Question de M. LENOIR Jean-Claude (Orne - UMP) publiée le 05/06/2014
M. Jean-Claude Lenoir attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les dispositions de la circulaire qui a été adressée dans les communes, à l'occasion de l'élection européenne du 25 mai 2014, concernant les bulletins blancs. Cette circulaire dispose que « pour être considérés comme bulletins blancs, les bulletins papier devront respecter le format et le grammage imposés par l'article R. 30 du code électoral, c'est-à-dire avoir un grammage identique à ceux des autres bulletins de vote compris entre 60 et 80 grammes au mètre carré et être d'un format 148 mm/210 mm (format A5) ».
Les caractéristiques de format et de grammage très restrictives exigées à travers cette circulaire ne figurent pas dans le texte de la loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections et vont même à l'encontre de l'esprit de la loi, tel qu'il ressort des débats qui se sont déroulés au Sénat. Elles soulèvent, en outre, une double difficulté d'application. Difficulté, d'une part, pour les électeurs désireux de voter blanc qui, faute d'avoir été informés de ces caractéristiques, auront pu voir leur bulletin blanc considéré comme nul. Difficulté, d'autre part, pour les responsables des bureaux de vote chargés d'apprécier le respect de ces caractéristiques. Il souhaiterait, en conséquence, connaître son sentiment sur cette situation.
Il l'interroge, en outre, sur les dispositions qui pourraient être envisagées pour améliorer l'information des électeurs souhaitant voter blanc et pour leur permettre de le faire sans risque de voir leur bulletin blanc considéré comme nul.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie publiée le 23/07/2014
Réponse apportée en séance publique le 22/07/2014
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Ce vieil adage, très français, est toujours d'actualité, même si le Gouvernement défend aujourd'hui devant l'Assemblée nationale un texte visant à simplifier la vie des entreprises.
Pour ma part, j'évoquerai la vie des citoyens qui souhaitent voter blanc lors d'une élection. Cette vieille revendication a été reprise par le Parlement, qui a adopté la loi du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections. Cette loi, très simple, prévoit que le vote blanc est admis et que les bulletins blancs sont décomptés séparément des votes nuls.
C'était compter sans la vigilance de l'administration, qui a envoyé à toutes les mairies une circulaire dont je vais vous donner lecture, partiellement, car elle compte en fait plusieurs pages, et ce pour commenter les deux lignes de la loi que nous avons votée !
« Pour être considérés comme bulletins blancs, les bulletins papier devront respecter le format et le grammage imposés par l'article R. 30 du code électoral, c'est-à-dire avoir un grammage identique à ceux des autres bulletins de vote compris entre 60 et 80 grammes au mètre carré et être d'un format de 148 mm/210 mm (format A5).
« Les bulletins vierges ne respectant pas ces conditions seront considérés comme nuls. » Telle est la punition pour ceux qui pensaient pouvoir voter blanc !
« Seront de même comptés comme nuls, les bulletins vierges sur un papier d'une autre couleur que blanc, ce qui comprend notamment les bulletins gris ou beige ou les bulletins sur un papier avec des lignes ou des quadrillages. »
Des citoyens ayant voté blanc, comme ils l'entendaient et en toute bonne foi, ont été surpris au moment du dépouillement de constater que leurs bulletins avaient été classés dans la catégorie des votes nuls. Les scrutateurs qui procédaient au dépouillement ont quant à eux été extrêmement embarrassés d'avoir à appliquer cette circulaire, car il fallait peser et mesurer les bulletins pour vérifier s'ils étaient blancs ou nuls !
Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement est-il disposé à tenir compte du vote du Parlement et à ne pas surcharger la loi avec des circulaires franchement inapplicables et frisant le ridicule ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, en effet, à la suite de l'adoption de la loi du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections, les bulletins blancs sont désormais exclus du champ des bulletins nuls. Ils sont à présent décomptés séparément et annexés au procès-verbal.
Les bulletins blancs sont mentionnés dans les résultats du scrutin mais ne sont toutefois pas pris en compte dans la détermination des suffrages exprimés.
Aux termes de l'article L. 65 du code électoral, sont considérés comme bulletins blancs non seulement les bulletins vierges sur papier blanc, exempts de toute marque, mais également les enveloppes vides ne contenant aucun bulletin.
Sa mise en uvre immédiate, dès les élections européennes du 25 mai 2014 et peu après les élections municipales et communautaires, n'a pas donné lieu, lors de la diffusion de la circulaire aux communes, à des règles précises d'application. En effet, au regard de la nouveauté du dispositif et compte tenu de l'absence de jurisprudence en la matière, la circulaire adressée aux communes s'est bornée à rappeler les conséquences issues de la loi du 21 février 2014, soit un décompte à part des bulletins vierges sur papier blanc mais également des enveloppes vides ne contenant aucun bulletin.
La Commission nationale de recensement général des votes pour l'élection des représentants au Parlement européen vient quant à elle de préciser dans sa décision de proclamation des résultats publiée au Journal officiel du 1er juin 2014 que, en l'absence de toute disposition réglementaire spécifique ou de renvoi à l'article R. 30 du code électoral définissant les règles applicables aux bulletins « imprimés », il n'y a pas lieu d'exiger que les bulletins blancs respectent les prescriptions de l'article R. 30 en matière de format et de grammage.
Par ailleurs, dans la mesure où l'électeur peut voter blanc par une enveloppe vide, il n'est en aucun cas imposé aux communes de mettre des bulletins vierges à disposition des électeurs dans les bureaux de vote.
Ainsi, monsieur le sénateur, à partir d'une loi qui pouvait sembler complexe, le Gouvernement a su donner des instructions simples : enveloppe vide ou bulletin blanc !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir.J'apprécie votre sens de l'humour, madame la secrétaire d'État : vous affirmez que le Gouvernement a donné des instructions simples à partir d'un texte qui ne l'était pas nécessairement.
La lecture que j'ai faite de la circulaire montre au contraire que l'administration et le Gouvernement ont été très loin dans la complexité pour appliquer la loi simple que nous avions votée.
En ce qui concerne les enveloppes vides, je me permets de souligner que ce n'est pas une façon pour un électeur de protéger son vote. Quiconque tient un bureau de vote sait si une enveloppe est vide ou pleine, sans même avoir à toucher l'enveloppe. Vous ne respectez donc pas le secret du vote ! Selon moi, cette remarque ne correspond absolument pas à ce que l'on peut observer dans les bureaux de vote.
J'appartiens à la commission pour le contrôle de l'application des lois et je ne cesse de dénoncer la façon dont nos lois sont rendues complexes par des décrets d'application, par des arrêtés, mais aussi, et j'en apporte régulièrement la démonstration, par des circulaires qui constituent finalement la base sur laquelle un certain nombre d'officiers de l'état civil et de représentants de l'administration appliquent les textes. Il y a là une dérive contre laquelle j'entends que nous puissions régir. Faisons en sorte que les citoyens qui veulent voter blanc puissent le faire - après tout, c'est leur droit, puisque c'est la loi !
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