Question de M. DUVERNOIS Louis (Français établis hors de France - UMP) publiée le 26/03/2015
M. Louis Duvernois attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur le régime fiscal des non-résidents qui a, ces dernières années, connu quelques rebondissements. Le dernier en date est la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 26 février 2015 (affaire C-623/13 Ministre de l'Économie et des Finances / Gérard de Ruyter) aux termes de laquelle les revenus du patrimoine des résidents français qui travaillent dans un autre État membre de l'Union européenne ne doivent pas être assujettis aux contributions sociales, contribution sociale généralisée (CSG) et contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) qui, comme leur nom l'indique, sont justement destinées à abonder les finances déficitaires de la sécurité sociale française.
Alors que seules en étaient redevables les personnes physiques à la fois fiscalement domiciliées en France et affiliées au régime obligatoire d'assurance maladie français, la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a décidé que nos compatriotes expatriés dans les pays de l'Union européenne (UE) y seraient désormais soumis sur leurs revenus fonciers et leurs éventuelles plus-values immobilières. C'est ainsi que ces Français contribuent depuis lors au financement de la sécurité sociale française dont, dans leur immense majorité, ils ne bénéficient pas.
Or, la CJUE, saisie par voie de question préjudicielle par le Conseil d'État, vient de leur dénier une nature fiscale en les qualifiant de prélèvements sociaux.
Dès lors, la France risque fort de se voir condamner par la Commission européenne pour la double imposition qu'elle met à la charge des non-résidents. Elle sera donc contrainte de modifier la législation en vigueur et d'abroger les dispositions qui permettaient l'assujettissement de nos compatriotes expatriés à la CSG et à la CRDS.
Deux questions se posent dès lors à notre pays.
Les non-résidents concernés vont avoir la possibilité de demander le remboursement des prélèvements sociaux relatifs aux revenus fonciers indûment acquittés depuis le 1er janvier 2012 et aux plus-values réalisées depuis le 1er janvier 2014. Quand on connaît l'état des finances publiques de la France, on peut légitimement s'interroger sur la capacité de notre pays à s'acquitter de cette dette et sur les modalités qui seront dès lors choisies pour ce faire.
En second lieu, la décision de la CJUE ne concernant que nos compatriotes résidant sur le territoire de l'Union européenne, qu'en sera-t-il pour nos compatriotes résidant hors UE ? En effet, comment la France pourra-t-elle justifier la discrimination dans le traitement fiscal entre Français résidant dans et hors de l'UE ?
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Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée le 26/05/2016
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie d'une question préjudicielle introduite par le Conseil d'État, a jugé, dans son arrêt « de Ruyter » du 26 février 2015, que les contributions et prélèvements sociaux prélevés sur des revenus patrimoniaux relèvent du champ d'application du règlement européen n° 1408/71, auquel a succédé le règlement n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, dès lors qu'ils sont affectés au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale et présentent un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 de ce même règlement. La territorialité des prélèvements en cause ne doit donc plus dépendre du critère de résidence du contribuable, mais de son affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le champ du règlement précité et de l'affectation des sommes prélevées. Le Conseil d'État, dans une décision du 27 juillet 2015, a tiré les conséquences de cette réponse de la CJUE. Il a remis en cause la possibilité d'imposer au titre des prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre de l'Union européenne (UE), de l'Espace économique européen (EEE) ou en Suisse. Les principes dégagés par ces deux décisions sont transposables à l'ensemble des revenus du capital, qu'il s'agisse de revenus du patrimoine ou de produits de placements. Ces décisions ne sont en revanche applicables qu'aux personnes - qu'elles soient domiciliées ou non en France et quelle que soit leur nationalité - qui relèvent du champ d'application du règlement n° 883/2004 précité, c'est-à-dire aux personnes affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans un État partie à ce même règlement autre que la France. En pratique, sont donc uniquement visées les personnes affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans un État de l'EEE autre que la France (autre pays de l'UE, Islande, Liechtenstein ou Norvège) ou en Suisse, au titre : pour les personnes domiciliées en France : des prélèvements sociaux portant sur l'ensemble des revenus du capital imposables en France (produits de placement et revenus du patrimoine) ; pour les personnes domiciliées hors de France : des prélèvements sociaux appliqués aux revenus immobiliers (plus-values immobilières et revenus fonciers) tirés de biens situés en France. En revanche, les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale en France et celles affiliées à un régime de sécurité sociale hors de l'EEE et de la Suisse, demeurent assujetties aux prélèvements sociaux au titre : pour les personnes domiciliées en France : de l'ensemble de leurs revenus du capital imposables en France (produits de placements et revenus du patrimoine) ; pour les personnes domiciliées hors de France : de leurs revenus immobiliers (plus-values immobilières et revenus fonciers) tirés de biens situés en France conformément aux dispositions de l'article 29 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Il est à noter que le prélèvement de solidarité de 2 % dû avant le 1er janvier 2015, dans la mesure où il ne finançait pas les branches de la sécurité sociale, n'est pas concerné par la décision « de Ruyter ». Il ne fera donc pas l'objet d'une restitution. Comme il s'y était engagé et sur la base de la décision de justice rendue par le Conseil d'État le 27 juillet 2015, le Gouvernement a arrêté des modalités simples pour permettre aux personnes concernées de demander la restitution des impositions acquittées à tort. Ces modalités sont précisées sur le site internet de la direction générale des finances publiques (DGFiP) (http://www.impots.gouv.fr). Le nombre total de personnes susceptibles d'être concernées par la décision « de Ruyter » est particulièrement difficile à estimer, sauf à faire de fragiles hypothèses et, dès lors que l'intégralité des personnes potentiellement concernées ne se sont pas encore faites connaître auprès des services de la DGFiP, toute évaluation chiffrée du volume des réclamations contentieuses à traiter et du montant des dégrèvements à opérer, apparaît à ce jour prématurée. Enfin, il est précisé que l'article 15 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a pour objet de mettre en conformité avec le droit de l'UE les contributions et prélèvements sociaux en cause. Ainsi, à compter du 1er janvier 2016, les prélèvements concernés, dont le produit aura fait l'objet d'une affectation à des entités placées hors du champ du règlement n° 883/2004, s'appliqueront, quel que soit le régime d'affiliation du contribuable, sans contrariété avec la réglementation européenne.
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