Question de M. PELLEVAT Cyril (Haute-Savoie - UMP) publiée le 04/12/2014

M. Cyril Pellevat attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les conséquences de l'affiliation obligatoire des travailleurs frontaliers à la couverture maladie universelle (CMU). Ce sujet a été, une nouvelle fois, évoqué à l'occasion de l'examen du texte du projet de loi n° 28 (Sénat 2014-2015) de financement de la sécurité sociale pour 2015. Le département de la Haute-Savoie compte 70 000 travailleurs qui, chaque jour, traversent la frontière pour occuper un emploi en Suisse. Avec les accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Suisse dans les années 2000, les frontaliers français actifs en Suisse bénéficiaient de trois options pour être assurés : soit l'affiliation au régime d'assurance-maladie suisse, régi par la loi fédérale sur l'assurance-maladie, appelée LAMal ; soit l'affiliation volontaire à la sécurité sociale; soit encore le recours aux assurances privées. Le droit d'option entre une assurance privée française et le régime général de l'assurance maladie française avait été introduit en 2002 et prorogé en 2006. En effet, l'affiliation à une assurance privée était plébiscitée par 90 % des travailleurs frontaliers. Ce droit d'option a pris fin le 1er juin 2014, par décret ministériel n° 2014-516, et l'affiliation en France se fait désormais uniquement auprès de l'assurance maladie. À partir de cette date, ce sont 163 000 frontaliers vivants dans les six départements limitrophes de la Confédération helvétique, ayant opté pour l'assurance privée, qui basculent dans le système de sécurité sociale français, à la date d'échéance de leur contrat annuel, soit au plus tard le 31 mai 2015. Cette situation soulève plusieurs interrogations quant à l'organisation des services de caisses primaires d'assurance maladie, le réseau territorial de médecins traitants, ou encore la situation de ces frontaliers au regard de la loi. L'afflux de ces nouveaux inscrits sature les caisses primaires d'assurance maladie et mobilise un nombre important d'agents qui doivent faire face à une surcharge de travail. Aussi lui demande-t-il les mesures et les garanties qu'envisage de prendre le Gouvernement pour assurer l'inscription de tous les demandeurs frontaliers dans les temps et la délivrance de leurs cartes vitales dans des délais raisonnables. Il souhaiterait connaître également les études d'impact ou les mesures pérennes que compte prendre le Gouvernement pour l'accès aux soins de ces nouveaux assurés auprès des médecins traitants français, eux aussi saturés ou inexistants dans les zones de désert médical, et vers lesquels ils vont se tourner principalement. Enfin l'article 65 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, envisage des sanctions pour les personnes qui ne seraient pas affiliées à un régime de sécurité sociale au 1er janvier 2015. Il lui demande quels aménagements seront pris en compte par le Gouvernement pour que ces sanctions ne touchent pas les travailleurs frontaliers qui avaient jusqu'au 31 mai 2015 pour cette affiliation.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 04/02/2015

Réponse apportée en séance publique le 03/02/2015

M. Cyril Pellevat. Madame la secrétaire d'État, sénateur de Haute-Savoie et frontalier, je souhaite évoquer les conséquences de l'affiliation obligatoire des travailleurs frontaliers à la couverture maladie universelle, la CMU.

Cette situation a été, une nouvelle fois, largement évoquée à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, et notamment de son article 65, lequel prévoit des sanctions à l'encontre des personnes qui ne seraient pas affiliées à un régime de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2015.

Le département de Haute-Savoie compte 100 000 travailleurs qui, chaque jour, traversent la frontière pour travailler en Suisse. Avec les accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Suisse, signés dans les années deux mille, les frontaliers français actifs en Suisse avaient trois options pour être assurés : l'affiliation au régime d'assurance maladie suisse, régi par la loi fédérale sur l'assurance maladie, dite « LAMal », pour un minimum de 300 francs suisses par mois ; l'affiliation volontaire à la sécurité sociale ; le recours aux assurances privées.

Le droit d'option entre une assurance privée française et le régime général de l'assurance maladie française avait été introduit en 2002 pour une durée de sept ans, et prorogé en 2006 pour une durée supplémentaire de six ans. En effet, l'affiliation à une assurance privée était plébiscitée par 90 % des travailleurs frontaliers ; elle correspondait à un besoin.

Cette possibilité d'affiliation en France auprès d'une assurance privée a pris fin le 1er juin 2014 par décret ministériel n° 2014-516. L'affiliation en France se fait désormais uniquement auprès de l'assurance maladie.

À partir du 1er juin 2014, les quelque 163 000 frontaliers vivant dans les six départements limitrophes de la Confédération helvétique et ayant opté pour l'assurance privée basculent dans le système de sécurité sociale français à la date d'échéance de leur contrat annuel. Une circulaire ministérielle du 23 mai 2014 précise les modalités d'intégration des frontaliers dans le régime général de sécurité sociale.

Une période transitoire permettra aux personnes ayant souscrit une assurance privée avant le 1er juin 2014 de rejoindre l'assurance maladie française au terme de l'échéance annuelle de leur contrat d'assurance privée, au plus tard le 31 mai 2015.

Cette situation soulève plusieurs interrogations quant à l'organisation des services des caisses primaires d'assurance maladie, au réseau territorial des médecins traitants ou encore à la situation des frontaliers au regard de la loi.

L'afflux de ces nouveaux inscrits sature les caisses primaires d'assurance maladie et mobilise un nombre substantiel d'agents, qui doivent faire face à un surcroît important de travail.

Une personne m'a récemment indiqué par courrier que le délai de carence annoncé par les collaborateurs de la sécurité sociale d'Annemasse était de quatre mois. Les nouveaux assurés doivent avancer tous leurs frais de santé. Les services de la caisse primaire d'assurance maladie sont déjà sous pression et débordés. Ils manquent d'informations pour répondre aux attentes des frontaliers.

Je voudrais donc savoir les mesures et les garanties que le Gouvernement envisage pour assurer l'inscription des demandeurs frontaliers dans les temps et la délivrance de leur carte Vitale dans des délais raisonnables. Un nouveau sursis à la date butoir du 31 mai serait le bienvenu.

Je souhaiterais également connaître les études d'impact ou les mesures pérennes que le Gouvernement prévoit pour assurer l'accès aux soins de ces nouveaux assurés auprès des médecins traitants français, qui sont déjà extrêmement saturés - du moins quand il en existe encore, et je pense ici à certaines zones qualifiées de « désert médical ». C'est vers eux que les publics concernés vont se tourner.

Le Gouvernement a été alerté dans un récent courrier par ma collègue Sophie Dion, députée de Haute-Savoie, sur la situation du bassin de Cluses, dont la densité médicale est faible, avec 59,6 médecins pour 100 000 habitants, contre une moyenne nationale de 109.

La situation dans le pays de Gex n'est guère meilleure, avec un gynécologue pour 36 182 habitants, contre un pour 11 377 en moyenne nationale. Il en est de même pour les dermatologues, les cardiologues ou les pédiatres.

D'ailleurs, j'ai lu aujourd'hui dans la presse que le nombre de lits en pédiatrie baissait dans l'hôpital de Saint-Julien-en-Genevois.

Dans notre département, le temps d'accès à certains centres hospitaliers est plus élevé que la moyenne : plus de cinquante-cinq minutes pour une maternité de niveau II à Annecy ou Annemasse ; plus d'une heure et demie pour une maternité de niveau III à Chambéry.

Les témoignages de frontaliers sont édifiants. Au mois d'octobre dernier, lorsque mon épouse a appelé un gynécologue de la région, on l'a invitée à rappeler en décembre pour obtenir un rendez-vous en mars, soit six mois de délai pour un simple rendez-vous !

Même si le patient peut choisir un médecin traitant en Suisse sans être pénalisé dans le remboursement des soins, le professionnel de santé suisse devra obtenir un conventionnement spécifique avec la CPAM comprenant des engagements minimaux. Autant de démarches administratives qui peuvent être dissuasives !

Enfin, l'article 65 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 envisageait des sanctions pour les personnes qui ne seraient pas affiliées à un régime de sécurité sociale au 1er janvier 2015. Quels aménagements le Gouvernement compte-t-il adopter pour que ces pénalités ne touchent pas les travailleurs frontaliers, qui avaient jusqu'au 31 mai 2015 pour assurer cette affiliation ?

Je vous remercie de l'attention que vous porterez à la situation de travailleurs qui assurent des revenus à leur famille en traversant des frontières et qui contribuent à la richesse de nos départements, tout en étant soumis à des règles en matière de temps de travail et de congés payés n'ayant rien à voir avec celles qui prévalent en France.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, dans le cadre de l'accord sur la libre circulation des personnes, la Suisse a permis aux travailleurs frontaliers qui résident en France, en Allemagne, en Autriche ou en Italie d'être, par exception, exemptés de l'assurance maladie obligatoire en Suisse, la LAMal, et a ouvert un droit d'option entre la LAMal et la couverture maladie du pays de résidence.

La France a autorisé l'affiliation auprès d'une assurance privée en cas d'option pour une couverture maladie en France, pour une période limitée initialement à sept ans. Cette affiliation a été prorogée en 2006 jusqu'au 31 mai 2014.

À l'issue d'un long processus de concertation, le Gouvernement a organisé les conditions d'extinction de ce dispositif spécifique.

Deux décrets publiés le 23 mai 2014 et une circulaire détaillent les modalités de mise en œuvre et apportent toutes les garanties aux intéressés quant à la qualité de leur couverture sociale en tenant compte de la situation locale.

Sur le terrain, les services des organismes de sécurité sociale sont mobilisés pour informer et gérer l'intégration des travailleurs frontaliers : mise en ligne des formulaires et de la documentation, informations détaillées sur le site Ameli, numéro d'appel unique.

Pour que cette transition s'effectue dans de bonnes conditions, l'affiliation à l'assurance maladie française est progressive. Elle intervient à l'échéance annuelle du contrat d'assurance privée, entre le 1er juin 2014 et le 31 mai 2015, au plus tard.

De plus, le Gouvernement s'est montré très attentif à l'accès aux soins des frontaliers et des mesures d'assouplissement ont été prises.

Ainsi, le médecin traitant peut être choisi aussi bien en France qu'en Suisse. L'accès aux soins programmés hospitaliers ou coûteux en Suisse est facilité pour les frontaliers résidant dans des zones à faible densité médicale. Les soins lourds entamés en Suisse avant le 1er juin 2014 et les soins ambulatoires non urgents dispensés en Suisse peuvent être pris en charge sur la base des tarifs français.

Les soins effectués en marge du travail du frontalier le sont sur la base des tarifs suisses ou, à la demande des frontaliers, sur la base des tarifs français. Les frontaliers bénéficient aujourd'hui, comme tous les autres assurés, d'une durée de validité de la carte européenne d'assurance plus longue, de deux ans.

Enfin, monsieur le sénateur, vous faites référence à la disposition introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 concernant les personnes refusant de s'affilier à la sécurité sociale. Il est important de rappeler que l'article concerné a pour objectif de renforcer les sanctions envers toute personne qui chercherait délibérément à se soustraire à ses obligations.

Ce ne sera donc pas le cas des travailleurs frontaliers suisses dès lors que, à l'issue de l'échéance annuelle de leur contrat et au plus tard avant le 31 mai 2015, ils auront procédé à leur affiliation auprès de l'assurance maladie. Il est recommandé aux intéressés de prendre attache auprès de la caisse primaire d'assurance maladie le plus en amont possible pour faciliter leur affiliation par la suite.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais ces informations nous étaient connues.

Comme je le soulignais, les problèmes sont réels sur le terrain. Je pense notamment aux déserts médicaux constatés pour certaines professions. Dans les faits, on constate déjà que les hauts revenus quittent la France pour s'installer en Suisse et ainsi pouvoir exercer de nouveau leur droit d'option.

Je voudrais également évoquer la cotisation sur le revenu fiscal de référence. Des abattements ont été décidés, et je salue l'action du Gouvernement à cet égard. J'espère que le taux restera limité à 8 %.

Enfin, je signale que, côté suisse, nous sommes assurés pour les maladies professionnelles, ainsi que pour les accidents professionnels et non professionnels. (MM. Loïc Hervé et Michel Houel applaudissent.)

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