Question de M. DOLIGÉ Éric (Loiret - UMP) publiée le 26/03/2015
M. Éric Doligé attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité de favoriser et de sécuriser l'échange d'informations entre les travailleurs sociaux et les services de l'État dans le cadre de la lutte contre les menaces terroristes. À cette fin, il conviendrait d'instituer une exception à l'obligation de secret professionnel.
La France est, aujourd'hui, confrontée au basculement de personnes mineures ou majeures - dans l'engagement radical violent, soit en lien avec des filières terroristes, soit au terme d'une auto-radicalisation. La lutte contre les menaces et les actes terroristes est un impératif national, pour la sécurité du pays et la protection des populations.
Les travailleurs sociaux, de par leurs missions, sont au plus près des difficultés vécues par le public fragile qu'ils rencontrent. Depuis quelques mois, il n'est pas rare qu'ils assistent à la radicalisation de certains usagers qu'ils suivent ou qu'ils se voient confier, par une famille, la confidence qu'un de ses membres serait parti faire le « djihad ». Ces agents sont, alors, tiraillés entre deux impératifs contradictoires : celui de respecter leur obligation de secret professionnel et celui d'alerter les autorités compétentes sur les risques qui pèsent sur ces familles mais aussi sur la sécurité nationale.
En l'état actuel du droit, aucune loi ne leur permet de signaler les menaces terroristes ou les agissements suspects dont ils auraient eu connaissance à l'occasion de l'exercice de leurs missions, sans les exposer à des poursuites pénales. En effet, alors même que l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale institue une obligation générale de dénonciation des crimes et délits à l'égard des fonctionnaires, sa mise en œuvre se heurte à l'obligation de secret professionnel prévue à l'article 226-13 du code pénal dont le non-respect est pénalement sanctionné, à l'inverse de l'article 40 alinéa 2 - ainsi qu'aux restrictions prévues par les articles 434-1 et 434-2 du code pénal, lesquelles soustraient les professionnels soumis au secret professionnel à l'obligation de dénonciation des crimes y compris lorsqu'il s'agit d'actes terroristes.
Dans ce contexte, les collectivités territoriales et, plus particulièrement, leurs travailleurs sociaux sont en demande de repères, de lignes de conduite à tenir et de textes clairs en la matière.
Le terrorisme étant l'affaire de tous, il est nécessaire de favoriser et de sécuriser juridiquement l'échange et la circulation d'informations entre les services de l'État compétents et les collectivités territoriales qui peuvent avoir des remontées d'informations de la part des différents acteurs sociaux locaux, proches du terrain et témoins de la radicalisation de certains usagers, dès lors que la sécurité du pays et la protection des populations sont susceptibles d'être menacées.
Faisant suite aux derniers attentats, le Gouvernement a annoncé un train de mesures visant à renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme. Il lui demande s'il est envisagé, parmi ces mesures, de légiférer, afin de prévoir une exception au secret professionnel en cas de forts soupçons d'actes en préparation susceptibles de contribuer, directement ou indirectement, à une action terroriste.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 13/10/2016
En application du dernier alinéa de l'article 434-1 du code pénal, les personnes astreintes à un secret professionnel ne peuvent être poursuivies pour non dénonciation de crime. Parmi les travailleurs sociaux, sont tenus au secret professionnel les assistants de services sociaux et les étudiants des écoles se préparant à l'exercice de cette profession (article L. 411-3 du code de l'action sociale et des familles), les travailleurs sociaux et agents de probation de l'administration pénitentiaire, en qualité de « membres du service pénitentiaire d'insertion et de probation » (article D. 581 du code de procédure pénale), ainsi que les éducateurs spécialisés (article L. 221-6 du code de l'action sociale et des familles). Ce secret professionnel, qui vise à permettre l'instauration d'une relation de confiance entre les citoyens et les professionnels exerçant une fonction sociale, et sans lequel l'efficacité de leur action serait remise en cause par la crainte de la divulgation des informations confiées, doit être préservé. Toutefois, il existe d'ores et déjà des circonstances dans lesquelles la loi impose ou autorise la révélation d'informations couvertes par le secret professionnel. Ainsi, les professionnels de la santé ou de l'action sociale sont autorisés par le 3° de l'article 226-14 du code pénal à informer le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une. En outre, l'article L. 226-2-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit une exception à l'article 226-13 du code pénal en permettant aux personnes soumises au secret professionnel qui mettent en uvre la politique de protection de l'enfance définie à l'article L. 112-3 du même code, ou qui lui apportent leur concours, à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en uvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Dans ce cadre, ces personnes peuvent transmettre à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) du département des informations strictement nécessaires concernant le mineur. L'instruction du secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales n° SG/2016/14 du 8 janvier 2016, relative au cadre d'intervention des agences régionales de santé s'agissant des phénomènes de radicalisation, précise que la radicalisation ou le risque de radicalisation du mineur entre dans le champ de l'information préoccupante définie par l'article R. 226-2-2 du code de l'action sociale et des familles. Ainsi, un signalement peut être adressé par des professionnels à la CRIP qui évalue la situation et détermine les actions de protection et d'aide dont le mineur et sa famille peuvent bénéficier. Par ailleurs, en application des circulaires du 29 avril 2014 relative à la prévention de la radicalisation et à l'accompagnement des familles et du 19 février 2015 relative aux cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et l'accompagnement des familles, les travailleurs sociaux sont associés aux réunions de la cellule de suivi animée par le préfet, en lien avec le procureur de la République. Cette cellule procède à une analyse pluridisciplinaire des situations qui lui sont signalées par le centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation, et vise à organiser un soutien de proximité aux familles et aux jeunes concernés. Les représentants des services sociaux peuvent également être conviés aux réunions de l'état major de sécurité co-présidées par le préfet et le procureur de la République.
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