Question de M. WATRIN Dominique (Pas-de-Calais - CRC) publiée le 18/09/2014

M. Dominique Watrin attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la question du rétablissement de l'allocation équivalent retraite (AER). Depuis le 1er juillet 2011, l'AER a été remplacée par l'allocation transitoire de solidarité (ATS) par M. Xavier Bertrand, à l'époque ministre du travail de Nicolas Sarkozy.
Alors qu'elle s'était clairement engagée pour le rétablissement de l'AER, c'est l'ATS que la nouvelle majorité a souhaité prolonger dans son décret n° 2013-187 du 4 mars 2013 tout en la soumettant à des conditions très restrictives. En effet, l'ATS est réservée aux chômeurs nés de 1951 à 1953 indemnisés par l'assurance chômage en 2010 et justifiant des trimestres requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein, excluant ainsi une grande partie des chômeurs âgés. Il est inadmissible que des personnes ayant travaillé et cotisé toute leur vie se retrouvent ainsi en situation de grande précarité, contraintes de vivre avec l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ou le revenu de solidarité active (RSA) dont le montant avoisine les 480 euros. L'allocation équivalent retraite (AER) leur permettrait de vivre décemment jusqu'à la mise en place effective de leur pension de retraite.
Face à l'urgence de la situation, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il compte prendre pour mettre un terme à cette injustice.


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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 15/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2014

M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, alors qu'elle s'était engagée clairement en faveur du rétablissement de l'allocation équivalent retraite, l'AER, supprimée en 2011 par Xavier Bertrand, la majorité a finalement prolongé l'allocation transitoire de solidarité, l'ATS, au travers du décret du 4 mars 2013, tout en l'assortissant de conditions trop restrictives.

Le prolongement de cette allocation était un premier pas, parce qu'il rompait avec la logique précédemment suivie et permettait à plusieurs milliers de salariés ayant débuté tôt leur activité professionnelle de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite. Or ce décret paraît aujourd'hui insuffisant.

Dans nos villes et dans nos départements, nous faisons tous les jours le constat des effets dramatiques, pour les populations, de l'extinction de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, qui contraint les salariés privés d'emploi non éligibles à l'ATS à survivre avec à peine 500 euros par mois.

En effet, cette allocation est réservée aux chômeurs nés entre 1951 et 1953, indemnisés par l'assurance chômage en 2010 et justifiant du nombre de trimestres requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein, ce qui exclut une grande partie des chômeurs âgés.

Le Gouvernement s'est rétracté, mettant notamment en avant le coût de la mesure - environ 800 millions d'euros -, et a opté pour le scénario le moins coûteux, mais le plus arbitraire, ce qui a suscité l'incompréhension et la colère de ceux qui ne bénéficieront pas du dispositif après avoir pourtant travaillé plus de quarante ans sans discontinuer.

En 2014, le Gouvernement a accordé 20 milliards d'euros aux entreprises au titre du CICE, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Or l'emploi a reculé de 22 000 postes au début de l'année et le CICE ne jouerait, selon l'INSEE, qu'un rôle d'amortisseur.

Le rétablissement de l'AER aurait, lui, un effet certain : il permettrait à des milliers de séniors français de ne pas vivre dans la misère en attendant la retraite, de redevenir des citoyens à part entière et des consommateurs.

Nul n'ignore d'ailleurs que, trop souvent, au lieu de considérer les séniors comme des atouts, c'est-à-dire comme des salariés performants et formés, capables d'être des relais de compétences et de savoir-faire auprès des nouvelles recrues, les entreprises les voient surtout comme des charges, voire des freins à la croissance. Les contrats de génération n'ont d'ailleurs pas changé la donne : un an après leur création, seuls 20 000 contrats de génération, qui ont pour l'essentiel validé des projets d'embauche en cours, avaient été signés.

Il est inadmissible que des personnes ayant travaillé et cotisé toute leur vie se retrouvent ainsi en situation de grande précarité, contraintes de vivre avec l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, ou le revenu de solidarité active, le RSA, dont le montant est largement inférieur au seuil de pauvreté.

Devant l'urgence de la situation, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer quelles mesures vous comptez prendre pour mettre un terme à cette injustice sociale majeure.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen,ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, votre question me donne l'occasion de réaffirmer les engagements sans faille du Gouvernement en faveur de la justice sociale, de la reconnaissance des efforts individuels, de l'amélioration de l'accompagnement vers et dans l'emploi de tous nos concitoyens qui en ont besoin ou qui en font la demande.

Ces engagements, le Gouvernement a tenu à les mettre en acte, d'abord en adoptant lors d'un comité interministériel de lutte contre les exclusions, réuni en janvier 2013 pour la première fois depuis 2006, un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, qui organise la revalorisation de 10 % du RSA socle en cinq ans. Même si l'on peut toujours considérer que c'est insuffisant, cet engagement financier important, tenu depuis, porte aujourd'hui le montant du RSA socle à près de 510 euros par mois pour une personne seule et sans autres ressources.

Ensuite, le Gouvernement a élargi les conditions d'éligibilité à l'allocation transitoire de solidarité, que vous avez jugées trop restrictives à l'origine. Cet élargissement a été mis en œuvre par un décret du 4 mars 2013 et a permis de corriger un certain nombre d'injustices provoquées par la réforme des retraites décidée en 2010 par la précédente majorité.

Vous évoquez à cet égard, monsieur le sénateur, l'exclusion d'une grande majorité des chômeurs âgés du bénéfice de l'ATS et, en creux, un reniement par la majorité actuelle des combats qu'elle menait dans l'opposition. Or, attentive à la correction réelle des injustices de la réforme de 2010, cette majorité a fait inscrire dans la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites qu'un rapport sur la situation des générations de 1952 et de 1953 sera remis au Parlement.

Ce rapport sera rendu cette semaine. Il montre, en toute transparence, que l'élargissement du champ du décret du 4 mars 2013 a effectivement permis à la quasi-totalité des chômeurs nés en 1952 ou en 1953 et pouvant prétendre à l'ATS de bénéficier de celle-ci. On dénombre 907 personnes qui, à la suite de la perception de l'allocation de solidarité spécifique, et donc de la validation des trimestres qu'elle permet, auraient pu obtenir l'ATS si les trimestres validés au titre de l'ASS avaient été pris en compte. À la fin de l'année 2014, toutes ces personnes pourront faire valoir leurs droits à la retraite, car elles auront atteint l'âge légal de départ.

Chaque situation individuelle compte, je n'en disconviens pas. Quand des difficultés particulières ont été repérées ou signalées, les services de l'État, en lien avec tous les acteurs locaux pertinents, ont chaque fois cherché des solutions et proposé des conseils.

Enfin, le Président de la République a confirmé, lors de la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet derniers, la priorité donnée à l'emploi des plus de 50 ans et à la lutte contre le chômage de longue durée, qui touche en premier lieu les séniors.

Cela passe par des mesures favorisant le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée, notamment en ciblant prioritairement sur ce public les contrats aidés dans le secteur marchand - les contrats de professionnalisation, par exemple -, ainsi que les 100 000 formations prioritaires de Pôle emploi.

Cela passe également par le maintien dans l'emploi des salariés au-delà de 45 ans. Nous devons en effet lutter contre une certaine forme de discrimination, consciente ou non, et inciter davantage à embaucher et à conserver des salariés expérimentés. En 2015, la prime du contrat de génération sera doublée en cas d'embauche simultanée d'un jeune et d'un sénior.

Monsieur le sénateur, les engagements, la volonté et l'action du Gouvernement en faveur de la justice sociale sont intacts. L'emploi reste le meilleur rempart contre les difficultés financières et la précarité. Mon combat, celui du Gouvernement, celui des partenaires sociaux gestionnaires de l'assurance chômage, est de créer les conditions de l'emploi, de restaurer l'employabilité des personnes à travers leur formation et l'accompagnement de leurs projets et de sécuriser des parcours parfois heurtés. La comparaison entre le taux de pauvreté des chômeurs français et celui des chômeurs allemands est défavorable à l'Allemagne.

Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Votre réponse, monsieur le ministre, n'apporte malheureusement aucun élément nouveau véritablement susceptible d'apporter une solution humaine à des dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui ont travaillé toute leur vie et se sentent aujourd'hui oubliés, relégués.

Vous avez évoqué l'augmentation du RSA socle, mais celui-ci ne s'élève aujourd'hui qu'à environ 500 euros par mois. Je le répète, il s'agit ici de gens qui ont longtemps travaillé et vécu dignement. Ils ont droit, me semble-t-il, à une retraite ou à un traitement équitable qui leur permette de sortir de la pauvreté.

Il est vrai que le Gouvernement avait renvoyé l'examen de cette question au rapport au Parlement sur le nouveau dispositif de retraites. Je pense que nous aurons l'occasion, lors du débat qui suivra la remise de ce rapport, d'y revenir.

Je pense aussi à ces anciens salariés nés entre 1954 et 1957, qui se retrouvent dans la même situation que ceux nés entre 1951 et 1953, mais qui ne peuvent, eux, bénéficier de l'ATS.

Ces salariés qui ont travaillé dur, qui ont cotisé toute leur vie, parfois plus de quarante années, sont en colère, car ils sont victimes d'une double peine : la suppression de l'AER, qui les a frappés directement et que ne compense pas ce que vous annoncez, et le recul de l'âge de la retraite.

Un pays aussi riche que la France, qui sait dégager des dizaines de milliards d'euros pour exonérer de cotisations sociales les entreprises, en premier lieu celles du CAC 40, devrait être capable de supporter une dépense de 800 millions d'euros afin d'assurer un revenu décent à ceux qui ont fait cette richesse.

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