Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 19/03/2015

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés rencontrées par un certain nombre de parents divorcés, dont le droit de visite ou d'hébergement n'est pas respecté, à être considérés en tant que victimes par les gendarmes et à être accueillis et pris en charge en tant que telles.
Le respect des décisions de justice accordant un droit de visite et d'hébergement au parent chez qui l'enfant ne réside pas habituellement est primordial. L'article 227-5 du code pénal prévoit de sanctionner le père ou la mère qui se dérobe, en le punissant d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Dans les faits, le « mauvais parent » ne serait pourtant pas toujours sanctionné, et le dépôt de plainte du second, lésé, resterait encore bien souvent classé sans suite, cette absence de sanction étant inacceptable.
Par ailleurs, pour signaler l'infraction et déposer plainte, celui dont les droits sont bafoués doit se rendre à la gendarmerie. Cette démarche pourtant nécessaire est bien souvent mal vécue par les victimes qui doivent relater à un agent l'histoire du couple puis sa séparation, et il n'est pas rare dans les cas de séparations difficiles, que les non-représentations se multiplient. La victime est alors contrainte de porter plainte à plusieurs reprises. À chaque fois, elle se retrouve face à un nouvel interlocuteur et doit reprendre son explication des faits et l'historique du conflit. Cette situation vient aggraver le traumatisme du parent alors que celui-ci devrait recevoir écoute et réconfort auprès de la gendarmerie.
Il est vrai que de nombreux efforts ont été faits ces dernières années pour améliorer la prise en charge et l'accueil par les gendarmes, tels que la possibilité pour ces agents de recevoir des formations de qualité, la mise en place de protocoles de bonnes pratiques, l'entrée progressive au sein des commissariats de psychologues et de gendarmes référents spécialisés (violences familiales, violences sexuelles). Si ce réel effort est positif et va dans le bon sens, il lui semble pertinent de réfléchir à la création d'un poste de gendarme référent spécialisé dans les conflits familiaux ; celui-ci serait chargé notamment de la prise en charge et de l'accueil des parents victimes du délit de non-représentation d'enfant.
Enfin, certaines personnes continuent de rencontrer des difficultés pour déposer plainte auprès des services de gendarmerie, comme cela a d'ailleurs été relevé par le Défenseur des droits, et alors qu'il existe une obligation légale de les recevoir. Début 2013 un service « pré-plainte en ligne » a été créé, il permet aux victimes d'effectuer facilement leur déclaration sur internet et d'obtenir un rendez-vous auprès d'un commissariat ou d'une brigade pour signer une plainte rapidement. Seulement ce dispositif n'est réservé qu'aux atteintes aux biens dont la victime ne connaît pas le ou les auteurs (vol, escroquerie...).
C'est pourquoi il souhaite connaître les dispositions qu'elle entend prendre pour améliorer la prise en charge et l'accueil des parents victimes de non-représentation d'enfant.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 10/12/2015

La mise en œuvre des décisions de justice fixant l'exercice des droits de visite et d'hébergement ne permet pas le recours à la force publique dans les conditions du droit commun des procédures civiles d'exécution. Le parent lésé dans ses droits peut, en revanche, déposer une plainte pour non-représentation d'enfant en application de l'article 227-5 du code pénal. Mais la fréquence des manquements aux obligations fixées par l'ordonnance ou le jugement oblige la personne « qui a le droit de réclamer l'enfant » à multiplier les dépôts de plainte en relatant systématiquement l'historique du conflit. S'agissant des difficultés pour déposer une plainte auprès des services de la gendarmerie, l'article 15-3 du code de procédure pénale impose aux officiers de police judiciaire, qu'ils appartiennent à la gendarmerie nationale ou à la police nationale, de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale, même en l'absence de compétence territoriale (principe du « guichet unique »). En outre, l'article 40 du même code dispose que le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Ainsi, le parent victime de faits de non-représentation d'enfant a la possibilité de déposer plainte pour ces faits, soit auprès d'un service de police ou de gendarmerie, soit par courrier adressé au procureur de la République dans le ressort duquel est situé son domicile. Par ailleurs, les articles 388 et 392 du code de procédure pénale permettent à la victime d'une infraction pénale de saisir directement le tribunal correctionnel des faits qu'elle dénonce. La victime d'une infraction pénale peut également saisir la juridiction d'instruction en déposant une plainte avec constitution de partie civile, sur le fondement de l'article 85 du code de procédure pénale. Ainsi, le parent qui souhaite que des poursuites pénales soient engagées à l'encontre de l'autre parent du chef de non-représentation d'enfant a de multiples voies à sa disposition pour dénoncer les faits dont il est victime et demander qu'une enquête soit diligentée. Toutefois, en ce domaine particulier qu'est le droit de la famille, l'intérêt de l'enfant commande d'essayer de rétablir les relations entre les parents. C'est la raison pour laquelle, lorsque la victime souhaite déposer une plainte auprès d'un service de gendarmerie ou de police, l'agent chargé de l'affaire prend le soin de contacter téléphoniquement le parent qui refuse de remettre l'enfant pour l'inviter à se conformer à la décision de justice et l'informer des peines encourues en cas de poursuites judiciaires. Si cette démarche aboutit à la remise de l'enfant, un compte rendu est adressé au parquet. À défaut, la plainte est enregistrée et le procureur de la République est saisi des faits. S'agissant de la pré-plainte en ligne, il y a lieu de préciser que si ce dispositif est effectivement, pour l'heure, réservé aux atteintes aux biens dont la victime ne connaît pas le ou les auteurs (vol, escroquerie…), il ne dispense pas pour autant celle-ci de l'obligation de se déplacer auprès de l'unité choisie afin de signer sa plainte, permettant ainsi de la valider. En l'état, une extension du périmètre infractionnel ne résoudrait donc pas les contraintes induites d'un déplacement auprès d'un commissariat ou d'une brigade. S'agissant de la proposition de désigner un agent chargé d'enregistrer les plaintes pour non représentation d'enfant, il convient de rappeler la polyvalence qui caractérise les militaires de la gendarmerie départementale et les policiers affectés en commissariat. Cette particularité répond à la nécessité de garantir la continuité du service au regard du maillage territorial des forces de sécurité de l'Etat. Ainsi, l'organisation fonctionnelle qui en découle ne permet pas d'affecter un officier ou un agent de police judiciaire au seul traitement des plaintes. En revanche, la gendarmerie et la police s'attachent à sensibiliser l'ensemble de leurs effectifs à la problématique des conflits familiaux au cours de leur formation. De même, le développement de postes d'intervenants sociaux dans les brigades de gendarmerie et les commissariats (217 postes à ce jour), la création de postes de psychologues dans un certain nombre de commissariats (48 postes à ce jour en zone de compétence de la sécurité publique) ainsi que la mise en place de permanences d'associations d'aide aux victimes au sein de ces services de police et de gendarmerie participent à l'amélioration de l'accueil et de la prise en charge des victimes d'une manière générale et de cette catégorie de victimes en particulier.

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