Question de M. SAVIN Michel (Isère - UMP) publiée le 15/05/2014
M. Michel Savin attire l'attention de Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique sur les difficultés que pourraient rencontrer certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans leur transformation en métropole prévue au premier janvier 2015 en vertu de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite « loi MAPAM »).
Ces nouvelles collectivités seront compétentes de plein droit, en lieu et place des communes membres, dans les domaines suivants : développement et aménagement économique, social et culturel ; aménagement de l'espace métropolitain et politique locale de l'habitat, notamment urbanisme ; politique de la ville en matière de gestion des services d'intérêt collectif, notamment l'eau ; protection et mise en valeur de l'environnement et politique du cadre de vie.
Ces transferts de compétences sont lourds de conséquences en matière d'organisation de la continuité du service public, de transfert de personnel, de dotations et de fiscalité.
De plus, le renouvellement des équipes municipales et la mise en place des nouveaux exécutifs intercommunaux ont neutralisé plusieurs semaines du calendrier de la mise en place de ces transferts.
Enfin, en fonction de leur niveau d'intégration, certains EPCI concernés par cette loi doivent absorber plus de compétences que d'autres.
Il souhaite savoir si le Gouvernement laisserait aux EPCI qui en feraient la demande la possibilité de repousser d'un an le passage en métropole afin de préparer ce changement dans de meilleures conditions.
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Réponse du Ministère de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique publiée le 28/05/2014
Réponse apportée en séance publique le 27/05/2014
M. Michel Savin. Je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur les difficultés que peuvent rencontrer certains EPCI, établissements publics de coopération intercommunale, dans leur transformation en métropole, prévue au 1er janvier prochain en application de la loi de modernisation de l'action publique territoriale du 27 janvier 2014.
Ces nouvelles collectivités seront compétentes de plein droit, en lieu et place des communes membres, dans des domaines structurants - l'urbanisme, la politique locale de l'habitat, le développement et l'aménagement économiques, l'aménagement de l'espace métropolitain - ou dans des domaines ayant un impact sur la vie quotidienne des usagers - je pense notamment à la gestion du service de l'eau potable et des réseaux énergétiques.
Ces transferts de compétences sont donc lourds de conséquences à trois points de vue au moins : en matière financière, avec l'évaluation des coûts de chacune d'elles dans les budgets communaux et l'estimation de leurs coûts dans les futurs budgets communautaires ; en matière de ressources humaines, avec le transfert des personnels et la recherche de mutualisation pour un fonctionnement raisonné à l'échelle du territoire métropolitain ; enfin, au niveau de la qualité du service public, qui ne devra pas faire les frais d'une quelconque dégradation à l'occasion de ces processus de métropolisation.
En outre, la rédaction de cette loi laisse aux exécutifs locaux la possibilité de définir le contour précis de ces transferts quand seront parus les décrets, circulaires et autres mesures transitoires annoncés pour la mise en uvre des plans locaux d'urbanisme intercommunaux.
Comme vous le constatez, le travail restant à accomplir pour la transformation en métropole est très important à quelques mois de l'échéance du 1er janvier 2015.
Si je prends pour exemple le cas de l'agglomération de Grenoble, le dossier est au stade du diagnostic, dont l'élaboration a suscité plusieurs questions et a mis en évidence des impacts collatéraux directs ou indirects sur des syndicats de communes, dont l'existence peut être remise en cause. Ces effets en cascade dépassent très largement le territoire et la gouvernance de l'agglomération.
De plus, le calendrier électoral de 2014 a entraîné une suspension plus ou moins longue des exécutifs locaux le temps des scrutins municipaux, puis communautaires, et de l'installation des nouvelles équipes.
Enfin, le volume des transferts à opérer peut être différent d'une communauté urbaine ou d'une communauté d'agglomération à une autre en fonction de son niveau d'intégration avant le passage en métropole.
Pour l'agglomération grenobloise, le nouvel exécutif présentera prochainement les orientations qui présideront au projet de territoire de sa mandature.
Aussi, vous l'aurez compris, madame la ministre, les six mois qui restent avant le 1er janvier 2015 semblent bien insuffisants pour organiser, dans des conditions acceptables, les transferts de compétences des communes à la future métropole.
Au regard de cette situation, de ses enjeux et des conséquences que pourraient avoir des transferts précipités sur la continuité du service public, les personnels et les finances des collectivités, je souhaiterais savoir, madame la ministre, si le Gouvernement accepterait de repousser d'un an le passage en métropole pour les EPCI qui le jugeraient opportun et en feraient la demande.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu,ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, vous demandez qu'il soit possible de repousser d'un an, au 1er janvier 2016, la transformation des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en métropoles, tout du moins pour ceux qui le jugeraient opportun et en feraient la demande.
L'article 43 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles prévoit en effet que sont transformés en métropoles par décret, au 1er janvier 2015, les EPCI de plus de 400 000 habitants situés dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants.
Sont ainsi concernées cinq communautés urbaines- Bordeaux, Lille, Nantes, Toulouse et Strasbourg - et trois communautés d'agglomération - Grenoble, ville que vous avez citée, Rennes et Rouen -, auxquelles s'ajoute Nice, dont le statut s'alignera sur le statut de droit commun.
À l'heure où le Gouvernement s'engage dans une réforme territoriale prévoyant un renforcement du cadre intercommunal, il paraît souhaitable de conserver la date du 1er janvier 2015 pour la création de ces métropoles et la rénovation du régime juridique métropolitain. Ce nouveau statut constitue en effet un progrès pour faire émerger les initiatives économiques, sociales, environnementales et culturelles. C'est ce que nous ont demandé les métropoles et, en particulier, les anciennes communautés d'agglomération.
Repousser cette date nuirait sans doute au processus d'intégration de l'exercice des politiques publiques locales à l'échelon des grands bassins de vie de nos capitales régionales, donc au redressement de nos territoires.
J'ajoute, enfin, que ce choix d'une transformation rapide est véritablement conforme à la volonté du législateur, puisque l'introduction de la date du 1erjanvier 2015 s'est matérialisée par un amendement introduit lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
Je me sens liée par le fait que c'est le Parlement qui a demandé que nous allions assez vite. Mais, vous avez raison, monsieur le sénateur, il restera des problèmes à régler. Nous avons évoqué les syndicats locaux et certaines coopérations entreprises par l'ancien EPCI qui devront être reprises par la métropole.
La direction générale des collectivités locales, ou DGCL, est à la disposition des élus et des services administratifs de l'EPCI concerné pour essayer de trouver des solutions. Engager la réforme territoriale en laissant les métropoles au bord du chemin risquerait d'être quelque peu compliqué ! Il faut aussi faire attention à la durée des mandats et avoir de véritables discussions sur les transferts de patrimoine notamment.
C'est la raison pour laquelle je préfère, à ce stade, maintenir la date du 1er janvier 2015 et me mettre à la disposition des services des collectivités concernées et de vous-même, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Madame la ministre, j'entends bien votre réponse. Cette évolution est bien évidemment un progrès, et tous les élus locaux estiment que c'est une bonne démarche.
Encore une fois, le problème vient du fait que toutes les intercommunalités concernées par cette transformation en métropole ne sont pas au même niveau. Autant les communautés urbaines et certaines communautés d'agglomération ont déjà intégré de nombreuses compétences liées au passage au statut de métropole, autant d'autres n'en sont qu'au tout début. Pour certaines, les discussions n'ont pas encore commencé, alors qu'il ne reste qu'un peu plus de six mois. Agir dans la précipitation est, me semble-t-il, un très mauvais signal envoyé à ces collectivités.
Si je prends l'exemple de la collectivité dans laquelle je suis élu, aucune réunion n'a encore eu lieu sur les questions d'organisation ou sur les choix qui seront faits en termes de compétences - j'ai évoqué dans mon intervention liminaire l'urbanisme, le logement, la politique économique ou encore la politique de l'eau, qui a un impact direct tant sur le service fourni et son coût que sur les personnels.
Mon intervention n'a pas pour objet de remettre en cause la transformation en métropole. Je souhaite que soit donnée la possibilité aux intercommunalités qui le désirent- une ou deux d'entre elles seulement seront concernées - de travailler de façon sereine à cette évolution, en leur donnant un an pour la préparer, l'organiser et en débattre avec les personnels. Comment peut-on réussir ce passage, certes souhaité mais important, en six mois lorsque rien n'a encore été fait ?
Encore une fois, cette loi est soutenue par tous, mais toutes les intercommunalités ne sont pas au même niveau d'intégration. La réforme risque donc d'être imposée à certains et d'être réalisée dans la précipitation. Je le redis, c'est un très mauvais signal envoyé aux collectivités.
Je vous demande, madame la ministre, s'il n'est pas possible, à titre tout à fait exceptionnel, et sans remettre en cause le passage au statut de métropole, de donner aux élus l'opportunité de préparer les choses dans de meilleures conditions. Ceux-ci se posent de nombreuses questions, car ils ne disposent aujourd'hui que d'un court délai : six mois, cela passe vite.
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