Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 26/02/2015
Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes sur la question des mutilations sexuelles subies par les femmes et, notamment, sur celle de l'excision.
En dépit de la mobilisation de la France à l'occasion de la Journée internationale de la tolérance zéro à l'égard des mutilations sexuelles féminines, et malgré un engagement renouvelé du Gouvernement dans la lutte contre ces violences, force est de constater qu'elles connaissent une prévalence croissante. Près de 125 millions de jeunes filles et de femmes ont subi de telles mutilations dans le monde et 53 000 de ces victimes vivent aujourd'hui en France.
Bien que la législation française et européenne, ainsi que les institutions internationales condamnent déjà lourdement ces violations des droits fondamentaux et, en particulier, l'intégrité physique des femmes, elle l'interroge sur les dispositions envisagées par le Gouvernement pour lutter contre ces pratiques, notamment sur le territoire national.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 25/03/2015
Réponse apportée en séance publique le 24/03/2015
Mme Maryvonne Blondin. « Depuis trois mille ans, des cultures africaines ont permis que les sexes des petites filles soient coupés et cousus. Pourquoi ? Parce que cette mutilation est associée à la notion de pureté, de chasteté et d'honneur. C'est une sorte de convention sociale pour qu'elles ne soient pas exclues de leurs communautés.
« Si l'on n'excise pas une femme, elle ne se marie pas, elle est expulsée de son village et traitée comme une prostituée. On en connaît les conséquences sur le plan tant physique que psychologique. Et pourtant, même si elle ne figure pas dans le Coran, cette tradition se perpétue, toujours de nos jours, dans le plus profond silence et une très grande souffrance, d'Afrique à l'Asie, des États-Unis à l'Europe. Beaucoup en meurent, alors que la femme est la colonne vertébrale de l'Afrique.
« Quand j'étais petite, je ne voulais pas être une femme. Pourquoi voudrait-on l'être quand on souffre tant et que l'on est malheureux ? »
Madame la secrétaire d'État, ces mots simples, durs à entendre, mais nécessaires, ont été prononcés par Waris Dirie lors de son discours devant les Nations unies. Cette ex-mannequin somalienne, excisée à cinq ans, en est devenue l'ambassadrice spéciale.
En dépit de l'interdiction officielle des mutilations sexuelles féminines et des différents textes et recommandations de l'Europe, dont la convention d'Istanbul, ces pratiques - force est de le constater - connaissent une prévalence croissante.
L'Organisation mondiale de la santé recense près de 130 millions de jeunes filles qui ont subi ces violences. Ce sont, chaque année, 3 millions de fillettes et de jeunes filles qui sont mutilées ; 53 000 vivent en France.
Ces actes, d'une extrême violence, sont pratiqués entre la petite enfance et l'âge de quinze ans. C'est brutal, ignoré, fait en silence au nom d'un rituel obscurantiste ou de toute autre raison.
La France a été précurseur dans la lutte contre les mutilations génitales féminines, mais elle n'est plus le pays le plus actif selon l'avocate de la commission pour l'abolition des mutilations sexuelles.
À la suite du célèbre procès d'un couple de Guinéens ayant mutilé ses quatre petites filles, qui s'est tenu à Nevers en juin 2012, notre pays a décidé, par la loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, de renforcer plus particulièrement la protection des mineurs et les sanctions encourues par les personnes incitant aux actes de mutilation.
Rappelons que, au-delà de la législation française, la lutte contre ces violences est menée depuis des années dans plusieurs pays d'Afrique, grâce à l'engagement courageux de femmes qui se mobilisent en vue de l'éducation des filles.
Madame la secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour renforcer la lutte contre ces pratiques et quels moyens sont-ils mis en place sur notre territoire ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, vous avez rappelé la situation de ces dizaines de millions de femmes à travers le monde, traumatisées, violemment marquées dans leur chair et dans leur esprit en tant que femmes.
Toutes sont victimes d'excision ou d'autres formes de mutilations sexuelles, ou sont menacées de l'être.
L'excision est d'une extrême brutalité, elle viole les droits humains fondamentaux des femmes et des filles, notamment le droit à l'intégrité physique.
Cette torture vise à nier la liberté des femmes à disposer de leur corps ainsi que de leur liberté sexuelle.
À cela s'ajoute également le risque sanitaire, car cette pratique expose ces filles et ces femmes à des hémorragies, à des infections, à des complications lors de l'accouchement pouvant les entraîner vers la mort.
Nous opposons à cette dure réalité la mobilisation forte du Gouvernement. Cette dernière passe en premier lieu par le renforcement de notre arsenal législatif pour réprimer davantage les auteurs de ces mutilations et mieux protéger les victimes.
Vous avez évoqué la loi du 5 août 2013, qui a mis en conformité notre droit avec la convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe en créant de nouvelles infractions contre les personnes incitant au recours à ces pratiques sur des mineures.
Le projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile vise, quant à lui, à renforcer les garanties de protection et d'accueil des mineures menacées de mutilations sexuelles. Actuellement, plus de 3 500 jeunes filles bénéficient d'une protection de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA.
Enfin, le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes a lancé la mise en uvre d'actions complémentaires.
Je citerai la prise en compte par la plateforme d'écoute 3919 des signalements concernant les mutilations sexuelles féminines. Une dizaine d'appels ont été reçus en 2014.
J'évoquerai aussi la mise en place d'actions d'information et de sensibilisation du grand public et de formation des professionnels. Près de 160 000 dépliants d'information sur les mutilations sexuelles féminines, en français et en anglais, ont été diffusés à partir du 25 novembre 2014. Tous les agents consulaires, susceptibles d'accueillir les victimes à l'étranger, bénéficient désormais d'une formation.
Notre mobilisation s'exprime également par notre souhait de renforcer toujours plus notre partenariat avec l'ensemble des associations qui uvrent en faveur des victimes et pour l'abolition de ces pratiques. Je me suis rendue en Seine-Maritime le 27 février dernier, au centre de protection maternelle et infantile de Caucriauville, où j'ai abordé la question des mutilations sexuelles féminines.
Ces associations offrent aux victimes un soutien matériel et psychologique et les aident dans leur parcours de réinsertion sociale et professionnelle. De nombreux hôpitaux, dont l'Institut en santé génésique de Saint-Germain-en-Laye, leur proposent la possibilité de recourir à la chirurgie réparatrice, remboursée à 100 % par la sécurité sociale.
Les 27 et 28 janvier 2015, l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a accueilli la première consultation internationale sur la prise en charge des femmes excisées.
Je tiens à saluer l'engagement des associations, ainsi que celui des professionnels de santé et des chercheurs, dans la reconstruction psychologique et physique de chaque fille et femme victime.
La France a été pionnière dans la lutte contre les mutilations sexuelles féminines et entend ainsi le rester. C'est pourquoi j'ai porté la voix de notre pays à l'ONU voilà quinze jours sur ces questions.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir développé tous les aspects de la question. Nous devons les connaître si nous voulons que notre mobilisation aboutisse à des actions concrètes contre ces excisions.
Vous avez évoqué le renforcement de la législation et de la prévention. Ce second point est important, car il nous faut agir sur tous les fronts, aussi bien législatif qu'éducatif et associatif. À cet égard, les associations, surtout grâce aux jumelages existants entre des communes françaises et africaines, permettent de mettre à jour ces pratiques et d'éduquer les femmes. Dans mon département, à Quimperlé, l'Association Marche En Corps réalise un vrai travail de sensibilisation et d'éducation en la matière.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie infiniment de votre action. Il faut continuer en ce sens.
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