Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 04/12/2014
Mme Brigitte Gonthier-Maurin appelle l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conséquences, dans les Hauts-de-Seine, de la nouvelle carte de l'éducation prioritaire.
Elle rappelle avoir déjà interpellé le Gouvernement dès février 2014 (question écrite n° 10428 Journal officiel. Questions. Sénat. 23 juin 2014, p. 1552), sur la perte de moyens des établissements des Hauts-de-Seine à la rentrée de 2014, liée à une dotation globale horaire insuffisante, et sur les difficultés que cela engendrerait. Ces difficultés sont aujourd'hui confirmées, avec des effectifs constatés bien supérieurs à ceux prévus (966 élèves de plus que prévus dans le second degré). À cette situation vient s'ajouter la réforme de la carte de l'éducation prioritaire qui vient d'être dévoilée.
Dans les Hauts-de-Seine, les premiers éléments communiqués à savoir vingt collèges classés en réseau d'éducation prioritaire (REP) et deux REP+ et la sortie de huit collèges de l'éducation prioritaire - suscitent de vives inquiétudes et une forte incompréhension parmi les personnels, les parents d'élèves et les élus concernés.
À titre d'exemple, le sort réservé au collège « Pasteur » de Gennevilliers et à son réseau d'éducation prioritaire témoigne de cette incompréhension. Ce réseau est constitué de dix écoles : cinq maternelles (Pasteur, Kergomard, Joliot-Curie, Wallon, Caillebotte) et cinq élémentaires (Wallon A, Wallon B, Caillebotte, Joliot-Curie, Langevin A). Cinq de ces écoles sont situées dans le quartier des Agnettes, un quartier prioritaire qui devrait être classé au titre de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) prochainement. Or, il est prévu de sortir le réseau « Pasteur » de la carte de l'éducation prioritaire. Ainsi, l'école élémentaire « Langevin A » sortirait-elle de l'éducation prioritaire quand sa jumelle, l'école élémentaire « Langevin B », relèverait du réseau d'éducation prioritaire (REP+), alors qu'elles accueillent les élèves du même bassin de vie. De plus, elle s'inquiète du sort qui sera réservé aux lycées d'éducation prioritaire et des critères qui seront retenus dans cette réforme. Elle indique que, dans le département, douze lycées, relevant principalement de l'enseignement professionnel, figuraient, jusqu'à présent, dans l'éducation prioritaire. Elle souligne l'importance de renforcer la mixité sociale et non de l'affaiblir et de maintenir, pour les élèves, la possibilité d'être affectés dans l'ensemble des trois filières (générale, technologique et professionnelle). C'est pourquoi, elle lui demande comment la carte de l'éducation prioritaire dans les Hauts-de-Seine peut être revue afin de satisfaire à tous ces objectifs et permettre réellement la réussite de tous les élèves.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification publiée le 21/01/2015
Réponse apportée en séance publique le 20/01/2015
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il y a un an à peine, j'alertais le Gouvernement sur l'insuffisance des dotations globales horaires des établissements scolaires des Hauts-de-Seine pour la rentrée de 2014, craignant de très nombreuses difficultés.
Celles-ci sont aujourd'hui confirmées, avec des effectifs d'élèves bien supérieurs à ceux qui étaient prévus : 966 élèves supplémentaires dans le second degré pour la rentrée 2014.
À cette situation s'ajoute la réforme de la carte de l'éducation prioritaire entérinée mi-décembre.
Dans les Hauts-de-Seine, cette réforme se traduit au final par le classement de vingt collèges en réseau d'éducation prioritaire, dont deux en REP+, et la sortie de huit collèges.
Le département supporte ainsi la quasi-totalité- huit sur neuf - des sorties du réseau de l'académie. Or ce département est un territoire profondément inégalitaire. Cette réforme suscite de la contestation et une forte incompréhension parmi les personnels, les parents d'élèves, les élus. Je pense, par exemple, au collège Gay-Lussac de Colombes, au collège Anne-Frank à Antony ou au sort réservé au collège Pasteur à Gennevilliers.
Le « réseau Pasteur » est actuellement constitué d'un collège et de dix écoles : cinq maternelles et cinq élémentaires. Cinq de ces écoles sont d'ailleurs situées dans le quartier des Agnettes, un quartier devant être prochainement classé ANRU. Cela montre bien que les conditions de vie pour les populations ne se sont pas améliorées.
Pourtant, le « réseau Pasteur » sort de l'éducation prioritaire quand celui du collège Guy-Môquet est classé REP+.
Cela signifie que des élèves du même bassin de vie, le quartier des Agnettes, ne bénéficieront pas des mêmes moyens selon que leur école est rattachée au « réseau Pasteur » ou au « réseau Guy-Môquet ».
Le projet présenté mi-décembre prévoyait même que deux écoles élémentaires du même groupe scolaire, Langevin A et Langevin B, soient, pour la première, sorties de l'éducation prioritaire et, pour la seconde, classée en REP+ ! Cette situation totalement incompréhensible a été revue grâce à la mobilisation des équipes éducatives et de la municipalité de Gennevilliers.
Cela démontre bien que la réforme ne peut rester en l'état.
Ces contorsions ne peuvent d'ailleurs que renforcer le sentiment d'incompréhension des équipes éducatives et des parents, qui se sentent trahis par ce jeu de chaises musicales.
De plus, je m'inquiète du sort qui va être réservé aux lycées d'éducation prioritaire, traités à part. Quels critères vont être retenus ?
Dans les Hauts-de-Seine, douze lycées, relevant principalement de l'enseignement professionnel, figuraient, jusqu'à présent, dans l'éducation prioritaire. Qu'en sera-t-il demain ?
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je réitère ma demande que la nouvelle carte de l'éducation prioritaire des Hauts-de-Seine soit revue pour permettre réellement la réussite de tous les élèves.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la sénatrice, retenue par le Conseil national de la vie lycéenne, Mme Vallaud-Belkacem vous remercie de votre question et vous prie de bien vouloir l'excuser. Elle m'a chargé de vous répondre.
Nous ne le savons que trop : l'inégalité des élèves s'est malheureusement beaucoup accrue ces dix dernières années. L'une des principales causes de ces inégalités tient à l'origine sociale, qui favorise la réussite ou l'échec à l'école.
La refonte de la carte de l'éducation prioritaire a pour objectif de donner aux établissements scolaires des moyens supplémentaires pour affronter cette réalité sociale et territoriale.
Cette nouvelle carte s'appuie sur des critères très précis dont on sait qu'ils impactent la réussite scolaire : taux de professions et catégories socioprofessionnelles défavorisées, taux de boursiers, taux d'élèves résidant en zone urbaine sensible, taux d'élèves en retard à l'entrée en sixième.
L'application de ces critères objectifs n'a cependant pas, et heureusement, écarté le dialogue. La désignation des nouveaux réseaux d'éducation prioritaire dans les académies a fait l'objet d'une large concertation engagée dès 2014. Les acteurs de l'éducation nationale ont été entendus et les décisions ont été explicitées afin de permettre à chacun de comprendre les choix opérés pour chaque circonscription académique.
À la suite de ces concertations, et au vu des indicateurs qu'ils présentaient, certains collèges ont été considérés comme relevant désormais du secteur ordinaire. Ces décisions ont des conséquences, mais il y va de l'efficacité et de la cohérence de notre politique.
Les écoles qui relèvent du secteur de ces collèges et accueillent un public particulièrement défavorisé disposeront de moyens d'enseignement proportionnés aux difficultés économiques et sociales rencontrées par leur population scolaire.
En effet, à compter de la rentrée 2015, de nouvelles modalités de répartition des moyens d'enseignement vont être mises en uvre afin de mieux tenir compte des difficultés sociales de chaque école et de chaque établissement. Aussi, l'allocation des moyens se fera désormais dans une double logique de justice sociale et de transparence.
Plus précisément, en réponse aux interrogations que vous formulez au sujet du département des Hauts-de-Seine, je vous apporte les informations suivantes.
Tout d'abord, les écoles Langevin A et Langevin B, que vous avez évoquées, ainsi que la maternelle Kergomar, seront intégrées au réseau d'éducation prioritaire renforcé, ou REP+, du collège Guy-Môquet de Gennevilliers.
Quant au collège Pasteur de Gennevilliers, il fait aujourd'hui l'objet d'un dialogue soutenu entre les équipes de direction et les services académiques. Le but est d'estimer l'impact de cette sortie de l'éducation prioritaire et d'évaluer les moyens à maintenir en priorité. D'ores et déjà, deux postes de conseiller principal d'éducation et une dotation horaire globale assurent la mise en uvre de tous les dispositifs d'aide et de soutien aux élèves. Ces moyens ont été maintenus.
En outre, pour répondre aux besoins de justice sociale et marquer ainsi l'engagement de l'État sur votre territoire, je vous annonce la mise en uvre d'une convention académique de priorité éducative, ou CAPE, en faveur du réseau de Gennevilliers et de Colombes.
Plus généralement, dans le second degré, la dotation départementale dont disposent les Hauts-de-Seine a augmenté de 431 heures en 2014 par rapport à 2013.
Ces efforts témoignent de notre volonté de répartir les moyens en fonction des difficultés auxquelles se heurtent réellement les établissements. Vous le constatez, le Gouvernement a pris des mesures spécifiques en faveur du département dont vous êtes l'élue.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, j'insiste sur l'incompréhension que cette réforme suscite sur le terrain, notamment au sein des équipes éducatives ou dans les rangs des parents d'élèves.
J'ai cité le cas de Gennevilliers, qui est assez emblématique. Ces sorties de l'éducation prioritaire vont affaiblir des équipes éducatives mobilisées pour la réussite de leurs élèves. Qu'on le veuille ou non, elles vont se traduire par une augmentation des effectifs par classe, du fait de la suppression de postes.
Dès lors, quid des moyens pour maintenir les projets pédagogiques institués pour lutter contre l'échec, le décrochage, les incivilités et les violences en milieu scolaire ? Quid des équipes précédemment constituées ?
En retirant ces moyens, on risque fort d'entraîner une dégradation des conditions d'apprentissage et d'encadrement des élèves.
Le Gouvernement se veut rassurant. Il indique que les établissements et les écoles sortant de l'éducation prioritaire ne se verront pas retirer de moyens. Il est prévu de maintenir pendant trois ans l'indemnité spécifique des enseignants concernés. Mais qu'en sera-t-il des autres moyens pédagogiques ? Et qu'adviendra-t-il dans un second temps ?
La réforme de l'allocation des moyens pour 2015 doit bien sûr prendre en compte la démographie, mais elle doit également se fonder sur les difficultés sociales et scolaires des différents élèves. Or, à chaque rentrée, le nombre d'élèves concernés dans les Hauts-de-Seine est sous-estimé lors de l'établissement de la dotation horaire globale, la DHG. En 2014, on a immédiatement pu mesurer les conséquences de ce biais dans les calculs, par exemple pour les recalés au baccalauréat privés de redoublement.
Cette situation est tout à fait paradoxale, à l'heure où la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République fixe pour objectif de raccrocher les décrocheurs.
Qui plus est, les prévisions pour la rentrée 2015 montrent que les budgets seront encore insuffisants pour pallier l'ensemble des difficultés de notre territoire.
Je le dis et je le répète : je relaye, dans cet hémicycle, l'appel lancé au Gouvernement pour que les moyens nécessaires soient accordés, en la matière, à notre département.
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