Question de M. MANDELLI Didier (Vendée - UMP) publiée le 12/12/2014
Question posée en séance publique le 11/12/2014
M. Didier Mandelli. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, hier, c'était la journée « justice morte » en France une grande première. Tous les membres et collaborateurs des six organisations professionnelles du droit le Conseil national des barreaux pour les avocats, le Conseil supérieur du notariat, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires et la Chambre nationale des huissiers de justice étaient en grève pour manifester contre votre projet de loi pour la croissance et l'activité. Les études et les cabinets étaient fermés. Cette mobilisation sans précédent symbolise la colère froide qui se généralise dans notre pays. La tension monte chaque jour un peu plus.
Monsieur le ministre, avec ce projet de loi « fourre-tout », selon l'expression du premier secrétaire du parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, vous avez l'ambition de redresser l'économie française. Je partage cet objectif, je l'encourage même.
Selon vous, l'un des moyens pour l'atteindre serait de réformer les professions réglementées, notamment les professions juridiques. Ces dernières sont les garantes de la sécurité juridique des Français. La plus grande vigilance s'impose donc. Ce que l'on vous reproche, monsieur le ministre, c'est votre précipitation et une concertation a minima des organisations professionnelles concernées. L'étude d'impact de l'avant-projet de loi pour les professions juridiques est une suite d'approximations et d'interprétations de chiffres et de faits.
Le Conseil d'État a émis le 8 décembre dernier des réserves sur une mesure phare de votre projet de loi : la liberté d'installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs. Il estime qu'il y a une rupture caractérisée d'égalité devant les charges publiques.
Par ailleurs, les professionnels s'étonnent, à juste titre, que le Premier ministre ait confié au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique la tâche de réformer les professions juridiques réglementées, et non au ministère de la justice.
Je vous demande donc aujourd'hui d'écouter les professionnels du droit en France. Pour cela, monsieur le ministre, donnez-vous du temps pour un dialogue constructif. C'est la seule méthode qui permettra d'engager une modernisation attendue de l'exercice de ces professions réglementées.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas retirer de votre projet de loi tous les articles concernant les professions juridiques, afin de les intégrer, modifiés, dans le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, qui sera présenté au printemps de 2015 par la Chancellerie ? Ne pensez-vous pas que ce temps nécessaire au dialogue et à la concertation tant demandés par ces professions évitera de cristalliser les oppositions et de renforcer les blocages ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique publiée le 12/12/2014
Réponse apportée en séance publique le 11/12/2014
M. Emmanuel Macron,ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je respecte ces professionnels du droit, qui ont manifesté hier, et j'entends leurs demandes. Je les ai d'ailleurs reçus avec la garde des sceaux. De plus, j'ai participé hier soir, avec certains d'entre vous, à un débat avec les huissiers de justice, preuve que je sais toujours me montrer présent lorsqu'il s'agit d'échanger des idées.
Au demeurant, je m'étonne que l'on puisse manifester contre un projet de loi le jour même de son dépôt, sans vraisemblablement en avoir pris connaissance.(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Il a été déposé : tout le monde le connaît !
M. Emmanuel Macron,ministre. Toutefois, peu importe : notre vie politique est ainsi faite !
Monsieur le sénateur, en est-il des réformes comme des économies ? En effet, vous en voulez toujours davantage, mais vous êtes toujours contre celles que l'on fait !(Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous voulons de bonnes réformes !
M. Emmanuel Macron,ministre.Les bonnes réformes, ce sont sans doute celles que vous n'avez pas faites pendant dix ans !
Avec les réformes, c'est toujours la même chose : « Faites-les ailleurs, mais pas chez moi » ! (Mêmes protestations sur les mêmes travées.) C'est votre spécialité ! Il faudrait les faire non pas pour les professions réglementées, mais pour les salariés ; pas ici, mais chez les autres. Cela n'a pas de sens !
M. Alain Gournac. Arrêtez !
M. Emmanuel Macron,ministre.L'esprit de ce projet de loi, c'est de débloquer la société française partout où elle peut l'être ; c'est de moderniser les conditions de notre fonctionnement partout où elles peuvent l'être. En l'espèce, je ne peux en aucun cas vous laisser dire que c'est un projet qui est uniquement porté par Bercy.
Le Premier ministre l'a dit hier et l'a répété ici aujourd'hui, ce projet de loi est porté également par la garde des sceaux, qui le défend et qui a contribué à le préparer.
Mme Catherine Procaccia. Ce n'est pas ce qu'elle écrit dans Le Monde !
M. Emmanuel Macron,ministre.Lisez le texte qui a été déposé hier : elle est la garante de ce dispositif !
Revenons-en au sujet précis. Finalement, ce que vous défendez in concreto, c'est l'existence intangible d'intérêts acquis.(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Non, nous défendons l'emploi !
Mme Catherine Procaccia. Et le dialogue social !
M. Emmanuel Macron,ministre.Parlons concrètement de l'emploi : la liberté d'installation que nous proposons, c'est une liberté régulée, qui ne déstabilise ni les territoires ni les professionnels en place. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Elle permettra de créer- le texte le garantit - plusieurs offices notariaux, donc de l'activité et de l'égalité d'accès à l'emploi.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Emmanuel Macron,ministre.Aujourd'hui, rien ne justifie que, dans le système dans lequel nous vivons, l'emploi et l'entreprenariat soient réservés à quelques-uns. Oui, je crois que l'on peut préserver l'égalité (Protestations sur les travées de l'UMP.),...
M. Alain Gournac. Et vous y croyez ?
M. Emmanuel Macron,ministre.... la sécurité juridique et les fondements de notre République - c'est ce que fait ce texte de loi - et, en même temps, créer de l'activité et réformer.
M. Alain Gournac. Et vous y croyez ?
M. Emmanuel Macron,ministre.La réforme doit être partagée par tous, de même que l'effort ne vaut que s'il est partagé par tous. C'est ainsi qu'ils seront efficaces !(Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.)
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