Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 26/02/2015

Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le respect du droit à l'image des détenus dans les établissements pénitentiaires.

Tourné en milieu carcéral, le film de Catherine Rechard, « Le déménagement », a fait l'objet d'une convention préalable entre les producteurs et l'administration pénitentiaire. Ce documentaire s'intéresse à la vie en détention sur fond du transfert des détenus d'une ancienne prison de centre ville à un nouveau centre pénitentiaire. Ce film s'est attaché à respecter la parole des personnes filmées qui ont choisi en toute connaissance de cause de s'exprimer à visage découvert. Or, une fois le montage achevé, l'administration pénitentiaire s'est opposée à la diffusion du film sans floutage des visages à la télévision - tout en l'autorisant dans les festivals et les cinémas.

Pour justifier sa position, le ministère de la justice et des libertés renvoyait tout d'abord au premier alinéa de l'article 41 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, selon lequel « les personnes détenues doivent consentir par écrit à la diffusion ou à l'utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification ». Or les autorisations ont été délivrées à la réalisatrice par chacun des prisonniers. Il s'agit ici d'un droit fondamental de la personne sur son image.

Puis, l'institution précise que « l'administration pénitentiaire peut s'opposer à la diffusion ou à l'utilisation de l'image ou de la voix d'une personne condamnée, dès lors […] que cette restriction s'avère nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu'à la réinsertion de la personne concernée » (second alinéa de l'article 41).

L'administration pénitentiaire, qui invoque ce dernier motif, serait dans l'obligation de veiller au respect du droit à l'oubli de la personne condamnée qui, à sa sortie de prison, doit pouvoir trouver un emploi, un logement, reprendre une vie familiale normale. Une diffusion à la télévision du documentaire ne permettrait pas le respect de ce droit à l'oubli, sauf si l'anonymat est respecté.

L'argument peut surprendre. Il est hasardeux d'établir cette différence de régime pour le cinéma et la télévision alors que le public est le même. De plus, de tels témoignages ne semblent pas nuire à la réinsertion des ex-prisonniers, si on se fie à l'autorisation laissée au service public télévisuel de diffuser fréquemment des reportages et émissions très suivies sur des affaires judiciaires en cours et sans aucun anonymat.

Cette application démesurée du second alinéa de l'article 41 ne garantit pas pleinement la liberté d'expression et le droit à l'image des détenus, protégés malgré eux et maintenus dans une sorte d'incapacité. Si le respect de la dignité de la personne humaine est bien une composante de l'ordre public dans la jurisprudence administrative, il n'en reste pas moins que le droit à la dignité et le droit d'expression sont des droits fondamentaux et inaliénables - garantis notamment par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme - qui ne sont pas retirés aux personnes détenues.

En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures elle entend prendre pour que l'administration pénitentiaire accorde une place plus importante à la parole des personnes dont elle a la charge et faire en sorte que l'article 41 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 soit appliqué avec un souci de garantir pleinement le droit à l'expression des personnes détenues afin d'éviter que les décisions pour la diffusion d'images de personnes détenues à visage découvert soient interdites par l'administration pénitentiaire.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 26/05/2016

Aux termes de l'article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, l'administration pénitentiaire doit garantir à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits, l'exercice de ceux-ci ne pouvant faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Concernant la liberté d'expression des personnes détenues, et plus précisément leur communication avec les médias, l'article 41 de ce même texte prévoit qu'il appartient aux personnes détenues de consentir à la diffusion ou l'utilisation de leur image, ou de leur voix bien que l'administration pénitentiaire, ou l'autorité judiciaire pour les personnes en détention provisoire, puisse s'y opposer dans des circonstances limitativement énumérées lorsque la personne est susceptible d'être identifiée pour des motifs relatifs à la sauvegarde de l'ordre public, la prévention des infractions ou la protection des droits des victimes et de ceux des tiers, ou encore la réinsertion de la personne concernée. Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que chaque situation fait l'objet d'une appréciation au cas par cas au regard des circonstances de l'espèce. S'agissant du film « Le déménagement », par décisions en date des 18 janvier, 6 avril et 25 mai 2011, le directeur de l'administration pénitentiaire avait autorisé sa diffusion sous réserve, pour les diffusions télévisuelles qui touchent par essence des publics importants, d'assurer l'anonymat physique et patronymique des personnes détenues apparaissant dans ce documentaire en dépit de leur consentement. Le tribunal administratif de Paris, par décision du 13 juillet 2012 a annulé les décisions mentionnées ci-dessus et le film a finalement été diffusé aux mois d'octobre et de novembre 2012. Il convient de souligner que, depuis 2012, de nombreuses opérations de même nature se déroulent en revanche sans aucune difficulté ni restriction et que le ministre de la justice, dans un souci de pédagogoie et de sensibilisation de le société civile aux problématiques des personnes détenues, conduit une politique active à l'égard des medias. Du même état d'esprit procède l'article 18 de la loi du 17 avril 2015 portant modernisation du secteur de la presse qui permet dorénavant aux journalistes d'accompagner les parlementaires qui visitent des établissements pénitentiaires

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