Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRC) publiée le 12/03/2015
M. Pierre Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur l'application des règles concernant la renégociation des prix des produits agricoles périssables.
La dite loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a donné tout pouvoir à la grande distribution pour imposer ses prix aux fournisseurs et ce, particulièrement, dans le secteur agricole ainsi qu'agroalimentaire.
Premier maillon de la chaîne, le producteur prend de plein fouet la pression à la baisse des prix de la grande distribution, soit directement, soit par le biais de son négociant, sa coopérative ou son transformateur.
L'agriculteur est le seul acteur économique qui ne facture pas. C'est l'acheteur qui établit la facture d'achat. L'agriculteur ne vend pas, il livre au prix que veut bien lui accorder son acheteur. Ceci est d'autant plus vrai que nombre de ses produits sont périssables.
La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a apporté quelques modifications à la loi de modernisation de l'économie. Elle assouplit, au profit du distributeur, les règles relatives à l'achat de fruits et légumes. Elle impose des clauses de renégociation des prix des produits agricoles périssables, lorsque les prix de production sont significativement affectés par les fluctuations de prix des matières premières agricoles. La modification la plus importante concerne le renforcement des pouvoirs d'enquête et de sanction de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cette disposition pourrait constituer une réelle avancée si l'État mettait un nombre d'agents suffisant sur le terrain, ce qui est très loin d'être le cas.
Il lui demande, par conséquent, ce que le Gouvernement envisage de faire, en vue de remédier à cette situation.
Plus globalement, il lui demande s'il serait concevable que la France mène une lutte résolue contre le traité de libre-échange transatlantique et pour la sortie de l'agriculture de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en vue d'atteindre, notamment, la souveraineté et la sécurité alimentaires.
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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 09/07/2015
Les relations commerciales au sein de la filière alimentaire sont marquées par des tensions récurrentes entre les acteurs. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la forte volatilité des prix des matières premières agricoles est structurelle et que la baisse des prix des produits alimentaires s'est imposée depuis 2014 comme une tendance de fond. Ces éléments, associés à une faible croissance, mettent en danger l'équilibre économique des filières et diminuent leur capacité à investir dans l'outil de production. Ils jouent également un rôle négatif sur l'emploi pour l'ensemble des maillons de la filière alimentaire. Ainsi, l'amélioration des relations entre tous les acteurs de la filière est un enjeu stratégique pour l'avenir sur lequel le Gouvernement est pleinement mobilisé et agit sur plusieurs leviers. En premier lieu, le Gouvernement a pris des dispositions pour clarifier la loi de modernisation de l'économie qui régit les relations commerciales entre les différents maillons de la chaîne alimentaire. Ainsi, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation vise, en renforçant les obligations portant sur la formalisation des contrats, à garantir un meilleur équilibre dans les relations commerciales en remédiant au rapport de force déséquilibré observé entre certains partenaires commerciaux et ayant conduit à des pratiques commerciales déloyales. La loi précitée réaffirme également les conditions générales de vente comme socle unique de la négociation commerciale. Elle encadre les avantages promotionnels en luttant contre les opérations imposées aux fournisseurs. Elle rend obligatoire la présence d'une clause de renégociation dans tous les contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la vente de produits dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations de prix des matières premières agricoles et alimentaires. Le but est d'assurer une répartition équilibrée entre l'ensemble des maillons de la chaîne alimentaire des variations des coûts des matières premières. Enfin, la loi relative à la consommation a adapté l'interdiction des remises, rabais et ristournes existant dans le secteur des fruits et légumes frais aux réalités commerciales en autorisant des réfactions tarifaires en cas de non-conformité, qualitative ou quantitative, du produit livré à la commande. L'accord interprofessionnel conclu le 21 mai 2014 a démontré l'utilité de cet assouplissement et en a précisé les conditions. Le non-respect de cette disposition est susceptible d'être sanctionné par le prononcé d'une amende administrative, dont le montant maximum est de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale. En deuxième lieu, le Gouvernement a renforcé les contrôles et les sanctions. Les contrôles sont confiés aux agents de la « Brigade LME » au sein des pôles C des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, qui se composent d'environ 120 enquêteurs. Ces agents sont chargés de l'ensemble du contrôle des pratiques restrictives de concurrence. La loi du 17 mars 2014 prévoit que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peut maintenant procéder au prononcé d'amendes administratives à l'encontre des entreprises défaillantes dans les cas les plus graves. Elle peut aussi enjoindre au professionnel de se conformer à ses obligations ou de cesser tout agissement illicite. En complément, le projet de loi croissance, activité et égalité des chances économiques en cours d'examen au Parlement prévoit par ailleurs le renforcement des sanctions en cas de manquement à la LME : elles pourront donc désormais être portées à 5 % du chiffre d'affaires, sous réserve de la validation de cette disposition. Au-delà du renforcement des sanctions et des possibilités de contrôle, le Gouvernement a mis l'accent sur les contrôles du respect de la LME depuis mi-2014. Des manquements ont été observés. Les suites sont en cours avec notamment deux procédures d'assignation à l'encontre de deux grandes enseignes de la distribution. Un comité de suivi des relations commerciales a été mis en place fin 2014, afin de suivre notamment les négociations commerciales 2015 et la mise en uvre des accords conclus. En troisième lieu, le Gouvernement a souhaité mieux encadrer les relations entre producteurs et transformateurs, en renforçant l'encadrement des contrats, dont certains sont rendus obligatoires. Ainsi, pour permettre un rapport de force plus équilibré, la loi du 17 mars 2014 prévoit l'application de la clause de renégociation aux contrats prévus par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, et donc notamment aux contrats portant sur le lait de vache. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt du 13 octobre 2014 prévoit de son côté qu'une clause de portée similaire soit mise en uvre au sein des coopératives. La loi d'avenir précitée a également étendu le rôle du médiateur des contrats agricoles : il devient le médiateur des relations commerciales agricoles. Ceci traduit le fait qu'il peut être saisi de tout litige relatif à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat ayant pour objet la vente ou la livraison de produits agricoles et produits alimentaires, donc tout au long des filières alimentaires. Il peut émettre un avis sur toute question transversale relative aux relations contractuelles, à la demande d'une organisation interprofessionnelle ou d'une organisation professionnelle ou syndicale. La loi d'avenir stipule que tout litige devra faire l'objet d'une procédure de médiation avant d'être porté en justice. Au-delà de ces dispositions législatives pour encadrer les relations commerciales, le Gouvernement a réuni à plusieurs reprises les acteurs de la filière alimentaire. Il encourage régulièrement les acteurs à s'engager dans des réflexions sur une amélioration structurelle de leurs relations. Les distributeurs se sont engagés à tenir compte de la situation difficile de certaines filières, et à ne pas utiliser le fait que leurs fournisseurs bénéficient du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) pour faire pression sur le prix. C'est également dans l'optique d'améliorer structurellement les relations commerciales que, grâce au travail de la médiation inter-entreprises, le référentiel du label relations fournisseur responsables a été signé le 6 novembre 2014 par l'association nationale des industries alimentaires, Coop de France, la fédération du commerce et de la distribution, Système U, Auchan, Carrefour et Cora. D'autres enseignes (Casino, Intermarché) ont confirmé leur soutien à la démarche et leur volonté de signer prochainement. Des premiers candidats à la labellisation se sont déjà manifestés, à l'image de Système U. Les différentes initiatives privées développées par les professionnels visant à développer la mise en avant de l'origine France au travers des logos viandes de France, lait de France, ... et les engagements pris par les grandes et moyennes surfaces pour mettre en valeur ces produits montrent également qu'il est possible d'avoir des démarches concertées au bénéfice de tous les acteurs. Les négociations commerciales que mène la Commission européenne au niveau multilatéral dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce, ou bilatéral telles que celle du partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement avec les États-Unis, peuvent présenter de réelles opportunités pour l'Union européenne en termes de croissance et d'emploi. Dans ces négociations, une grande vigilance doit impérativement être accordée à certains sujets agricoles, particulièrement sensibles, afin d'aboutir à un résultat équilibré et mutuellement satisfaisant qui ne remette pas en cause notre modèle de société ou nos secteurs économiques essentiels. Dans le cadre de ces négociations, le Gouvernement français est très attentif à la préservation du modèle alimentaire européen auquel sont attachés les consommateurs et citoyens français. Les produits importés devront respecter la réglementation européenne, notamment en matière d'interdiction de traitement des viandes d'animaux aux hormones ou avec tout autre promoteur de croissance, ou encore d'interdiction d'une décontamination chimique des viandes non autorisée dans l'Union européenne. Le Gouvernement français est également vigilant à ce que les produits identifiés comme « sensibles » bénéficient d'un traitement spécifique, garantissant ainsi qu'ils ne feront pas l'objet d'une libéralisation totale dont l'effet sur les prix, en raison des différences de conditions et de coûts de production outre atlantique, serait dommageable pour les filières.
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