Question de Mme ÉMERY-DUMAS Anne (Nièvre - SOC) publiée le 16/10/2014
Mme Anne Emery-Dumas attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur le document de communication émanant de la Commission européenne et prévoyant une modification de la directive « Nitrates » par l'extension des zones vulnérables « nitrates ». La directive européenne 91/676/CEE aussi appelée directive « Nitrates » se traduit par la définition de zones vulnérables où des pratiques agricoles particulières sont imposées pour éviter les risques de pollution. Cette révision annoncée va très fortement impacter le département de la Nièvre, dans un contexte économique et social déjà très dégradé, notamment à la suite de la baisse des cours du broutard, de moissons de faible qualité, d'un déficit fourrager en raison de la sécheresse du printemps de 2014 et de l'impact de la politique agricole commune (PAC) pour 2014-2020. 80 nouvelles communes seront a minima concernées, territoires où l'élevage allaitant extensif charolais prédomine. Il a déjà été possible d'observer que certaines zones nivernaises délaissent aujourd'hui l'élevage (initiatives isolées). Il est donc à craindre que les nouvelles contraintes liées à un classement en zone vulnérable ne renforcent cette dynamique individuelle de reconversion vers des activités de grande culture, fragilisant ainsi, un peu plus, la filière d'élevage allaitant et contrariant les dispositions du projet agricole départemental pour 2014-2020 qui vise à conforter l'élevage par la création de valeur ajoutée supplémentaire. L'approche normative de Bruxelles a clairement montré ses limites. Elle lui demande donc s'il est possible que le Gouvernement fasse conduire de nouvelles études scientifiques, afin de mettre la révision de la directive à l'ordre du jour de l'agenda européen, et que, dans l'attente, soit proposé un calendrier, réaliste et soutenable sur plusieurs années, de mise en œuvre des nouvelles contraintes européennes, notamment quant au stockage des effluents d'élevage.
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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 22/10/2014
Réponse apportée en séance publique le 21/10/2014
Mme Anne Emery-Dumas. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le document de communication émanant de la Commission européenne et prévoyant une modification de la directive européenne 91/676/CEE, aussi appelée directive « Nitrates », par l'extension des zones vulnérables « nitrates ».
Cette directive se traduit par la création de zones vulnérables, dans lesquelles des pratiques agricoles particulières sont imposées pour éviter les risques de pollution.
La révision annoncée aura des conséquences très importantes dans le département de la Nièvre, dans un contexte économique et social déjà très dégradé, notamment du fait de la baisse des cours du broutard subie par nos éleveurs, de moissons de faible qualité, d'un déficit fourrager et, évidemment, de l'impact de la politique agricole commune pour la période allant de 2014 à 2020. Ainsi, quatre-vingts nouvelles communes du département, au moins, devraient être concernées, sur des territoires où l'élevage allaitant extensif charolais prédomine.
Il a déjà été possible d'observer, en particulier depuis 2012, date de la précédente vague d'obligations d'aménagement de bâtiments d'élevage liées à l'application de la directive, que de nombreuses zones nivernaises traditionnellement consacrées à l'élevage allaitant délaissent cette activité.
Les nouvelles contraintes consécutives à un classement en zone vulnérable risquent de renforcer cette dynamique de reconversion vers des activités de grande culture, fragilisant un peu plus la filière de l'élevage allaitant ; mais c'est aussi en complète contradiction avec les dispositions du projet agricole départemental qui vient d'être adopté pour la période 2014-2020 et vise à conforter l'élevage par la création de valeur ajoutée supplémentaire.
L'approche normative de Bruxelles a largement montré ses limites. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, s'il est possible que le Gouvernement fasse conduire de nouvelles études scientifiques, afin de mettre la révision de la directive à l'ordre du jour de l'agenda européen, et que, dans l'attente, soit proposé un calendrier, réaliste et soutenable sur plusieurs années, de mise en uvre des nouvelles contraintes européennes, notamment quant au stockage des effluents d'élevage.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll,ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. S'agissant de la question de l'élevage, je tiens tout d'abord à rappeler quel a été l'apport, dans son architecture, dans sa structure, de la réforme de la politique agricole commune. Au travers du couplage des aides à la vache allaitante, de la reconnaissance des prairies permanentes, des évolutions en matière de convergence des aides, tout a été précisément fait - bien sûr dans la limite d'une enveloppe non extensive - pour préserver l'activité d'élevage et éviter un basculement vers les grandes cultures.
Par ailleurs, je rappelle que si la directive« Nitrates » n'a pas été signée par le ministre de l'agriculture actuel, il revient à ce dernier de garantir la continuité de la parole de la France et de l'État français à l'échelle européenne.
En outre, je répète que le classement en zone vulnérable n'implique pas obligatoirement que toutes les exploitations vont devoir investir et recourir à des constructions en béton pour stocker les effluents d'origine animale. Il faut cesser de prétendre que ce classement en zone vulnérable signifie automatiquement 30 000, 40 000 ou 50 000 euros d'investissement ! C'est faux !
Pourquoi ? D'abord, nous allons travailler à une renégociation avec la Commission européenne, sur la base de l'arrêt de la Cour de justice européenne, autour de la question du stockage, en particulier de fumier pailleux en plein champ. Si c'est en plein champ, ce n'est pas dans des bâtiments en béton, et aucun investissement n'est donc nécessaire ! Ensuite, nous chercherons à accroître au maximum les surfaces d'épandage, en particulier sur les pentes. Plus ces surfaces sont étendues, et moins le besoin de stockage est important ! Enfin, nous nous orienterons vers le stockage collectif, en particulier en cas de méthanisation, et tout équipement collectif n'est évidemment plus individuel !
Quand des investissements seront nécessaires, nous serons là pour encadrer et pour développer l'autoconstruction, afin de permettre aux agriculteurs de s'adapter sans être contraints à des investissements trop lourds.
Nous serons là également, dans le cadre du plan de modernisation, pour appliquer la partie qui pourrait concerner la mise aux normes en matière d'élevage.
Il faut donc cesser de considérer que l'application de cette directive va immédiatement se traduire par des investissements auxquels les éleveurs ne pourront pas faire face. Nous allons mettre enuvre tout un processus, sans compter le calendrier d'application, que nous allons négocier.
J'ajoute que, sur cette question, nous sommes en train de revoir avec l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, et l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, l'IRSTEA, les critères scientifiques sur lesquels se fondent les risques d'eutrophisation, afin de déterminer, par exemple, si un tel risque existe avec une concentration de 18 milligrammes par litre d'azote. Un débat scientifique doit avoir lieu sur cette question.
À l'aide des retours effectués par les préfets et de ce travail scientifique, nous pourrons mesurer précisément ce qui se passe. Et une fois en possession de l'ensemble de ces éléments, nous irons négocier au niveau de la Commission. En effet, pour négocier avec la Commission, il nous faut nous appuyer sur des bases scientifiques extrêmement solides.
Voilà la situation, voilà la manière dont nous abordons le sujet. Cependant, je vous le dis sincèrement, la définition d'une zone vulnérable n'implique pas nécessairement des investissements de la part des exploitations. D'abord, certaines ont d'ores et déjà largement dépassé les capacités de stockage qui pourraient être demandées. Ensuite, je vous ai indiqué tous les éléments sur lesquels nous allons justement nous appuyer pour faire en sorte d'éviter, tout en respectant la réglementation européenne, de gros investissements pour l'élevage en France.
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Mme Anne Emery-Dumas. Je vous remercie de ces précisions et des perspectives que vous nous offrez, monsieur le ministre.
Je souhaite que nous parvenions à trouver une solution qui permette de maintenir l'élevage, notamment dans le bassin allaitant. Il s'agit d'éviter ce qui se produit depuis de trop longues années, à savoir la reconversion des terres vers des activités de culture. Comme vous le savez, monsieur le ministre, l'arrêt de l'élevage sur certaines terres est généralement irréversible. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.
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