Question de Mme ESTROSI SASSONE Dominique (Alpes-Maritimes - UMP) publiée le 15/01/2015
Mme Dominique Estrosi Sassone interroge M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur les conséquences des procédures de rétablissement personnel (PRP) de certains locataires pour les offices du parc social.
Les bailleurs sociaux sont confrontés à une augmentation de locataires surendettés qui entament une procédure dite de « rétablissement personnel » à la Banque de France en vue d'obtenir un effacement des loyers impayés.
Dans ce cas, l'annulation des loyers par la commission de surendettement est quasi systématique alors que de nombreux dossiers pourraient se régler par un réaménagement de la dette. Les locataires pourraient ainsi bénéficier de rappels d'aide personnalisée au logement ou d'aides de droit commun comme le fonds de solidarité logement qui ne sont plus mobilisables en cas d'annulation des dettes.
Cette situation est gravement préjudiciable aux organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) qui, contrairement aux créanciers privés et plus particulièrement aux organismes de crédit, ne sont pas destinés à faire des bénéfices avec des taux de crédit importants.
Les pertes financières, au-delà du montant qu'elles représentent, créent une injustice sociale face à d'autres locataires qui, malgré des situations personnelles parfois difficiles, payent leur loyer à temps.
Cela engendre un préjudice financier grave pour tous les bailleurs sociaux qui réduisent les investissements d'entretien de leur parc immobilier, toujours au détriment de ceux qui payent leur loyer et voient les conditions générales d'habitation se détériorer.
Par exemple, le premier bailleur social du département des Alpes-Maritimes, Côte d'Azur Habitat, est lourdement frappé par l'accroissement considérable du coût des PRP sur ses comptes. Entre 2010 et 2014, le montant total des sommes ayant fait l'objet d'un abandon de créance s'élève à 1 368 850 euros.
De plus, certains locataires récidivent et n'hésitent pas à entamer systématiquement une nouvelle procédure auprès de la Banque de France dès que la décision d'expulsion devient imminente. Dans les Alpes-Maritimes, 47 % des locataires bénéficiaires d'une PRP étaient de nouveau en impayés entre 2012 et 2013 et 40 % entre 2013 et 2014. La PRP est donc devenue une démarche de facilité permettant d'annuler les dettes, sans chercher à trouver d'autres moyens de solvabilité.
Enfin, si la façon d'établir la PRP ne change pas, les bailleurs privés risquent de freiner leurs investissements sur le marché locatif. Il s'agit là d'un très mauvais signal pour la construction de logements alors même que les objectifs de construction n'ont pas été tenus en 2014.
Elle lui demande ce qu'il compte entreprendre pour responsabiliser certains locataires peu scrupuleux du parc social qui accumulent des crédits à la consommation alors même que la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation prévoyait la création d'un fichier national des crédits.
Elle voudrait également savoir s'il projette de modifier la procédure des PRP afin de pouvoir hiérarchiser les dettes des demandeurs. Cela permettrait d'annuler en priorité celles contractées auprès des établissements de crédits et d'exclure du dispositif au moins une partie de celles dues aux bailleurs sociaux qui peuvent orienter les locataires défaillants vers des aides de droit commun en vue de revenir à l'équilibre de leurs comptes à moyen terme.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 08/04/2015
Réponse apportée en séance publique le 07/04/2015
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur les conséquences, pour les offices du parc social, des procédures de rétablissement personnel, ou PRP, de certains locataires.
Les bailleurs sociaux sont confrontés à une augmentation du nombre de locataires surendettés qui entament une procédure dite de « rétablissement personnel »auprès de la Banque de France, en vue d'obtenir un effacement des loyers impayés. Dans ce cas, l'annulation de ces loyers par la commission de surendettement est quasi systématique, alors que de nombreux dossiers pourraient être réglés par un réaménagement de la dette.
Cette situation est gravement préjudiciable aux organismes d'habitation à loyer modéré qui, contrairement aux créanciers privés ou aux organismes de crédit, ne sont pas destinés à faire des bénéfices. Les pertes financières sont source d'injustice sociale, puisque d'autres locataires, malgré des situations personnelles parfois difficiles, payent leur loyer à temps. Enfin, cela engendre un important préjudice financier pour les bailleurs sociaux, qui réduisent les investissements d'entretien, et ce toujours au détriment des personnes payant leur loyer et voyant les conditions d'habitation se détériorer.
Par exemple, Côte d'Azur Habitat, premier bailleur social de mon département des Alpes-Maritimes, est lourdement frappé par l'accroissement du coût des PRP dans ses comptes. Entre 2010 et 2014, le montant total des sommes ayant fait l'objet d'un abandon de créance s'est élevé à 1 368 850 euros.
De plus, certains locataires récidivent et n'hésitent pas à entamer systématiquement une nouvelle procédure auprès de la Banque de France, dès que la décision d'expulsion devient imminente. Dans les Alpes-Maritimes, 47 % des locataires bénéficiaires d'une PRP étaient de nouveau en impayés entre 2012 et 2013, ce taux s'établissant à 40 % entre 2013 et 2014.
La PRP est donc devenue une démarche de facilité, permettant d'annuler les dettes sans chercher à trouver d'autres moyens de solvabilité.
Enfin, si la façon d'établir la PRP ne change pas, les bailleurs privés risquent de freiner leurs investissements sur le marché locatif. Il s'agit là d'un très mauvais signal pour la construction de logements, alors même que les objectifs de construction n'ont pas été tenus en 2014.
Monsieur le secrétaire d'État, qu'entendez-vous faire pour responsabiliser certains locataires peu scrupuleux du parc social qui accumulent des crédits à la consommation ? La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », prévoyait, je le rappelle, la création d'un fichier national des crédits.
Projetez-vous de modifier la procédure des PRP afin de pouvoir hiérarchiser les dettes des demandeurs ? Cela permettrait d'annuler en priorité les dettes contractées auprès des établissements de crédit et d'exclure du dispositif au moins une partie de celles qui sont dues aux bailleurs sociaux.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert,secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Le problème auquel vous faites référence, madame la sénatrice, est connu et documenté. Les bailleurs, qu'ils soient publics ou privés, ont parfois à faire face aux conséquences des décisions de surendettement et des procédures de rétablissement personnel.
De manière générale, ces décisions portant sur les conditions de recouvrement des dettes de loyer peuvent poser un certain nombre de difficultés de trésorerie, notamment aux petits propriétaires privés. Dans certains cas, que vous signalez être en augmentation, des annulations de dettes de loyer peuvent effectivement survenir. C'est à cette difficulté particulière que votre question s'intéresse.
Je tiens d'abord à revenir sur un des éléments évoqués par vos soins. Vous expliquez faire face de plus en plus fréquemment, dans le département des Alpes-Maritimes, à un comportement dommageable consistant à combiner crédits multiples à la consommation et procédures de rétablissement personnel à répétition, et regrettez que le Gouvernement ait renoncé à mettre en place un registre national des crédits, qui vous paraît répondre à cette préoccupation.
La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation prévoyait bien la création d'un registre national des crédits aux particuliers. Mais cette section du texte de loi a été entièrement supprimée, le Conseil constitutionnel ayant jugé que la création de ce registre portait « au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne [pouvait] être regardée comme proportionnée au but poursuivi ». Cette décision fait notamment suite, je le rappelle, à la saisine de soixante sénateurs du groupe UMP qui avaient fait valoir ce point de vue et auxquels le juge constitutionnel a donc donné raison.
J'ajoute que toute personne engageant une démarche auprès de la commission de surendettement est immédiatement inscrite au FICP, le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, qui est consultable par tous les établissements accordant des crédits.
S'agissant de l'autre partie de votre question, madame la sénatrice, je tiens à souligner que le risque est, en pratique, très limité pour un bailleur social.
En effet, le paiement du loyer est assuré à titre principal par le dispositif d'aide personnalisée au logement, dit APL, dès lors que le public effectif des locataires correspond à la cible. Les plafonds de ressources APL et les plafonds de ressources des constructions étant globalement alignés, le risque est donc très largement amorti : jusqu'à 80 %. Dès lors, au regard du volume de son parc, il est peu probable qu'un bailleur soit réellement mis en difficulté.
Toutefois, si un bailleur se trouvait réellement en difficulté, il pourrait faire appel à la CGLLS, la Caisse de garantie du logement locatif social. Comme vous le savez, cet établissement public à caractère administratif, recueillant des ressources auprès des bailleurs, peut venir en aide à n'importe lequel d'entre eux qui, pour une raison ou pour une autre, y compris du fait d'une difficulté liée à des effacements de dettes de loyer, serait amené à y avoir recours.
Pour conclure, la Banque de France a développé un partenariat avec le ministère du logement pour mieux travailler sur l'articulation avec les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, les CCAPEX. Depuis le début de l'année 2015, les secrétariats des commissions adressent mensuellement, aux correspondants CCAPEX, un fichier reprenant les dossiers recevables avec la présence d'une dette locative.
La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, prévoit par ailleurs des possibilités de réaction plus rapide des bailleurs sociaux lors des premiers impayés, notamment une obligation de déclaration à la CCAPEX.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. On peut entendre les arguments que M. le secrétaire d'État vient de développer si l'on s'en tient aux procédures de rétablissement personnel concernant les locataires de bonne foi. Pour autant, le problème n'est en rien élucidé pour les bailleurs privés ou les bailleurs sociaux qui se trouvent confrontés à un certain nombre de locataires utilisant ce type de procédure avec une mauvaise foi avérée, pour éviter un plan de rééchelonnement de leur dette locative, dispositif auquel les offices publics d'habitat ne s'opposent absolument pas.
C'est toujours envoyer un très mauvais signal, me semble-t-il, que de permettre une rupture d'équité entre des locataires ayant recours aux procédures de rétablissement personnel pour gommer leurs dettes et d'autres locataires qui, confrontés à des situations matérielles difficiles, sont prêts à envisager, avec leur bailleur, un rééchelonnement de leurs dettes de loyer et, in fine, leur règlement. Il est essentiel de faire preuve d'équité, surtout vis-à-vis des locataires qui se comportent bien et respectent leurs droits et leurs devoirs.
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