Question de M. TROPEANO Robert (Hérault - RDSE) publiée le 06/06/2014

Question posée en séance publique le 05/06/2014


M. Robert Tropeano. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Madame la ministre, vous êtes en charge de la réforme territoriale voulue par le Président de la République, réforme dont les contours, et pas seulement ceux de la nouvelle carte des régions, sont désormais esquissés. Pourtant, bien des interrogations demeurent,…


M. Philippe Dallier. Ah bon ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)


M. Robert Tropeano. … portant aussi bien sur la méthode que sur le fond.

Oui, madame la ministre, les interrogations de notre groupe sont nombreuses ; elles sont à la hauteur de l'incompréhension, voire de la stupéfaction de la quasi-totalité des élus locaux de ce pays, toutes tendances confondues, ainsi que de nos concitoyens. Car l'enjeu dépasse de très loin les clivages partisans et les petits calculs politiques.


M. Jean-Pierre Cantegrit. C'est vrai !


M. Robert Tropeano. En effet, ce qui est en question, c'est l'avenir de l'organisation décentralisée de la République, initiée en 1981 par François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre.

Pour réussir, une grande réforme territoriale doit s'appuyer sur un large consensus et témoigner d'une grande cohérence, ses fondements doivent être clairs, ses critères irréprochables et sa finalité comprise de tous.

Or force est de constater qu'on en est loin. Cela commence mal !

Madame la ministre, au regard des annonces récentes, comment est-il encore possible de justifier l'instauration il y a un an du fameux « binôme », que les sénateurs RDSE sont fiers de ne pas avoir voté (Exclamations sur les travées de l'UMP.), et qui fait désormais l'objet d'un rejet massif ?

Pourquoi dévitaliser et ainsi vider de leur substance les conseils généraux, après les avoir rebaptisés conseils départementaux voilà un an, tout en repoussant à la fin de l'année 2015 l'élection des conseillers départementaux, dont la seule véritable mission sera de gérer leur propre extinction et de fermer la porte de cette collectivité de proximité ? (Marques d'approbation sur les mêmes travées.)

Le sentiment d'abandon est fort dans les territoires ruraux. Pensez-vous sérieusement y remédier en rattachant certains départements à des métropoles régionales situées à une dizaine d'heures de trajet aller-retour ?

Madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous expliquer de manière argumentée la fusion de certaines régions et le non-regroupement de certaines autres ? (M. Roger Karoutchi s'esclaffe.)


M. Alain Fouché. Ce n'est pas sûr !


M. Robert Tropeano. Y a-t-il là une logique autre que celle de l'arbitraire, du grand marchandage et des petits arrangements ? Où est la prise en compte des réalités géographiques, historiques et sociologiques de nos territoires ? Bien que la Bretagne ait toute sa place dans la nation française – et nous y tenons ! –, pouvez-vous illustrer vos propos par d'autres exemples ?

Où est la cohérence de cette réforme quand, voilà quelques mois, vous-même nous demandiez de rétablir la clause de compétence générale et que vous vous apprêtez à défendre l'option contraire, à savoir sa suppression ?

Enfin, madame la ministre, pouvez-vous nous dire à combien s'élèveraient les économies découlant de cette réforme ?


M. Alain Gournac. Bonne question !


MM. Roger Karoutchi et Michel Houel. Il n'y aura pas d'économies !


M. Robert Tropeano. Disposez-vous enfin d'un chiffre un peu plus fiable que celui qui a été annoncé par votre secrétaire d'État ?

La vraie réforme urgente, celle qu'attendent élus et citoyens, n'est-elle pas plutôt celle de la fiscalité locale et de la péréquation financière, destinée à rétablir lisibilité et justice entre les Français et les territoires ?


M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.


M. Robert Tropeano. Il est plus que temps de reprendre une démarche de réforme rationnelle et courageuse, et de ne plus jouer les élus contre le peuple, car nous savons, vous comme nous, qui sort toujours vainqueur de ce jeu-là ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC, de l'UMP et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de la décentralisation et de la fonction publique publiée le 06/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 05/06/2014

Mme Marylise Lebranchu,ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, vos propos ne me surprennent pas puisque nous avons déjà passé plusieurs heures ici à débattre de l'évolution des compétences d'un certain nombre de collectivités territoriales. Nous nous sommes interrogés sur ce nous pourrions améliorer en ce qui concerne l'intercommunalité. Nous avons aussi discuté longuement du rapport de MM. Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, ainsi que des excellents travaux de Mme Jacqueline Gourault. Je n'oublie pas non plus celui de M. Claude Belot !

M. Alain Fouché. Si excellents qu'ils n'ont pas été utilisés...(Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Marylise Lebranchu,ministre.Nous avons ainsi posé une question importante : faut-il faire une réforme territoriale de l'organisation de notre République ? À cette question nous avons tous répondu« oui ». Bien évidemment, à partir de ce moment, donc dès le début du mois de janvier dernier, nos positions ont divergé.

Certains, s'appuyant sur les travaux du comité Balladur, entendent ne conserver qu'un nombre peu important de régions et supprimer les départements. D'autres, se référant au rapport de MM. Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, sont partisans à la fois d'une réduction maximale du nombre des régions - ils n'en voudraient plus que dix - et d'un maintien des départements.

Vous le savez très bien, monsieur le sénateur, le Gouvernement se devait d'adopter, à un moment donné, une position, les travaux de réflexion ayant débuté en décembre. Au demeurant, nous nous étions déjà posé ensemble la question du devenir des départements, face au renforcement des intercommunalités. Ainsi, au cours du débat sur les métropoles et le Grand Paris, un certain nombre d'entre vous, pas forcément sur les mêmes travées, avaient évoqué une éventuelle disparition des départements là où existaient de puissantes intercommunalités.

Bref, de multiples questions se posaient. Pouvions-nous continuer, mois après mois, années après années, à ne pas y répondre, que ce soit au sein de l'exécutif, sous l'autorité de Manuel Valls, ou au Parlement ?

À un moment donné, il faut se lancer dans la réforme ! Le Premier ministre et le Président de la République ont pris deux décisions extrêmement importantes.

La première est de réduire le nombre de régions. Le préalable posé par le Président de la République, rappelez-vous, monsieur Tropeano - je parle sous le contrôle du président de la région Bourgogne, où je me trouvais voilà quelques jours -, c'est de ne pas découper les régions qui ont réussi à travailler ensemble, à créer des laboratoires et un certain nombre d'outils. Il faut au contraire essayer de les laisser fusionner. Nous verrons ensuite ce que deviennent les départements.(Protestations amusées sur les travées de l'UMP.)

Plusieurs sénateurs du groupe UMP.C'est très clair !

Mme Marylise Lebranchu,ministre.Je ne peux pas refaire en deux minutes trente un débat qui s'est tenu pendant plusieurs heures !

M. Alain Gournac. La copie est mauvaise !

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu,ministre.Je termine donc en disant que M. le Premier ministre a tenu à ne rien précipiter : nous verrons comment nous remplacerons par la suite les départements.

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