de loi Macron », afin d'en faire un véritable texte en faveur de la croissance, alors même que la France, si j'en juge par l'absence de réformes prévues avant 2017, s'enfonce lentement mais sûrement dans l'immobilisme, je veux me faire le relais du profond mécontentement que le refus du Gouvernement d'organiser au Sénat un débat sur le programme de stabilité européen avant l'envoi de son projet aux instances communautaires suscite.
La Commission européenne invite le Gouvernement à des efforts budgétaires structurels bien précis ? Il en propose d'autres ! Elle réclame des réformes ? Le Gouvernement refuse pourtant tout débat avec le Parlement !
Il s'agit d'une curieuse attitude : l'irrespect à l'égard du processus démocratique le dispute aux imprécisions entretenues sur la trajectoire de nos finances publiques. Ces imprécisions ont d'ailleurs été soulignées par le Haut conseil des finances publiques, même s'il accorde au Gouvernement, c'est sa seule concession, sa prudence en matière d'estimation sur la croissance.
Lors de la réunion de la conférence des présidents, le Gouvernement s'était cependant engagé à satisfaire la demande du Sénat d'organiser un débat sur le programme de stabilité. La Haute Assemblée l'avait programmé aujourd'hui même !
Il s'agit pourtant, vous en conviendrez, d'un débat primordial avant la transmission du projet du Gouvernement aux instances communautaires, au regard du semestre européen ou plus précisément de l'esprit du traité de Lisbonne.
J'avoue être inquiet et soucieux de cette attitude, qui consiste à refuser de débattre au Sénat comme à l'Assemblée nationale.
Je me permettrai de reprendre les propos que M. Sapin a tenus dans le journal Le Monde publié hier dans lesquels il précisait que la transmission du programme de stabilité « permet à la Commission européenne d'exercer un droit de regard, et éventuellement un droit de critique sur la stratégie budgétaire. »
Le Gouvernement accepte un débat sur ses orientations devant la Commission européenne qui, d'après mes informations, aura bien lieu. En revanche, il vient d'en priver la représentation nationale !
Je ne poserai qu'une seule question : pourquoi cette attitude et ce silence ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 17/04/2015
Réponse apportée en séance publique le 16/04/2015
M. Manuel Valls,Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous réponds bien volontiers. Christian Eckert vient de répondre à une question proche de la vôtre et aura l'occasion d'intervenir de nouveau sur cet important sujet. Je tiens à mon tour à excuser l'absence de Michel Sapin, car celui-ci participe à une réunion du Fonds monétaire international à Washington. J'estime qu'il est important que le ministre des finances représente notre pays lors des réunions qui se tiennent régulièrement dans ces enceintes internationales.
Tout d'abord, je souhaite vous dire que ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement n'organise pas un vote sur le programme de stabilité.
M. Vincent Delahaye et Mme Fabienne Keller.Mais si !
M. Manuel Valls,Premier ministre. En 2012, François Fillon, alors Premier ministre, ne l'avait pas fait non plus. Cependant, comme l'a rappelé Christian Eckert voilà un instant...
M. Francis Delattre. Quel bon soldat !
M. Manuel Valls,Premier ministre. ... et comme l'a dit Michel Sapin hier à l'Assemblée nationale, le Parlement est souverain puisqu'il vote les lois de finances ! Il est donc inutile de créer un faux débat !
M. Jean Bizet. Mais précisément, il n'y a pas de débat !
M. Manuel Valls,Premier ministre. En revanche, il me paraît fondamental, monsieur Bizet, de débattre devant les Français des sujets qui les intéressent vraiment, c'est-à-dire de nos actions et propositions pour redresser les finances du pays.
Le Gouvernement a élaboré une stratégie : rétablir l'équilibre des comptes publics, compte tenu de l'état dans lequel vous nous les avez laissés en 2012 (Protestations sur les travées de l'UMP.), et réaliser tous les efforts possibles pour relancer la croissance, tout en affichant les priorités suivantes : l'éducation nationale, la sécurité et la justice, et l'emploi !
Au-delà des faux débats, le groupe UMP devrait présenter des contre-projets et des contre-arguments ! Or, pour redresser les finances du pays, vous proposez de baisser les déficits de 100 milliards d'euros à 150 milliards d'euros. C'est du moins la proposition de Nicolas Sarkozy. Pendant la campagne présidentielle de 2012, celui-ci proposait même de réduire de 10 milliards d'euros les dotations aux communes.
Aujourd'hui, vous nous expliquez pourtant que nos exigences à l'égard des collectivités territoriales sont trop élevées ! Indiquez donc aux Français le nombre de postes d'enseignants que vous voulez supprimer !(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.-Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)Indiquez-leur le nombre de postes de militaires, le nombre de postes de policiers et de gendarmes que vous voulez supprimer !(Mêmes mouvements.)Indiquez-leur enfin le nombre de services publics que vous voulez supprimer dans les départements ruraux !
Au lieu de mener avec démagogie une campagne sur ce sujet, dites-nous enfin la vérité, monsieur Bizet, vous et votre groupe, sur votre programme en matière de réduction des déficits publics !
M. Jean Bizet. Mais précisément, organisez un débat !
M. Manuel Valls,Premier ministre. Quant à nos relations avec l'Union européenne, nous avons toujours dit que nous cherchions à atteindre l'objectif d'une baisse du déficit nominal. La France suit en effet une trajectoire claire en matière de déficit structurel. Toutefois, nous avons clairement annoncé à la Commission européenne que nous ne suivrions pas les préconisations pouvant mettre en cause notre stratégie en matière de croissance.
La parole de la France est forte. Il faut y croire ! C'est vrai tant en termes de réduction des déficits publics qu'en matière d'investissements, comme le montre le plan de 315 milliards d'euros annoncé par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.
C'est ainsi, monsieur le sénateur, que nous bâtissons notre stratégie économique et budgétaire.
Je vous demande de faire preuve de plus de clarté devant les Français ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
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