Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRC) publiée le 16/10/2014
M. Pierre Laurent attire l'attention de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur la situation de l'hébergement d'urgence des familles en général et sur les résultats de l'enquête sur les enfants et familles sans logement en Île-de-France (ENFAMS) menée par l'Observatoire du Samusocial de Paris, en particulier.
Cette étude relève, notamment, que la situation des familles logées à l'hôtel est catastrophique : plus de 80 % de familles sous le seuil de pauvreté ; près de huit familles sur dix et deux enfants sur trois en insécurité alimentaire ; 29 % de mères souffrant de dépression ; une prévalence de l'obésité bien supérieure à la population générale ; un enfant sur deux qui dort dans le lit de ses parents ; un enfant sur dix de plus de six ans non scolarisé ; des déménagements incessants.
L'enquête relève également que, si l'hébergement à l'hôtel, comme solution transitoire, peut avoir un sens pour compenser la saturation des dispositifs d'accueil de migrants et l'insuffisance de structures adaptées dans le dispositif d'urgence et de réinsertion, il est inadapté sur le long terme. Or, les familles qui sont orientées vers de tels hébergements s'y installent souvent pour de longues années.
Pour les familles hébergées à l'hôtel depuis plus de cinq ans - comme c'est le cas de 545 familles hébergées aujourd'hui par le Samusocial de Paris - il est urgent de trouver des solutions offrant des conditions de vie dignes et compatibles avec l'épanouissement de leurs enfants.
Au total, ce sont plus de 28 000 personnes vivant en famille, dont la moitié d'enfants, qui sont aujourd'hui hébergées au long cours à l'hôtel en Île-de-France, via le Samusocial de Paris. En pratique, la quasi totalité des familles sans domicile sont hébergées à l'hôtel : un hébergement inadapté et nocif pour les familles. C'est ainsi que les crédits de l'État subventionnent, sans contrepartie et de manière très onéreuse, le secteur privé de l'hôtellerie (15 % de l'offre totale hôtelière francilienne, toutes étoiles confondues, sont utilisés par l'État pour héberger les familles, soit des dépenses publiques hôtelières supérieures à l'aide à la pierre en Île-de-France). De plus, cette situation, contraire à l'intérêt général, est en train de gagner du terrain : l'hébergement hôtelier des familles se développe dans l'ensemble de la France, y compris dans des zones non tendues.
Les auteurs de l'enquête proposent à l'État un plan d'actions en vue de remédier à cette situation catastrophique pour les personnes concernées et coûteuse pour les finances publiques, contenant les éléments suivants : d'abord, un développement des alternatives à l'hôtel (hébergement en appartements partagés, accroissement des structures dédiées aux familles demandeuses d'asile, habitat modulaire sur les « dents creuses ») ; ensuite, la création d'une hôtellerie sociale professionnelle : rachat d'hôtels ou transformation de bureaux en hôtels sociaux par des bailleurs sociaux ou des associations ; une « humanisation » des hôtels (installation d'espaces de vie communs, modularité des chambres, notamment) ; une fédération des associations et collectivités locales pour répondre aux besoins essentiels de ces familles (aide alimentaire, apprentissage du français, accompagnement scolaire des enfants) ; une poursuite de la « moralisation » du secteur hôtelier ; enfin, une accélération des sorties d'hôtel (plan, d'urgence pour sortir les 545 familles hébergées à l'hôtel depuis plus de cinq ans, renforcement des dispositifs d'intermédiation locative « Solibail », et « Louez solidaire », etc) et l'engagement d'une réflexion de fond sur les interactions hébergement d'urgence / accueil des migrants (conférence de consensus).
Il lui demande quelles suites l'État compte donner à ces propositions.
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Réponse du Ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité publiée le 05/11/2014
Réponse apportée en séance publique le 04/11/2014
M. le président. Avant de donner la parole à M. Pierre Laurent, je tiens à lui dire, comme je l'ai fait en début de séance, la peine que j'ai ressentie à l'annonce du décès de Guy Fischer. C'était une personnalité qui symbolisait bien les valeurs républicaines. Voilà quelques années, nous avons été en même temps vice-présidents de la Haute Assemblée. J'avais pour lui la plus grande estime. Cet après-midi, M. le président du Sénat lui rendra hommage mieux que moi-même.
La parole est à M. Pierre Laurent, auteur de la question n° 882, adressée à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, je vous remercie pour ces mots d'hommage à Guy Fischer, qui était, c'est vrai, un homme plein d'humanité et un sénateur digne de la République.
Madame la ministre, je me permets d'appeler votre attention sur la situation de l'hébergement d'urgence des familles en général et sur les résultats de l'enquête sur les enfants et familles sans logement en Île-de-France, menée par l'Observatoire du SAMU social de Paris, en particulier.
Cette étude relève que la situation des familles logées à l'hôtel est catastrophique. L'enquête démontre que, si l'hébergement à l'hôtel, comme solution transitoire, peut avoir un sens pour compenser la saturation des dispositifs d'accueil de migrants et l'insuffisance de structures adaptées dans le dispositif d'urgence et de réinsertion, il est totalement inadapté sur le long terme.
Or de très nombreuses familles orientées vers de tels hébergements s'y installent trop souvent pour de longues périodes, voire pour de longues années.
Pour les familles hébergées à l'hôtel depuis plus de cinq ans - c'est le cas de 545 familles hébergées aujourd'hui par le SAMU social de Paris -,il est tout à fait urgent de trouver des solutions offrant des conditions de vie dignes et compatibles avec l'épanouissement des enfants. Naturellement, il convient aussi de trouver des solutions plus globales pour l'ensemble des familles concernées.
Plus de 28 000 personnes vivant en famille, dont la moitié avec des enfants, sont aujourd'hui hébergées au long cours à l'hôtel en Île-de-France, via le seul SAMU social de Paris.
En pratique, la quasi-totalité des familles sans domicile sont hébergées à l'hôtel, une solution inadaptée et nocive. C'est aussi très problématique pour les crédits de l'État, lesquels, vous le savez, subventionnent sans contrepartie et de manière très onéreuse le secteur privé de l'hôtellerie. En effet, 15 % de l'offre totale hôtelière francilienne, toutes catégories d'étoiles confondues, est utilisée par l'État pour héberger les familles, ce qui représente un montant de dépenses publiques hôtelières supérieur à l'aide à la pierre en Île-de-France.
De plus, cette situation, contraire à l'intérêt général, est en train de gagner du terrain, du fait de l'absence de solution pérenne ; l'hébergement hôtelier des familles se développe en effet dans l'ensemble de la France, y compris dans des zones non tendues.
Les auteurs de l'enquête proposent donc à l'État un plan d'actions concret, en vue de remédier à cette situation catastrophique pour les personnes concernées et coûteuse pour les finances publiques. Je pense notamment au développement des alternatives à l'hôtel, à la création d'une hôtellerie sociale professionnelle, à des solutions pouvant fédérer les associations et les collectivités territoriales, à l'humanisation des hôtels, à la moralisation du secteur hôtelier et à l'accélération des sorties d'hôtel en particulier pour les cas les plus urgents, comme les 545 familles que j'ai évoquées et qui sont hébergées depuis plus de cinq ans sous la responsabilité du SAMU social.
Quelles suites comptez-vous donner à ces propositions, madame la ministre, et quel dialogue comptez-vous engager avec les auteurs de l'enquête, afin d'élaborer des solutions concrètes et rapides pour ces situations d'urgence ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel,ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, vous m'interrogez sur la politique d'hébergement d'urgence des personnes sans logement en France et plus particulièrement sur l'hébergement des familles, de plus en plus nombreuses, notamment en Île-de-France.
L'enquête que vous citez, publiée le mois dernier, met malheureusement en lumière des constats édifiants : la moitié des appels au 115 de Paris vient de familles, et le nombre des nuitées hôtelières a connu une augmentation considérable, de plus de 78 % en Île-de-France en 2013.
Cette situation n'est pas acceptable. Je vous rejoins dans votre affirmation selon laquelle l'hôtel n'est pas une solution satisfaisante pour les personnes démunies. Sur le plan social, vous l'avez rappelé, les conditions de prise en charge sont mauvaises et inadaptées, notamment pour les familles avec enfants. L'absence d'accompagnement social, d'accès aux droits et aux soins, les problèmes de déscolarisation et de malnutrition sont parmi les conséquences les plus néfastes de l'hébergement hôtelier.
Pour répondre aux fortes pressions exercées en raison de l'accroissement des besoins de prise en charge de familles avec des enfants en bas âge et de l'augmentation des flux migratoires, le dispositif d'hébergement d'urgence sera doté l'année prochaine de 389 millions d'euros, soit une hausse de près de 21 % par rapport à 2014. La hausse de ces crédits doit nous permettre de travailler pour mettre fin à la gestion saisonnière du dispositif d'hébergement d'urgence.
Ainsi, le groupe de travail de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, la DIHAL, sur la fin de la gestion saisonnière se poursuit. Il permet de recenser et de faire le bilan de la mise en uvre de cet objectif dans les territoires.
Pour ce qui est des territoires connaissant de faibles tensions sur l'hébergement, j'ai demandé la mise en place d'une expérimentation sur trois d'entre eux, afin de les accompagner dans la mise en uvre des orientations prioritaires, avec un objectif : la fin du recours aux nuitées hôtelières.
Pour ce qui est des régions tendues, où la diminution du recours aux nuitées hôtelières reste difficile à mettre en place, car la situation administrative complexe des familles vient souvent s'ajouter à la demande très forte d'hébergement, des propositions seront faites, à ma demande, par le préfet de la région Île-de-France. Elles doivent déboucher prochainement sur un plan d'actions de résorption des nuitées hôtelières associant le SAMU social, les collectivités territoriales et les associations concernées.
Ce plan apportera tout d'abord le nécessaire accompagnement social afin d'améliorer la vie quotidienne des familles et des personnes hébergées à l'hôtel. Une action d'accompagnement social, qui fait suite à un appel à projets lancé par mon ministère l'année dernière et qui est portée par la Croix-Rouge française, est en cours et doit permettre à terme de suivre 3 000 familles hébergées à l'hôtel.
Ce plan proposera aussi de développer des alternatives au seul hébergement hôtelier en soutenant les mesures qui ont déjà été expérimentées et en les élargissant à d'autres acteurs quand cela est possible. Je pense par exemple au développement de l'intermédiation locative Solibail. Cette solution permet aujourd'hui d'accueillir plus de 3 000 familles dans des logements du parc privé, en toute sécurité pour les propriétaires bailleurs. Je pense aussi à la poursuite du rachat de certains hôtels sociaux, à la mobilisation d'appartements partagés ou des capacités des résidences sociales. Je pense, enfin, à l'encadrement du dispositif de réorientation dans le parc social des personnes hébergées sur des longues durées en introduisant des règles de priorité aux familles.
Au-delà de la nécessaire gestion de l'urgence, l'action du Gouvernement vise à permettre un accès plus rapide des personnes aux faibles ressources à un logement durable par une offre de logements sociaux abordables. Le nouveau prêt locatif aidé d'intégration, le « PLAI HLM », dont j'ai annoncé la création lors du congrès du mouvement HLM en septembre, permettra la construction de 15 000 logements sociaux à très bas loyers. Ce sont aussi 10 000 logements accompagnés qui seront construits sur les trois prochaines années.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, en ce qui concerne la lutte contre la précarité, le Gouvernement fait preuve de réalisme et d'inventivité pour agir vite, mais aussi pour trouver des solutions alternatives plus efficaces.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Au début de votre réponse, vous avez évoqué, madame la ministre, la situation du 115. C'est un vrai sujet de préoccupation ; il faut veiller à soutenir ce dispositif et les salariés qui répondent aux familles en proie à beaucoup de difficultés, en renforçant notamment les moyens dont ils disposent.
Vous dites prendre en compte l'importance de la situation dont je faisais état dans ma question. La situation sociale des familles concernées est en effet dramatique. L'enquête témoigne des difficultés de ces familles, dont 80 % vivent sous le seuil de pauvreté. En leur sein, un enfant sur dix de plus de six ans est non scolarisé. On pourrait citer d'autres indicateurs inquiétants. L'hébergement à l'hôtel est, pour toutes ces personnes, tout à fait insécurisant ; il ne leur permet pas d'envisager une solution pour leur situation.
Il y a urgence, madame la ministre. Vous annoncez un certain nombre de mesures, notamment le dispositif Solibail. J'en prends bonne note, mais les parlementaires que nous sommes veilleront, avec les associations, à ce que les moyens concrets suivent bien et permettent leur mise en uvre. Malheureusement, en effet, la réduction globale des budgets nous laisse craindre le pire.(Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.)
Je note, par ailleurs, que les chiffres indiqués dans votre réponse sont encore loin des besoins apparaissant dans l'enquête. Il est donc absolument nécessaire d'accélérer !
J'espère, enfin, que toutes ces mesures seront prises en étroite concertation avec le monde associatif et les collectivités territoriales.
Mme Sylvia Pinel,ministre.Oui !
M. Pierre Laurent. Sans leur implication et leur contrôle, en effet, rien de positif ne pourra être mis en uvre.
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