Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 18/07/2014
Question posée en séance publique le 17/07/2014
M. Jacques Mézard. Monsieur le Premier ministre, les territoires ruraux sont de plus en plus déshabillés. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Le 13 décembre 2012, le Sénat a adopté, à l'unanimité et avec le soutien du Gouvernement, la proposition de résolution du RDSE relative au développement par l'État d'une politique d'égalité des territoires, laquelle vise à lutter contre la fracture territoriale qui s'agrandit entre les territoires les plus riches, qu'ils soient urbains ou ruraux, et les territoires les plus fragiles.
Le groupe RDSE est particulièrement sensible à cette question. Majoritairement issus de départements ruraux, nous sommes fiers d'exercer encore une fonction exécutive locale et nous sommes proches du terrain. (Bravo ! sur plusieurs travées de l'UMP.) Alors que 5 % de la population vit sur 20 % du territoire, le sentiment d'abandon y est de plus en plus présent parmi les habitants : suppression de services publics, surfiscalité des villes moyennes, aspiration de la substance économique par les métropoles régionales, suppression de l'ATESAT l'assistance technique de l'État pour la solidarité et l'aménagement du territoire , de l'instruction des permis de construire par les services de l'État, suppression, parfois, de gendarmeries et de sous-préfectures, destruction du financement de l'AFITF l'Agence de financement des infrastructures de transport de France en raison du renoncement à l'écotaxe... Ce sentiment n'est pas apparu lors du présent quinquennat, il est beaucoup plus profond et ancien.
Vous annoncez le renforcement de l'État dans ces territoires, monsieur le Premier ministre, mais par quels moyens concrets ?
M. Philippe Dallier. Ah ! ça
M. Jacques Mézard. Cette France est inquiète. Elle n'a pas peur du changement, elle y aspire, à condition qu'il signifie désenclavement, accès à la santé, à l'éducation et à l'emploi.
Vous le savez, vous le sentez, il faut prendre des initiatives. Nous voulons non pas des discours, mais du concret !
Vous venez d'annoncer la tenue à l'automne d'assises de la ruralité. Est-ce la concertation après la réforme territoriale ou le remède à certains effets pervers de cette réforme ? (M. Jackie Pierre applaudit.)
Est-il besoin d'assises du type des états généraux de la démocratie territoriale sans résultat concret ?
Le constat, nous le connaissons tous : nous avons besoin de décisions.
Quelles sont vos véritables intentions ?
M. Francis Delattre. Voilà !
M. Jacques Mézard. Allez-vous corriger les effets négatifs de ce projet, à savoir l'éloignement du siège des métropoles régionales et la sous-représentation des départements ruraux ?
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Allez-vous soutenir l'amendement du RDSE, voté au Sénat à la quasi-unanimité, visant à garantir cinq élus régionaux par département, un véritable droit d'option pour les départements ? Allez-vous garantir dans ces départements l'existence d'une collectivité de proximité non dévitalisée, monsieur le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale, qu'elle s'appelle conseil général ou autrement ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 18/07/2014
Réponse apportée en séance publique le 17/07/2014
M. Manuel Valls,Premier ministre. Monsieur Mézard, je l'ai déjà dit à Mme Escoffier voilà deux semaines, je vous le redis aujourd'hui, c'est une conviction profonde : la réforme territoriale et ses différentes étapes ne se feront pas contre les territoires ruraux.(Exclamations sur quelques travées de l'UMP.) Oui, l'échelon départemental est très important dans ces territoires, et nous devons imaginer ensemble ce que sera le département demain.
Je pense que l'on peut bâtir, progressivement, d'ailleurs, une organisation territoriale de notre pays avec de grandes régions.
Monsieur Mézard, permettez-moi toutefois de vous le dire, pour que nous puissions accepter vos amendements, encore faudrait-il que le Sénat adopte un texte !(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Quoi qu'il en soit, le projet de loi sera adopté à l'Assemblée nationale dans les heures qui viennent.
De grandes agglomérations sont nécessaires, cela a été porté avec force par mon prédécesseur, ainsi que des intercommunalités tenant compte de la réalité de nos territoires et des bassins de vie, et une présence de l'État.
Vous l'avez souligné, il y a eu un retrait de l'État et des services publics, quels qu'ils soient, depuis des années. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire aux préfets ce matin, que j'ai retrouvés avec plaisir Place Beauvau, et de leur rappeler que l'échelon départemental est tout à fait essentiel pour l'État,...
M. Philippe Marini. Pour la démocratie aussi !
M. Manuel Valls,Premier ministre. ... mais aussi pour les collectivités. J'ai reconnu M. Marini, expert dans le domaine.
M. Philippe Marini. Nous sommes tous experts dans les départements !
M. Manuel Valls,Premier ministre. Vous êtes en campagne, monsieur Marini !(M. Philippe Marini fait un signe de dénégation. - Exclamations amusées.)
La réforme territoriale, c'est une ambition nouvelle pour la ruralité. Les contrats de plan État-région seront au service de cette ambition. Des régions plus fortes, des contrats pour construire l'avenir : ce sont autant d'outils pour sortir de l'opposition stérile entre la France des métropoles et la France rurale - où, pourtant, beaucoup de nos concitoyens ont le sentiment d'abandon que vous avez parfaitement exprimé, monsieur Mézard.
La ruralité, ce ne sont pas que les institutions. Ce sont les territoires divers, qui sont durement touchés par la crise. Ce sont les habitants qui vivent des réalités différentes, mais qui partagent tous une peur commune, celle de la relégation, du déclassement, de l'abandon de la puissance publique.
Il faut prendre en compte la diversité du monde rural et les problèmes de l'hyper-ruralité, concept cher à votre collègue Alain Bertrand. Les problèmes du monde rural ne sont pas les mêmes que ceux qui se posent dans les zones périurbaines ou en zone de montagne. La ruralité, ce sont des défis transversaux, auxquels l'État a le devoir de répondre. Ce sera l'objectif des Assises de la ruralité. Les territoires ruraux doivent être au cur de notre projet national. Je veux que le Parlement, en particulier bien sûr votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, soit très étroitement associé à la préparation de ces assises.
Les territoires ruraux refusent d'être mis à l'écart. L'État et les services publics doivent y affirmer leur présence et, ici, l'échelon départemental conserve toute sa pertinence. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la réforme territoriale qui sera portée par Marylise Lebranchu et par André Vallini tiendra compte de la spécificité de ces territoires, y compris en ce qui concerne l'évolution des conseils généraux.
En tout cas, nous devons créer les conditions d'un acte fondateur, pour renouveler la présence de l'État, pour reconstruire les liens entre les villes et les campagnes et pour donner aux territoires ruraux les moyens de leur propre développement.
À cet égard, je connais l'attachement de votre assemblée à ces territoires, ainsi que la qualité des travaux qui ont été menés par les sénateurs. Il est indispensable que les Assises en tiennent compte. Elles permettront en tout cas de redéfinir la feuille de route et de répondre non seulement à l'attente des élus, mais aussi aux attentes de nos concitoyens. Vous pouvez compter sur mon engagement absolu et total pour la réussite, cet automne, de ce moment important pour les territoires ruraux et donc, tout simplement, pour l'identité de notre pays.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - MM. André Gattolin et François Fortassin applaudissent également.)
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