Question de M. de LEGGE Dominique (Ille-et-Vilaine - UMP) publiée le 11/09/2014

M. Dominique de Legge attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les difficultés que pose l'application du plan de prévention des risques de submersion marine (PPRSM), issu des enseignements tirés de la tempête « Xynthia » survenue sur la côte vendéenne en 2010, pour les communes situées en baie du Mont-Saint-Michel. En effet, les nouvelles réglementations, qui ne tiennent pas compte des réalités du terrain de la baie, très différentes de celles de la côte atlantique, s'avèrent aussi inadaptées que pénalisantes. Toutes les études font apparaître que l'envasement progressif de la baie, par ailleurs protégée de la hausse des eaux par les pointes naturelles du Grouin ou de Cancale, prévient tout risque de submersion, les vagues maximales ne pouvant dépasser un mètre de hauteur ni atteindre la digue. Par ailleurs, les vents dominants de Nord-Ouest qui soufflent dans la baie, ne sauraient se comparer à ceux qui ont dévasté la côte vendéenne. Il demande pourquoi, dans ces conditions, imposer à ces communes et à leurs habitants des contraintes aussi drastiques que l'interdiction pure et simple de construire en zone d'aléa fort, ou la très pesante mise aux normes de l'habitat ancien, à la charge des particuliers. Il demande, par exemple, comment l'obligation de supprimer les chambres à coucher situées en rez-de-chaussée pourra s'appliquer aux maisons sans étage. L'État ne semble pas avoir mesuré les conséquences dévastatrices déjà perceptibles sur la démographie, au déclin et au vieillissement inéluctables, et sur l'activité économique, désormais bloquée, de ces communes. Il souligne donc le manque de pertinence de la référence « Xynthia » appliquée ainsi uniformément à l'ensemble du littoral français et lui demande de lui indiquer les mesures qu'elle entend prendre pour adapter les prescriptions de sécurité aux spécificités géographiques et climatiques de la baie.

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Réponse du Ministère de la décentralisation et de la fonction publique publiée le 15/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2014

M. Dominique de Legge. Madame le ministre, la tempête Xynthia a été une tragédie. Les enseignements de ce drame, tout à la fois sur ses causes, l'alerte et le fonctionnement des secours, doivent sans conteste servir à l'élaboration des plans de prévention des risques de submersion marine. J'ai pu le constater moi-même en participant à la mission commune d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia.

Pour autant, une application uniforme de ces enseignements qui ferait fi des particularismes locaux conduirait à deux écueils, tant le littoral méditerranéen est différent de ceux de l'Atlantique ou de la Manche : d'une part, imposer des contraintes et prescriptions injustifiées et inutiles ; d'autre part, s'exposer à ne pas couvrir des risques liés à des situations particulières.

Le plan de prévention des risques de submersion marine de la baie du Mont-Saint-Michel est l'illustration de cette situation : toutes les études font apparaître que les vents dominants sont d'Ouest, mais, à la différence de ce que nous avons connu avec Xynthia, le site est protégé par les pointes du Grouin et de Cancale ; de plus, la hauteur de l'eau dans la baie ne dépasse pas le mètre et le désensablement du Mont-Saint-Michel conduit mécaniquement à l'ensablement de la baie, mettant d'ailleurs en péril l'activité conchylicole ; enfin, le fonctionnement de la digue et le réseau des canaux en aval ne peuvent être assimilés à ce que l'on observe sur la côte atlantique.

Une application stricte du plan de prévention des risques de submersion marine en l'état conduit à quelques aberrations, une prescription allant jusqu'à demander la suppression des chambres à coucher en rez-de-chaussée, ce qui est assez difficile pour des maisons sans étage ! Et si par hasard un propriétaire envisage de surélever sa maison, il tombe alors sous le coup de la loi Littoral ou se heurte aux architectes des Bâtiments de France, ce qui laisse peu de solutions.

C'est pourquoi, me faisant le porte-parole des nombreux élus qui m'ont alerté sur le risque que ferait courir à leur territoire, tant sur le plan économique que sur le plan social, une application uniforme et sans discernement de plans de prévention, je vous prie de bien vouloir m'indiquer quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour adapter les prescriptions nationales aux spécificités géographiques de la baie du Mont-Saint-Michel, afin de protéger les populations tout en garantissant le maintien d'une activité sociale et économique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu,ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur de Legge, je vous remercie de votre question, qui met en exergue les difficultés que rencontrent certaines communes de la baie du Mont-Saint-Michel dans l'application des plans de prévention des risques de submersion marine. L'université de Rennes a travaillé sur ce sujet et il pourrait être intéressant de se référer à ces travaux.

La baie du Mont-Saint-Michel est un site remarquable, auquel l'État et les collectivités territoriales ont consacré des efforts extrêmement importants. Pour autant, comme d'autres sites littoraux, il est exposé au risque de submersion marine, et les caractéristiques mêmes de la géographie de la baie ne garantissent pas l'atténuation de ce risque en toutes circonstances.

De surcroît, aucun ouvrage de protection ne peut être considéré comme totalement infaillible, quelles que soient ses caractéristiques et sa résistance présumée. C'est ainsi que les territoires les plus bas, situés au sud de la baie, ont été inclus dans une zone à risque important d'inondation, faisant partie de la liste arrêtée le 26 novembre 2012 par le préfet coordonnateur de bassin Loire-Bretagne.

Par ailleurs, Mme Royal tient à souligner que la tempête Xynthia ne représente pas - nous partageons votre analyse sur ce point - un élément de référence uniforme présidant à l'établissement de ces plans. C'est bien l'adaptation au contexte local qui est recherchée lors de leur élaboration, notamment par le choix de l'événement de référence - avec une période de retour de 100 ans - ou de l'événement historique, si sa période de retour est plus importante.

En matière de mise aux normes de l'habitat ancien, la survenue de phénomènes rapides, tels que les submersions, peut nécessiter de mettre en place une zone refuge dans l'habitation, susceptible de protéger ses occupants en cas de montée des eaux.

Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs permet d'accompagner les particuliers dans ce type de démarches d'aménagement à hauteur de 40 %, les collectivités pouvant bien entendu apporter également leur concours. Suite à votre intervention, monsieur le sénateur, nous reverrons de plus près le cas de ceux qui sont concernés par la loi Littoral ou d'autres types de prescriptions.

Mme Royal a conscience que l'effort demandé est ambitieux. Il convient néanmoins de garder à l'esprit que ces plans n'ont qu'un seul objectif fondamental, celui d'accroître la protection des populations littorales.

En ce sens, le territoire en question vient d'être retenu au titre de l'atelier national des « territoires en mutation exposés aux risques » pour 2015, conduit en lien avec le ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité afin d'assurer la nécessaire conjugaison entre projets de développement et prise en compte des risques. Vous pourriez d'ailleurs fort opportunément être associé à ce travail, qui va permettre de délimiter les zones où se rencontrent les impossibilités que vous avez relevées.

La coopération de l'ensemble des collectivités territoriales concernées à des échelles cohérentes est donc indispensable pour assurer à terme la sécurité de nos concitoyens sur ces territoires exposés à des risques importants. C'est à cette fin qu'a été créée la compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, confiée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, compétents par ailleurs en matière d'aménagement. En outre, l'organisation mise en place par les collectivités locales pour entretenir et surveiller les digues constitue également un élément clé. Il est donc possible, à l'échelle de l'intercommunalité, de mieux se protéger.

J'ajouterai que le procès qui se déroule en ce moment montre dans quelles difficultés peuvent se trouver placés les maires. Il nous incite à faire preuve de beaucoup de prudence en matière de dérogations. Lorsqu'une catastrophe survient, les maires sont en première ligne. Nous devons les accompagner non seulement pour protéger leur population, mais aussi pour les protéger eux-mêmes contre des recours judiciaires dont les conséquences, en sus du préjudice personnel subi, peuvent être très lourdes pour la collectivité.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre.

Je crois que la liste des communes concernées ne pose pas de problème et qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

Toutefois, la réponse que vous avez faite soulève une difficulté : tant le préfet que les élus demandent non pas une dérogation, mais une adaptation. Je suis quelque peu inquiet de vous entendre nous renvoyer à des ateliers dont je n'ai pas bien compris quel était leur objectif et qui pourraient se tenir en 2015 : le traitement du problème risque d'être encore durablement ajourné, alors que la situation est figée depuis maintenant deux ou trois ans.

Le préfet avait demandé une adaptation. La réponse du ministère, qui est arrivée il y a quelques jours, est une fin de non-recevoir. J'entends, dans votre réponse, qu'il y a peut-être une ouverture. Je voudrais me faire auprès de vous, madame le ministre, l'interprète des maires et relayer la demande de mes collègues Gilles Lurton et Thierry Benoit que Mme Royal se rende en personne sur place ; je sais qu'elle n'y était pas hostile et que le principe d'une telle visite avait été entériné.

Je vous prie de bien vouloir lui transmettre notre demande renouvelée, de telle sorte qu'elle puisse, dans l'esprit de dialogue que vous venez d'évoquer, se rendre compte par elle-même de la réalité des situations et entendre les arguments des acteurs économiques et des élus. Il importe de débloquer rapidement la situation. (Mme la ministre acquiesce.)

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