Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SOC) publiée le 10/04/2015

Question posée en séance publique le 09/04/2015

M. Jean-Yves Leconte. Ma question s'adresse également à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Le 2 avril dernier, à Lausanne, le groupe dit « P5+1 », composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que de l'Allemagne, et l'Iran ont annoncé être arrivés à un accord concernant les paramètres pour un plan d'action global relatif au programme nucléaire iranien. Cette annonce témoigne de la volonté des négociateurs de concrétiser le plan d'action commun adopté le 24 novembre 2013 pour trouver un accord durable et complet sur ce programme nucléaire.

Jusqu'au dernier moment, les efforts exceptionnels des négociateurs pouvaient être contredits par la défiance qui subsiste entre les parties, une défiance qu'illustre notamment la lettre adressée au peuple iranien le 9 mars dernier par des sénateurs américains opposés à tout accord.

Liquider le contentieux nucléaire avec l'Iran nous permettrait de travailler ensemble, Européens et Iraniens, sur les dossiers, les tragédies, mais aussi les nombreux désaccords qui fragilisent notre sécurité commune et déstabilisent le Proche-Orient.

Les exigences que la France a maintenues tout au long de cette négociation pour éviter tout risque de prolifération nucléaire donnent à présent une grande crédibilité aux paramètres de ce plan d'action. La partie publique de l'accord est constituée à ce jour d'une déclaration commune de la Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, et du ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif ; ce document fixe les orientations générales du plan d'action global. En parallèle, la partie américaine a publié un texte beaucoup plus détaillé.

Monsieur le ministre, comment la France accompagnera-t-elle la difficile finalisation du plan d'action global annoncé pour le 30 juin prochain ?

La déclaration commune précise que la mise en œuvre de ce plan d'action global conduira l'Union européenne à « mettre fin à toutes ses sanctions économiques et financières se rapportant au nucléaire » et les États-Unis à « mettre fin à toutes leurs sanctions économiques et financières secondaires se rapportant au nucléaire, en simultanéité avec la mise en œuvre, par l'Iran, sous la vérification de l'AIEA, l'Agence internationale de l'énergie atomique, ses engagements clés en matière nucléaire ».

La France, en adoptant une position exigeante, a contribué à la conclusion d'un accord satisfaisant pour ceux qui n'y étaient pas opposés par principe, et qui peut maintenant grâce à cela réussir.

Monsieur le ministre, quelles conséquences cet accord peut-il avoir pour les relations bilatérales historiquement très fortes que la France entretient avec l'Iran dans les domaines culturel, éducatif, commercial et industriel ? Comment nous y préparer au mieux ?

Le rétablissement de vols sans escale, déjà réalisé entre plusieurs capitales européennes et la capitale iranienne, est-il possible entre Paris et Téhéran ? Comment accompagner nos banques pour éviter qu'elles ne soient paralysées par le risque de sanctions américaines durant la période transitoire qui s'ouvre, au cours de laquelle nos concurrents, déjà tous en effervescence, disposeront de banques plus audacieuses pour aborder ce marché ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère des affaires étrangères et du développement international publiée le 10/04/2015

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2015

M. Laurent Fabius,ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Leconte, vous m'interrogez sur les négociations très complexes que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et l'Allemagne mènent avec l'Iran. Vous avez insisté sur deux aspects de ces négociations que, au nom de notre pays, j'ai menées de bout en bout.

D'abord, vous m'avez demandé ce que la France entendait faire d'ici au 30 juin, date butoir fixée pour la conclusion d'un accord.

Monsieur le sénateur, nous allons maintenir la ligne que nous suivons depuis le début des négociations, une ligne respectée par tous et qui a déjà produit un certain nombre de résultats : elle consiste à adopter une attitude constructive, mais extrêmement exigeante. Dans cette affaire, en effet, il ne s'agit pas simplement de l'Iran ; le cœur du sujet, c'est la prolifération nucléaire.

Nous avons toujours affirmé que nous souhaitions aboutir à un accord, si un accord était possible, mais qu'il fallait pour cela que rien ne reste dans l'ombre.

Nous avons avancé sur un certain nombre de sujets que je n'aborderai pas dans le détail ; je pense en particulier au nombre des centrifugeuses, au stock d'uranium à la disposition de l'Iran, au pourcentage d'enrichissement, au réacteur d'Arak, aux activités possibles sur le site de Natanz et aux projets envisagés pour le site très souterrain de Fordo. Ces avancées ont ouvert la voie à un projet d'accord.

Néanmoins, des sujets demeurent sur lesquels nous n'avons pas encore trouvé un accord, à commencer par la question des sanctions économiques, qui est le second aspect des négociations sur lequel vous m'avez interrogé. Du reste, le« Guide suprême » vient de faire des déclarations qui montrent que beaucoup de travail reste à faire, comme je l'ai souligné il y a quelques jours devant la commission des affaires étrangères du Sénat.(M. Robert del Picchia acquiesce.)

En ce qui concerne la question, très complexe, des sanctions, il est sûr que, si un accord est conclu, les sanctions seront levées ; mais elles le seront dans la mesure où l'Iran respecte ses engagements. Que se passera-t-il s'il y a contravention avec les engagements pris ? C'est la question du retour en arrière, du mécanisme que l'on appelle en anglais le snapback. Nous n'avons pas réussi, jusqu'à présent, à nous mettre d'accord sur ce sujet.

Nous allons poursuivre nos efforts, étant entendu que, si un accord complet est conclu, les conséquences en seront très importantes sur le plan économique pour tous les pays, dont la France.

En tout cas, monsieur Leconte, ne doutez pas que la France continuera d'avoir une attitude indépendante et de se prononcer en faveur des exigences de la non-prolifération nucléaire et de la paix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

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