Question de M. NÈGRE Louis (Alpes-Maritimes - UMP) publiée le 17/07/2014
M. Louis Nègre attire l'attention de Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires sur les effets particulièrement néfastes de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) sur notre économie et notre environnement.
Cette loi déstabilise l'immobilier neuf. Aucune amélioration du marché n'est observée. Pire : les nouvelles mesures le bloquent davantage.
Pour les professionnels de l'immobilier mais aussi pour les acheteurs et vendeurs, cette loi a des effets désastreux car les transactions sont sensiblement ralenties, en raison notamment de la multiplication des documents à fournir lors d'une vente.
En effet, on impose au vendeur de transmettre à l'acquéreur des documents aussi nombreux que volumineux, qui, par ailleurs, ne seront vraisemblablement pas lus par l'acquéreur mais auront, par contre, un coût important pour le vendeur. Par exemple : pour la vente d'un studio dans la ville de Cagnes-sur-Mer, le dossier adressé à l'acquéreur pesait 6,8 kg pour une épaisseur de documents de quinze centimètres. Pour une autre transaction, le notaire a dû envoyer un colis de 11,4 kilogrammes.
Il est fort peu probable que l'acquéreur lise une telle masse de documents. Ce n'est pas précisément le choc de simplification annoncé par le président de la République mais l'inverse.
Pour informer le client, il faudrait, au contraire, lui adresser un texte clair et compréhensif et non, comme la loi « ALUR » l'impose, le noyer sous un amoncellement de papiers, sans compter que cette loi aura un effet collatéral d'aggravation de la déforestation.
Cette multiplication des documents à fournir freine considérablement les transactions immobilières. Certains syndics mettent ainsi plusieurs semaines à transmettre les informations, ce qui bloque les reventes et, par voie de conséquence, les acquisitions de biens neufs, lorsque les vendeurs, par exemple, attendent de se séparer de leur logement ancien pour acheter dans le neuf.
De plus, la suppression du coefficient d'occupation des sols (COS) ou celle des surfaces minimales, présentées par le Gouvernement comme des mesures de simplification et d'accélération de la production de logements, aboutit également au résultat inverse.
En effet, cette disposition d'application immédiate entraîne des conséquences financières lourdes, mal évaluées à ce jour, sur les budgets communaux, ne serait-ce que par la nécessité d'accompagner toute densification par la création des réseaux indispensables et d'une voirie adéquate au bon fonctionnement de cette urbanisation nouvelle.
Ainsi, certaines communes se sont-elles vues contraintes de mettre en révision leurs documents d'urbanisme (PLU) pour se donner le temps d'analyser les impacts dus à cette loi.
Mais, à son tour, cette révision légitime ralentit ou reporte malheureusement, à plus tard, la sortie des autorisations de construire.
Il souhaite donc savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de simplifier réellement les procédures des transactions immobilières et quand il entend suspendre ou supprimer les dispositions les plus néfastes de la loi « ALUR » dans l'intérêt de nos concitoyens, de l'économie de la construction et par voie de conséquence de la sauvegarde de l'emploi.
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Réponse du Ministère du logement et de l'égalité des territoires publiée le 23/07/2014
Réponse apportée en séance publique le 22/07/2014
M. Louis Nègre. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur des effets particulièrement néfastes de la loi ALUR pour notre économie et notre environnement.
Cette loi déstabilise de fait le secteur de l'immobilier neuf : aucune amélioration du marché n'est observée ; pis, les nouvelles mesures le bloquent davantage. Cette loi a des effets désastreux, car les transactions sont sensiblement ralenties, en raison notamment de la multiplication des documents à fournir lors d'une vente.
Par exemple, pour la vente d'un simple studio dans ma ville de Cagnes-sur-Mer, le dossier adressé à l'acquéreur pesait 6,8 kilogrammes, pour une épaisseur de documents de quinze centimètres. Je vous ai apporté ce dossier, madame la ministre, pour que vous constatiez de vous-même l'absurdité de la situation.(L'orateur soulève un dossier volumineux à l'appui de son propos.) Pour une autre transaction, toujours dans ma ville, le notaire a dû envoyer un colis de 11 kilogrammes. Il est fort peu probable que l'acquéreur lise cette masse de documents.
Cette situation ne traduit pas précisément le choc de simplification annoncé par le Président de la République, mais plutôt un choc inverse - sans compter que cette loi aura un effet collatéral d'aggravation de la déforestation !
La multiplication des documents à fournir, outre le surcoût significatif indiqué par ma collègue Catherine Procaccia, freine considérablement les transactions immobilières. Certains syndics mettent ainsi plusieurs semaines à transmettre ces informations, ce qui bloque les reventes. Par effet domino, il en va de même pour les acquisitions de biens neufs, par exemple.
De plus, la suppression du coefficient d'occupation des sols, le COS, ou celle des surfaces minimales, présentées par le Gouvernement comme des mesures de simplification et d'accélération de la production de logements, aboutissent également au résultat inverse.
En effet, ces dispositions d'application immédiate entraînent des conséquences environnementales et financières lourdes, mal évaluées à ce jour, notamment pour les budgets communaux. Il est indispensable d'accompagner toute densification par la création des réseaux nécessaires et d'une voirie adéquate ; il faut surtout en trouver le financement, au moment même où le Gouvernement diminue fortement ses dotations aux collectivités locales. Ainsi certaines communes ont-elles été contraintes de mettre en révision leurs documents d'urbanisme pour se donner le temps d'analyser les conséquences de l'application de cette loi.
Je souhaite donc savoir, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de simplifier réellement les procédures des transactions immobilières. Quand entend-il suspendre ou supprimer les dispositions les plus néfastes de la loi ALUR, dans l'intérêt de nos concitoyens, de l'économie de la construction et, par voie de conséquence, de la sauvegarde de l'emploi ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel,ministre du logement et de l'égalité des territoires. Monsieur le sénateur, il est tout à fait contestable de dire que la loi ALUR est à l'origine de tous les maux dont souffre le secteur du logement. La crise n'a en effet pas attendu les quelques mesures d'application immédiate de cette loi pour faire sentir ses effets dans le domaine du logement ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé, le 25 juin dernier, un certain nombre de mesures visant à relancer le secteur de la construction et à permettre l'accès au logement.
Je dirai, pour répondre précisément au point que vous avez évoqué dans votre question, que certaines dispositions de la loi ALUR relatives aux transactions immobilières rencontrent, dans leur application, des difficultés de mise en uvre qui sont soulignées par les professionnels de l'immobilier, les notaires, mais aussi par les élus locaux, comme vous venez de le faire.
Ainsi, l'obligation faite par la loi ALUR d'annexer à toute promesse de vente une dizaine de documents pose un certain nombre de problèmes pratiques d'application et retarde les ventes. Il n'en demeure pas moins que son objectif louable d'information complète de l'acquéreur d'un bien doit être maintenu.
Cependant, comme vous l'avez dit, les professionnels peinent parfois à réunir toutes ces pièces. Le Gouvernement a pris la mesure de ces difficultés. Depuis ma prise de fonctions, j'ai ainsi souhaité trouver des solutions pour répondre aux sollicitations des professionnels. Sans dénaturer les principes de la loi, le Gouvernement propose donc de préciser et de clarifier ses dispositions dans le cadre du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises.
À titre d'exemple, nous entendons sécuriser juridiquement la notification des informations par voie dématérialisée afin d'éviter les lourdeurs d'envoi de dossiers en colis recommandé. Nous allons également mettre à l'étude un allégement des modalités d'annexion de certains documents ou la possibilité de différer cette obligation afin de donner le temps aux professionnels de s'organiser
Concernant le coefficient d'occupation des sols, ou COS, et la taille minimale des terrains, la loi ALUR a procédé à leur suppression en raison du détournement de ces outils trop souvent utilisés pour limiter a priori les droits à construire et la mixité sociale dans certaines communes sans s'appuyer sur une véritable analyse et sur l'expression d'objectifs de qualité urbaine.
Cette évolution répond aux objectifs de simplification et d'accélération des projets de construction. La suppression du COS pose les problèmes que vous évoquez essentiellement dans les communes qui ont choisi de conserver le principe des anciennes zones NB présentes dans les plans d'occupation des sols en les classant simplement en zone U lors de la transformation du plan d'occupation des sols, ou POS, en plan local d'urbanisme, ou PLU. Ces zones contribuent à miter et à banaliser les paysages remarquables du sud-est de la France, sans constituer pour autant une réponse satisfaisante aux besoins en logements.
Les élus concernés par cette situation doivent donc, en premier lieu, s'attacher au plus vite à régler au fond la question de ces ex-zones NB et à se doter d'un PLU répondant aux exigences de la loi, comme aux impératifs d'une gestion économe des sols respectueuse de la qualité de l'environnement et des paysages.
Toutefois, le temps que les procédures arrivent à terme, les élus peuvent, lorsque les projets sont vraiment contraires aux grands enjeux de protection du cadre paysager et de limitation de l'étalement urbain, faire valoir les articles du règlement national d'urbanisme, que vous connaissez et qui sont d'ordre public, pour les refuser au nom de motifs, entre autres, d'atteinte à l'intérêt des sites et des paysages, de sécurité publique au regard des risques d'incendie, notamment dans votre région, ou de sous-équipement de la zone.
Monsieur le sénateur, comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est soucieux, par ces mesures de simplification que nous prenons par ordonnances, de permettre la relance de la construction et l'accès au logement de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions, qui étaient bien nécessaires.
Je saluerai, dans un premier temps, le bel euphémisme qui consiste à me dire, comme vous venez de le faire, que certaines dispositions de la loi ALUR rencontrent des difficultés ! En tout cas, il est important - et honnête ! - que le Gouvernement reconnaisse que certaines dispositions de cette loi ont bel et bien entraîné des difficultés. J'en prends acte. Il est en effet important de reconnaître ses erreurs.
Certes, il aurait mieux valu faire en sorte d'éviter les erreurs. Toutefois, si l'on arrive à faire un rétropédalage et à dégager une certaine simplification- conformément, d'ailleurs, à la demande du Président de la République -, ce sera une bonne chose.
Le Gouvernement propose de préciser, de clarifier et de simplifier, avez-vous dit, madame la ministre. Que Dieu vous entende ! Nous sommes, quant à nous, plutôt enclins à la réserve, à la prudence, voire à la méfiance par rapport à ce que nous voyons sortir. Un résultat dont on se dit que ceux qui ont conçu le texte ne l'avaient à aucun moment imaginé !
C'est la raison pour laquelle les élus doivent être associés à un certain nombre de dispositions ayant une incidence directe sur nos concitoyens
J'en viens au COS et à la taille minimale des terrains. Vous parlez de détournement, soit ! Ce que je vois, pour ma part, c'est qu'il va y avoir un impact, alors que cela n'a pas été négocié et pas discuté. Si certains jouent un jeu un peu particulier, il serait bon que l'État se donne les moyens de gérer ces cas plutôt que de mettre tout le monde sous la même toise, au risque de produire des effets négatifs qui vont- vous ne manquerez pas de le voir - aller à l'encontre du résultat recherché.
Une intervention générale sur l'ensemble des collectivités, telle que vous la pratiquez, a des effets environnementaux non négligeables. Elle a également des conséquences budgétaires considérables sur le budget des communes. En effet, décider de densifier, c'est obliger à terme les collectivités à refaire les réseaux, à ajouter l'éclairage, à intervenir sur les collines ou vallons que nous avons dans le Midi, par exemple. Or le total de ces interventions, au moment même où le Gouvernement diminue les dotations allouées aux collectivités locales, est impossible à assumer par ces dernières ! Nous sommes donc devant une incohérence de fond que je tenais à souligner et qui produira l'inverse du résultat recherché.
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