Question de Mme DOINEAU Élisabeth (Mayenne - UDI-UC) publiée le 30/01/2015
Question posée en séance publique le 29/01/2015
Mme Élisabeth Doineau. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Le 15 janvier dernier, la Banque nationale suisse a décidé d'abandonner la parité fixe qui liait le franc suisse à l'euro. Après s'être apprécié de plus de 20 %, le franc suisse cote désormais à parité avec notre monnaie.
Une différence de 20 %, monsieur le secrétaire d'État, c'est colossal ! Malheureusement, elle a des conséquences désastreuses pour de nombreuses collectivités. Une fois de plus, la douloureuse question des créances toxiques de nos territoires est posée.
En effet, pendant les années deux mille, de nombreuses collectivités ont pensé profiter de l'euphorie liée à la bulle financière. Sous l'influence de banquiers peu scrupuleux, plus de 1 500 collectivités et établissements publics se sont endettés en souscrivant des emprunts dont les taux d'intérêt, pourtant variables, étaient fréquemment libellés en franc suisse, une monnaie alors jugée très stable.
La suite, vous ne la connaissez que trop bien : la crise financière a conduit à une envolée des taux d'intérêt, devenus purement et simplement usuriers.
De nombreuses collectivités, des communes, des départements, mais aussi des établissements publics et des hôpitaux font face à une situation financière alarmante, qui remet parfois en cause jusqu'à leur capacité à assurer la continuité du service public.
Le stock d'emprunts contractés reste immense et son volume explose sous l'effet de l'appréciation du franc suisse. Le fonds de soutien que vous avez créé est sous-dimensionné ; il ne permet pas de faire face aux échéances de remboursements.
Or vous avez gelé les voies d'action contentieuses contre ces contrats dans la loi de sécurisation des contrats de prêts structurés. Nous voilà donc face à une créance dont le coût réel peut exploser une nouvelle fois, par la simple décision prise par une autorité étrangère.
Cette situation n'est pas acceptable. Nos concitoyens sont prisonniers de créances qui ont parfois été contractées il y a plus de dix ans, parfois par des équipes renouvelées à deux reprises entre-temps.
Au-delà du risque financier, un véritable problème démocratique est désormais posé par ces emprunts. Les élus locaux sont impuissants à y répondre. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je vous appelle à l'aide ; je souhaiterais connaître vos réponses destinées à pallier les effets du désordre monétaire suisse sur nos finances locales. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 30/01/2015
Réponse apportée en séance publique le 29/01/2015
M. Christian Eckert,secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, le Gouvernement a constaté comme vous que la brutale appréciation du franc suisse, que personne n'avait anticipée, provoque l'inquiétude, pour ne pas dire plus, au sein des collectivités territoriales.
Vous l'avez rappelé, des collectivités territoriales ont opté, à un certain moment, pour un type de prêts structurés à risques. D'autres ont parfois été victimes de la politique commerciale agressive- c'est le moins que l'on puisse dire - de Dexia.
Le précédent gouvernement en avait tiré les conséquences, en logeant les emprunts toxiques dans une structure dédiée, la Société de financement local, ou SFIL, dotée, il faut le savoir, de la garantie de l'État, que le Parlement a accepté de donner il y a quelques années. Une défaillance de la SFIL serait donc immanquablement prise en charge par le budget national, c'est-à-dire par l'ensemble des contribuables français.
La situation est complexe, et les responsabilités, à l'évidence, sont partagées. Vous l'avez rappelé, le Gouvernement a mis en place, avec l'appui des deux assemblées, un fonds de soutien aux collectivités, dont le barème devra, naturellement, être revu pour prendre en compte la nouvelle donne.
C'est parce que cette nouvelle donne, dont vous faites mention, madame la sénatrice, doit être appréciée dans la durée - les mouvements d'une monnaie peuvent connaître des soubresauts avant de se stabiliser -, que le Gouvernement, notamment Michel Sapin, les services de Bercy et les représentants de la SFIL ont commencé à travailler. Nous sommes actuellement en train de quantifier, si je puis dire, cette nouvelle donne, dont le coût ne sera pas nul. Il pourrait en effet atteindre plusieurs centaines de millions d'euros, sans dépasser - du moins, je l'espère - un milliard d'euros.
En fonction du résultat de ces travaux, nous recevrons, dans les jours qui viennent, les représentants des collectivités territoriales, de l'association créée pour faire face aux emprunts toxiques, de l'Association des maires de France, de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des régions de France. Nous recevrons également, avec Marisol Touraine, des représentants du secteur hospitalier.
Nous allons examiner comment les règles pourront être mises en adéquation avec la nouvelle donne, laquelle, je le répète, n'a pas échappé au Gouvernement, surtout au moment où nombre d'élus locaux travaillent à l'examen du budget de leur collectivité.(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.)
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