Question de M. CARVOUNAS Luc (Val-de-Marne - SOC) publiée le 08/05/2014
M. Luc Carvounas attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la situation du village de Kessab en Syrie.
Le village, situé à la frontière entre la Turquie et la Syrie et majoritairement peuplé de Syro-Arméniens, est, depuis plusieurs mois, pris entre deux feux dans l'affrontement qui oppose le régime syrien aux forces rebelles.
Très peu d'informations nous parviennent sur le sort des populations civiles situées dans cette zone en très forte tension. Néanmoins, l'avancée des combattants islamistes dirigés par le Front Al-Nosra dans la région de Lattaquié a provoqué la fuite des habitants de Kessab, face à la crainte d'une véritable stratégie d'épuration ethnique, partagée par plusieurs observateurs et spécialistes de la région.
En conséquence, il souhaiterait connaître les informations dont disposent les autorités françaises quant à la situation de ces habitants, ainsi que les éventuelles actions diplomatiques envisagées par le Gouvernement pour garantir la protection des populations civiles de la région.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger publiée le 18/06/2014
Réponse apportée en séance publique le 17/06/2014
M. Luc Carvounas. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur la situation du village de Kessab en Syrie, en proie depuis plusieurs mois à de violents affrontements entre les forces armées du régime de Bachar Al-Assad et les forces rebelles du Front Al-Nosra, affilié à Al-Qaïda.
Vous le savez, madame la secrétaire d'État, la ville de Kessab, qui est un poste frontière situé entre la Turquie et la Syrie, dans la province de Lattaquié, est tombée aux mains des forces djihadistes, suscitant inquiétudes et doutes parmi les populations civiles de Kessab. Or, depuis la chute de la ville, majoritairement peuplée de rescapés du génocide des Arméniens de 1915, peu d'informations fiables nous parviennent quant au sort de ses habitants.
Nombre de spécialistes du Moyen-Orient s'inquiètent de la volonté des combattants islamistes de s'emparer d'un poste frontière qui semble pourtant stratégiquement non essentiel pour eux. Beaucoup s'interrogent donc sur les motivations réelles des assaillants, allant jusqu'à craindre que la communauté arménienne ne soit directement visée.
Les craintes d'exactions sectaires contre les minorités syriennes sont amplifiées par le caractère radical des combattants du Front Al-Nosra, qui considèrent notamment la communauté arménienne comme des hérétiques soutenant le régime de Bachar Al-Assad. Selon différentes sources en Syrie, cette situation a provoqué la fuite de 500, voire 800 familles, réfugiées plus au sud dans l'attente d'un apaisement des tensions à la frontière.
Face au risque de graves dérapages à Kessab, ainsi qu'à la rareté et au manque de précision des informations qui nous parviennent, pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous faire part des éléments dont les autorités françaises ont connaissance quant au sort des habitants de cette région, ainsi que des éventuelles actions menées par le Gouvernement en faveur de l'apaisement de ces tensions pesant fortement sur l'ensemble de la population civile ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fleur Pellerin,secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.Monsieur le sénateur, nous continuons bien sûr à suivre avec la plus grande attention la situation dans le Nord-Ouest de la Syrie, en particulier dans la région de Kessab où des combats ont éclaté à partir du 21 mars, poussant de nombreux habitants, notamment arméniens, à la fuite.
Même si les informations sont, comme vous le relevez, encore lacunaires en raison de difficultés d'accès sur le terrain, nous comprenons qu'il n'y aurait pas eu depuis d'attaque ciblée contre les populations arméniennes, qui ont d'ailleurs fui, pour la quasi-totalité d'entre elles, ni contre leurs biens ou contre leurs lieux de culte. Il convient naturellement de rester prudent et vigilant.
La France, sensible au sort de ces personnes contraintes de quitter leur ville sous le feu des attaques, condamne toutes les violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme en Syrie, et appelle toutes les parties au conflit, en premier lieu le régime, à veiller à la protection des civils.
Les droits des personnes appartenant à des minorités, quelle que soit leur origine ethnique ou leur religion, doivent être respectés. Nous le faisons valoir à la coalition nationale syrienne, qui a pris de longue date des engagements en ce sens et s'est mobilisée dès le début de l'offensive dans la région de Kessab pour que les lieux de culte arméniens, en particulier, soient protégés.
Il est important d'opérer une distinction claire entre l'opposition modérée, que nous soutenons, et les groupes terroristes dont nous condamnons les exactions et contre lesquels nous nous mobilisons. La France a ainsi été à l'initiative de l'inscription du Front Al-Nosra sur la liste de sanctions des Nations unies contre Al-Qaïda en mai 2013.
Alors que la situation humanitaire ne cesse de se dégrader, principalement du fait de la fuite en avant militaire du régime, la France est pleinement mobilisée pour venir en aide aux populations civiles affectées par le conflit syrien. C'est notamment sur son initiative que la résolution 2139 du Conseil de sécurité a été adoptée, à l'unanimité, le 22 février dernier. Cette résolution contient des demandes précises : l'arrêt des violences indiscriminées contre les civils, la levée immédiate des sièges des zones peuplées, le respect des missions médicales et des soins aux blessés ; elle exige également un accès à travers les lignes de conflits et les frontières des pays voisins.
Nous appelons le régime à se conformer à ces obligations et poussons les soutiens du régime à faire davantage pression sur lui, notamment dans le cadre du Groupe de haut niveau constitué sur le sujet à Genève.
Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que la France continue de se mobiliser en faveur de la population syrienne, du sort des minorités et de la situation des Arméniens en particulier. La France continuera de suivre l'évolution de la situation à Kessab avec la plus grande vigilance et restera attentive au sort des Arméniens de Syrie.
M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas.
M. Luc Carvounas. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d'État de ses propos et, à travers elle, le Gouvernement de sa vigilance sur la scène internationale par rapport à la situation syrienne, à Kessab en particulier.
Chacun comprendra que nos concitoyens d'origine arménienne regardent de très près ce qui se passe dans cette région, d'autant que nous sommes à quelques mois d'une commémoration importante du génocide arménien, manifestation à laquelle le Président de la République a annoncé sa participation.
Nos concitoyens seront, si ce n'est rassurés, tout au moins informés par la représentation nationale de l'action de la France sur la scène internationale pour essayer d'apporter son appui et sa protection à ces populations.
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