Question de Mme TASCA Catherine (Yvelines - SOC) publiée le 22/05/2014

Mme Catherine Tasca attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur les modalités de mise en place de l'Autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie.

À la suite de plusieurs mouvements sociaux dans l'archipel, les autorités calédoniennes ont pris des mesures afin de lutter contre la vie chère. Pour mettre un terme aux obstacles structurels à la libre concurrence et aux pratiques anti-concurrentielles, les institutions calédoniennes ont souhaité instaurer une autorité locale de la concurrence, ce qui nécessitait une modification du statut de la Nouvelle-Calédonie en ce sens.

Adoptées à l'unanimité du Sénat et de l'Assemblée nationale, la loi organique n° 2013-1027 et la loi ordinaire n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 ont autorisé la Nouvelle-Calédonie à créer une telle autorité, renvoyant à une ordonnance le soin de fixer les règles relevant de la compétence de l'État pour permettre à cette autorité de fonctionner.

Le 3 mai 2014, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie adoptait, à l'unanimité, la loi du pays créant cette autorité, tandis que le Gouvernement promulguait, le 7 mai 2014, l'ordonnance attendue.

Elle lui demande donc comment l'État et les institutions calédoniennes ont, ensemble, conduit l'élaboration de ces normes et si, désormais, l'ensemble du dispositif et des moyens matériels sont en place pour permettre à cette autorité locale de la concurrence de remplir sa mission.

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 18/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 17/06/2014

Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, le 31 octobre 2013, le Parlement adoptait à l'unanimité la dixième réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie existant depuis 1999 à la suite de la signature de l'accord de Nouméa. Le Parlement traduisait ainsi au sein de la loi organique les demandes exprimées en décembre 2012 par le comité des signataires de cet accord.

Mesure emblématique de cette réforme, la Nouvelle-Calédonie dispose désormais de la faculté de créer des autorités administratives indépendantes dans ses domaines de compétence.

Dès le 3 avril 2013, une autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie a été créée. Le congrès de la Nouvelle Calédonie a finalement adopté cette loi du pays à l'unanimité.

Conformément aux dispositions statutaires, cette future autorité indépendante bénéficiera des garanties suffisantes pour assurer l'indépendance de ses membres ; en juillet 2013, en tant que rapporteur des lois du 15 novembre 2013, j'avais proposé de renforcer ces gages d'indépendance, et le Sénat m'avait suivie.

Ainsi, les candidats pressentis à ces fonctions devront se soumettre à une audition publique et leur nomination devra être confirmée par une majorité positive des trois cinquièmes des membres du congrès. Enfin, les possibilités de révoquer les membres de cette autorité sont fortement encadrées.

La création de cette autorité vise à répondre à une attente forte de la population calédonienne : lutter contre le phénomène de la vie chère. Les événements sociaux se succèdent en Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs années...

Les facteurs qui expliquent, sans les justifier, le niveau élevé des prix pratiqués localement et le moindre pouvoir d'achat qui en résulte sont nombreux. Je pense notamment à la faible profondeur du marché local, aux habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains, aux frais de transports maritime et aérien, mais aussi aux obstacles souvent anciens à une saine concurrence. À ce constat, il faut ajouter la persistance d'inégalités économiques et sociales supérieures à la moyenne nationale : toutes les composantes de la population ne bénéficient pas du boom économique fondé sur les ressources en nickel.

Dans ce contexte, l'autorité de la concurrence doit devenir le nouveau bras armé de la législation et de la réglementation locale, que ce soit en matière de maîtrise des prix - notamment des produits de première nécessité -, de lutte contre les ententes et les abus de position dominante, ou encore d'implantation des grandes surfaces commerciales sur le territoire.

Ces dispositifs ont été grandement renforcés par la loi du pays du 25 mai 2013, qui permet de faire face aux pratiques anticoncurrentielles. Il faut qu'une autorité indépendante soit dorénavant garante de l'effectivité de ces avancées.

Madame la ministre, depuis les élections provinciales du 11 mai dernier, le congrès a été renouvelé et le gouvernement, dirigé par Mme Cynthia Ligeard, a été constitué le 5 juin 2014. Nous savons tous que la Nouvelle-Calédonie entre dans la dernière phase du processus institutionnel décidé en 1998.

Cette échéance importante ne doit pas masquer les problèmes quotidiens des Calédoniens. J'en suis convaincue, les institutions calédoniennes doivent poursuivre dès maintenant l'effort engagé en matière de lutte contre la vie chère.

Aussi, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles mesures réglementaires restent à prendre par le gouvernement calédonien ? Dans quel délai la nomination du président et des trois membres aura-t-elle lieu ? En un mot, madame la ministre, à quelle échéance peut-on espérer que l'autorité de la concurrence sera, en Nouvelle-Calédonie, pleinement opérationnelle ?

J'ajouterai que la loi organique du 19 mars 1999 a été modifiée pour permettre aux autorités indépendantes calédoniennes de conclure des conventions avec leurs homologues nationales. Savez-vous si de tels partenariats sont en cours de réalisation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme George Pau-Langevin,ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, comme vous le savez, la création de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie découle d'une demande expresse des partenaires locaux de l'État, exprimée dès 2012.

Le transfert à la Nouvelle-Calédonie, le 1er juillet 2013, de la compétence que l'État détenait en matière commerciale a conduit la collectivité, en matière de concurrence, à souhaiter la création d'une autorité de la concurrence locale qui soit dotée des mêmes pouvoirs que celle de l'Hexagone.

Le processus qui aboutira bientôt à la mise en place de cette autorité est le résultat d'un travail mené parallèlement, d'une part, par le congrès de la Nouvelle-Calédonie et, d'autre part, par le Gouvernement et le parlement national, comme vous le soulignez dans votre question.

Jusqu'à la loi organique du 15 novembre 2013, la Nouvelle-Calédonie ne pouvait créer que des autorités consultatives, sans pouvoir de sanction.

Lors de l'examen de ce texte et du projet de loi simple qui accompagnait le projet de loi organique, vous aviez vous-même attiré l'attention du Gouvernement sur la nécessité pour l'État, parce que cela relève des compétences qu'il détient encore au titre des libertés publiques et de la procédure contentieuse, de fixer les principes procéduraux permettant de garantir le respect par l'Autorité des grandes libertés publiques.

Vous avez ainsi proposé - cela figure aujourd'hui à l'article 93-1 de la loi organique statutaire - que la nomination par arrêté du gouvernement calédonien des membres d'une autorité administrative indépendante telle que l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie ne puisse intervenir que si, après une audition publique du candidat proposé par le gouvernement, le congrès approuve, par un avis adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, la candidature ainsi proposée.

En outre, sur votre initiative, le Parlement a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans le délai court de six mois, les mesures permettant d'étendre à la Nouvelle-Calédonie les dispositions du code de commerce en matière de pouvoirs d'enquête, de voies de recours, de sanctions et d'infractions.

Le Gouvernement a mené à bien la mission que le Parlement lui avait confiée, et, le 7 mai dernier, le conseil des ministres a adopté ce projet d'ordonnance. Entre-temps, le congrès de la Nouvelle-Calédonie avait, par une loi de pays promulguée le 24 avril 2014, créé l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie.

Ainsi, les nouvelles dispositions du code de commerce applicables en Nouvelle-Calédonie prévoient que les attributions confiées à l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie sont exercées par un collège composé de quatre membres, dont un président nommé pour une durée de cinq ans, désignés en raison de leur expérience significative en matière juridique ou économique. Ces nominations interviendront, comme je l'ai indiqué, après audition et validation par le congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Désormais, il appartient à la Nouvelle-Calédonie de mettre en place, formellement, l'autorité de la concurrence, ce qui nécessitera plusieurs types de dispositions : d'abord, l'approbation, par délibération des quatre membres du collège de l'autorité, du règlement intérieur de cette dernière, qui fixera les modalités de désignation du vice-président parmi les membres du collège et les conditions dans lesquelles les trois membres non permanents seront désignés pour siéger ; ensuite, la nomination par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie d'un rapporteur général dirigeant le service d'instruction pour cinq ans ; enfin, la détermination, par arrêté du gouvernement, des conditions dans lesquelles le président de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie la représente dans tous les actes de la vie civile et a qualité pour agir en justice en son nom.

Par ailleurs, les nouvelles dispositions du code de commerce applicables en Nouvelle-Calédonie prévoient que l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie peut, pour la mise enœuvre de ses compétences, conclure des conventions organisant ses relations avec l'Autorité de la concurrence nationale.

Vous le voyez, il y a matière à amélioration du dispositif puisque la conclusion de conventions avec d'autres autorités indépendantes nationales, telles que la commission de régulation de l'énergie, n'est pas prévue pour l'instant.

J'aurai l'occasion d'attirer l'attention de nos partenaires calédoniens sur ce point, et je tiens à vous saluer, madame la sénatrice, pour la contribution que vous avez apportée, à titre personnel, à ce projet.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, je vous remercie des réponses que vous venez de m'apporter. Lors des auditions que j'ai effectuées en 2013 en tant que rapporteur, j'ai mesuré à quel point l'action d'une autorité de la concurrence était attendue en Nouvelle-Calédonie, ce que vous venez de confirmer.

Tel que vous l'avez présenté, le processus de création de l'autorité de la concurrence a été, je crois, exemplaire et inédit. Cette naissance a d'abord nécessité l'intervention du législateur organique, puis du congrès de la Nouvelle-Calédonie en avril 2014, avant que le Gouvernement ne publie l'ordonnance du 7 mai 2014, qui adapte à la Nouvelle-Calédonie les dispositions du code de commerce, notamment en matière de pouvoir d'enquête et de voies de recours.

Cet exemple démontre que l'accroissement des compétences et de l'autonomie de la Nouvelle-Calédonie ne signifie pas l'effacement de l'État. Au contraire, l'État et la Nouvelle-Calédonie doivent collaborer, car leurs compétences sont intimement liées. Le succès de l'autorité de la concurrence a dépendu et dépendra, tout au long du processus, de cette collaboration.

Il reste désormais au Parlement à ratifier l'ordonnance du 7 mai 2014. Nous serons vigilants lorsque cette ratification nous sera présentée.

Dans sa décision du 1er octobre 2013, le Conseil constitutionnel a souligné les « particularités économiques de la Nouvelle-Calédonie et les insuffisances de la concurrence sur de nombreux marchés », ce qui l'a conduit à admettre, pour favoriser la concurrence, des contraintes plus strictes qu'en métropole. Il faudra donc veiller à ce que les sanctions, y compris pénales, qui ont été adoptées soient suffisamment dissuasives ; si tel n'était pas le cas, le Parlement aurait à y remédier.

Madame la ministre, le Sénat est attentif au respect de l'application des lois. Mes collègues de la commission des lois et moi-même suivons avec intérêt l'avenir de l'archipel calédonien et l'évolution de sa situation économique et sociale, situation dont la réussite du processus engagé dépendra largement. Nous commençons à mesurer les premiers effets des lois de novembre 2013 - je pense notamment aux tarifs bancaires -, mais une partie importante du chemin reste à parcourir.

Vous-même, madame la ministre, avez évoqué le fait que la politique de convention entre cette nouvelle autorité et les autorités nationales n'est pas encore totalement développée. Nous comptons sur le Gouvernement pour veiller à ce que la démarche soit confortée dans les meilleurs délais.

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