Question de M. FORTASSIN François (Hautes-Pyrénées - RDSE) publiée le 06/03/2015

Question posée en séance publique le 05/03/2015

M. François Fortassin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Elle concerne la situation et l'avenir de la filière nucléaire française, filière d'excellence à laquelle les membres de mon groupe et la Haute Assemblée sont très attachés, comme l'ont montré nos récents débats sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très bien !

M. François Fortassin. Est-il nécessaire de rappeler que cette filière stratégique, qui compte 2 500 entreprises et 220 000 salariés, est un facteur essentiel de la souveraineté et de l'indépendance énergétique de notre pays ?

Monsieur le ministre, le Président de la République a annoncé hier à Madrid, à l'issue d'un sommet consacré aux interconnexions énergétiques entre l'Espagne, le Portugal et la France, qu'il avait demandé aux dirigeants d'AREVA et d'EDF de travailler à un rapprochement. Il les a appelés à coopérer pour définir avec l'État, qui est actionnaire des deux groupes à hauteur de plus de 80 %, une « nouvelle stratégie industrielle » pour « donner un avenir à la filière nucléaire française », afin « qu'aucun licenciement ne puisse être prononcé ». Nous souscrivons pleinement aux propos du chef de l'État.

Monsieur le ministre, la situation est en effet très préoccupante : AREVA vient d'annoncer une perte annuelle de près de 5 milliards d'euros ! Déjà endetté à hauteur de 5,8 milliards d'euros, le groupe table sur un cash flow négatif de 1,7 milliard d'euros en 2015 et, en 2016, il devra s'acquitter de près de 1,5 milliard d'euros au titre du remboursement de sa dette financière.

Dans ces conditions, on comprend que la direction d'AREVA ait annoncé hier un plan de sauvetage prévoyant un recentrage des activités, une nette réduction des investissements et d'importantes cessions d'actifs, à concurrence de plus de 450 millions d'euros. Ce ne devrait être là que la première phase d'une thérapie de choc plus importante encore, qui doit permettre à AREVA de trouver plusieurs milliards d'euros.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de votre appréciation et de celle du Gouvernement sur la situation d'AREVA et, plus largement, de la filière française du nucléaire, ô combien stratégique ? À combien estimez-vous, à moyen terme, les besoins de financement d'AREVA ? Envisagez-vous de devoir procéder à sa recapitalisation ? Enfin, l'hypothèse d'une entrée d'EDF au capital d'AREVA fait-elle partie des négociations entre les deux groupes ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Fortassin. Monsieur le ministre, j'apprécie globalement votre action, et pas seulement parce que vous avez de l'affection pour un département qui m'est cher, les Hautes-Pyrénées ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 06/03/2015

Réponse apportée en séance publique le 05/03/2015

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le sénateur, votre question revêt une importance particulière compte tenu des annonces faites hier par AREVA, qui ne manquent pas d'inquiéter les salariés du groupe et nombre de territoires.

M. le Premier ministre a eu l'occasion de le dire hier, l'État prendra toutes ses responsabilités dans cette affaire. Les pertes de 4,8 milliards d'euros annoncées ne sont pas récurrentes : elles sont largement dues à des opérations ponctuelles, à la non-conclusion de contrats à l'étranger ou à la nécessité de provisionner les pertes enregistrées pour quelques grands investissements bien connus.

Cette situation financière impliquera la prise d'une série de mesures dans les prochaines semaines.

Tout d'abord, la stratégie du groupe et ses opérations doivent être revues. L'État accompagnera AREVA dans ce travail. Il s'agira avant tout d'une réorganisation du groupe, avec un effort sur les achats. Par ailleurs, dans la mesure où l'État aura défini avec l'entreprise des règles strictes dans le cadre du dialogue social, des efforts pourront être faits sur l'emploi. J'insiste sur ce point : à aucun moment les pouvoirs publics ne laisseront l'emploi devenir la variable d'ajustement dans le traitement de ce dossier. Il ne doit donc pas y avoir d'ambiguïté sur ce sujet : toutes dispositions seront prises pour que les efforts opérationnels de l'entreprise n'amènent pas à sacrifier l'emploi. Telle est la volonté du Gouvernement. La pyramide des âges au sein de l'entreprise est ce qu'elle est, mais les sites productifs extrêmement importants et les emplois du groupe jouent un rôle fondamental pour les territoires. En outre, la sûreté nucléaire doit bien sûr être préservée.

Le deuxième axe de travail consistera à opérer le rapprochement entre AREVA et EDF et à donner une nouvelle ambition à la filière nucléaire.

La situation que nous connaissons aujourd'hui est largement le fruit d'incohérences qui, dans le passé, ont été couvertes par les pouvoirs publics. On a laissé deux groupes publics dysfonctionner, c'est-à-dire ne plus travailler ensemble. Sur le plan commercial, dans le domaine de l'approvisionnement, en particulier, EDF a fait des choix qui ont nui aux équilibres d'AREVA. Pendant trop longtemps, on a laissé ces deux groupes ne plus coopérer à l'export. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.) Ces comportements seront corrigés. Nous avons demandé à EDF et à AREVA de travailler ensemble à la redéfinition de l'avenir de la filière nucléaire, en France et pour la France.

Enfin, à l'export, AREVA devra aller plus loin, là aussi avec EDF, en particulier en s'attaquant au marché chinois ; nous l'y aiderons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

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