Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRC) publiée le 12/02/2015
Mme Laurence Cohen attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la composition d'une nouvelle trousse de prévention destinée à être mise à disposition des usagers de drogue.
Actuellement, les usagers de drogue utilisent essentiellement des seringues à insuline 1 ml dont l'aiguille est sertie. Ces seringues sont distribuées dans les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction (CAARUD) et dans les trousses de prévention pharmaceutiques, les Stéribox.
La mise à disposition de matériel d'injection stérile vise à limiter les risques de transmission de pathologies infectieuses chez les usagers de drogue par voie injectable. Grâce à cette politique, les contaminations par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) par injection de drogues ont quasi disparu en France mais plusieurs milliers d'injecteurs se contaminent encore chaque année par le virus de l'hépatite C (VHC).
Il semblerait qu'il soit envisagé d'équiper de nouvelles trousses de prévention d'un dispositif filtrant antibactérien. Ce dispositif, étant incompatible avec les seringues actuelles 1 ml serties, la décision semble prise d'abandonner les seringues actuelles, au profit de seringues à aiguilles détachables à espace mort élevé.
Or, d'après des études récentes, ces nouvelles seringues comportent un risque de transmission du VIH et du VHC beaucoup plus important que les seringues utilisées jusqu'à présent. En effet, le volume résiduel de telles seringues est nettement plus élevé et les risques de transmission virale, en cas de partage et de réutilisation, sont très fortement augmentés.
Le choix de nouvelles seringues fait prendre un risque sans commune mesure avec le bénéfice attendu, à savoir la diminution par filtration du risque bactérien.
Il s'agit d'un problème de santé publique qu'il convient de ne pas négliger, en préservant des outils de prévention et de réduction des risques dont l'efficacité n'est plus à démontrer.
Elle souhaite l'interroger sur les éléments en sa possession qui pourraient justifier l'abandon d'un système qui a fait ses preuves.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 25/03/2015
Réponse apportée en séance publique le 24/03/2015
Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la composition d'une nouvelle trousse de prévention destinée à être mise à disposition des usagers de drogues.
Actuellement, les usagers de drogues utilisent essentiellement des seringues à insuline d'un millilitre dont l'aiguille est sertie. Ces seringues sont distribuées dans les CAARUD, les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues, et dans les trousses de prévention pharmaceutiques, les « Stéribox ».
Vous le savez, la mise à disposition de matériel d'injection stérile vise à limiter les risques de transmission de pathologies infectieuses chez les usagers de drogues par voie injectable.
Grâce à cette politique, les contaminations par le VIH par injection de drogues ont quasiment disparu en France, mais plusieurs milliers d'injecteurs se contaminent encore chaque année avec le VHC, le virus de l'hépatite C.
Il est envisagé, semble-t-il, d'équiper de nouvelles trousses de prévention d'un dispositif filtrant antibactérien. Ce dispositif étant incompatible avec les seringues actuelles d'un millilitre serties, la décision semble prise d'abandonner ces dernières au profit de seringues à aiguilles détachables à espace mort élevé.
Or, d'après les études récentes, l'usage de ces nouvelles seringues présente un risque de transmission du VIH et du VHC beaucoup plus important que celui des seringues utilisées jusqu'à présent. En effet, le volume résiduel de telles seringues est nettement plus élevé, et les risques de transmission virale en cas de partage et de réutilisation sont très fortement augmentés.
Le choix de nouvelles seringues fait ainsi prendre un risque sans commune mesure avec le bénéfice attendu, à savoir la diminution par filtration du risque bactérien.
Madame la ministre, je souhaiterais que vous puissiez m'apporter les éléments en votre possession de nature à justifier l'abandon d'un système qui a fait ses preuves. Les arguments le plus souvent invoqués en termes de balance entre bénéfices et risques ne sont pas probants, tant s'en faut.
Nous nous trouvons ici face à un problème de santé publique qu'il convient de ne pas négliger. Même si la question paraît assez technique, elle est vraiment fondamentale de ce point de vue. Il faut préserver des outils de prévention et de réduction des risques dont l'efficacité n'est plus à démontrer.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, la mise en évidence, chez les usagers de drogues par voie injectable, d'une prévalence élevée du VIH dès le début des années quatre-vingt puis du VHC dans les années quatre-vingt-dix a été à l'origine de nombreuses actions de santé publique engagées par les associations et par des professionnels de santé.
Ces actions ont progressivement abouti à la mise en place de politiques publiques de réduction des risques. Ces politiques ont fait la preuve de leur succès, notamment au regard de la diminution de l'incidence du VIH chez les usagers de drogues.
Dans ce cadre, l'une des priorités des pouvoirs publics a été de rendre le matériel d'injection stérile plus accessible aux usagers de drogues pour réduire sa réutilisation et surtout son partage, qui sont des sources importantes de contamination.
Ainsi, l'État participe financièrement à la mise sur le marché des trousses de prévention par le biais d'une subvention versée aux laboratoires assembleurs, afin d'en maintenir le prix de vente à un niveau abordable. Cette subvention est fondée sur le nombre d'unités produites.
Ces trousses peuvent être achetées dans les pharmacies ou distribuées gratuitement par les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, les CAARUD, les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, les CSAPA, ou des associations. Leur contenu doit être conforme à un cahier des charges défini par un arrêté du 10 septembre 1998.
Toutefois, les substances consommées mais aussi les modes d'usage des produits évoluent dans le temps, ce qui nécessite des adaptations en matière de réduction des risques.
L'une de ces adaptations concerne la filtration des solutions injectées. Le filtre contenu dans les trousses actuelles est inefficace contre les bactéries, qui peuvent provoquer des problèmes de santé importants chez les usagers de drogues. C'est le cas notamment des intoxications au charbon ou au botulisme, constatées au cours de la période récente.
La Direction générale de la santé, ou DGS, a engagé une démarche de refonte des trousses de prévention pour faire face à ces nouveaux risques. Elle s'appuie pour cela sur le recueil de données scientifiques, notamment des études biologiques sur les dispositifs de filtration, ou de données épidémiologiques et socio-anthropologiques. Je pense en particulier à une étude d'évaluation des outils de réduction des risques conduite par l'InVS, l'Institut de veille sanitaire, et remise à la Directin générale de la santé en septembre 2013. Ce projet est en cours, le contenu de la nouvelle trousse de prévention n'étant pas encore défini à l'heure actuelle.
La lutte contre les infections virales reste une priorité absolue de la politique de réduction des risques. Il n'est donc évidemment pas question de mettre à disposition des usagers un nouveau matériel qui pourrait accroître le risque de transmission du VIH et du VHC.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Les réponses que vous m'apportez, madame la secrétaire d'État, n'apaisent pas vraiment mon inquiétude. Je crains en effet que cette expérimentation ne présente plus de dangers que d'avantages.
S'il est important de nous adapter à l'évolution de la science, je tiens à attirer votre attention, avant toute décision hâtive, sur le fait que les seringues qui sont actuellement dans les trousses de prévention destinées aux usagers de drogues, sont, selon l'OMS et l'ONUSIDA, celles qui présentent le moins de risques.
Très attentive à l'équilibre bénéfices-risques, je vous invite à ne pas prendre trop rapidement une décision qui ne contribuerait pas à la préservation de la santé des usagers.
Si je ne vois pas d'inconvénient à une expérimentation, je considère cependant que les trousses actuelles doivent continuer à être subventionnées afin de laisser le temps d'une vraie réflexion. Les éléments que je mets en avant aujourd'hui devraient être de nature à influer sur les décisions qui seront prises, lesquelles doivent apporter la garantie de leurs effets bénéfiques pour les usagers de drogues.
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