Question de Mme GILLOT Dominique (Val-d'Oise - SOC) publiée le 17/04/2014
Mme Dominique Gillot attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conditions d'application de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche quant à la coordination territoriale des établissements d'enseignement supérieur.
L'article L. 718-2 du code de l'éducation prévoit que « sur un territoire donné, académique ou interacadémique, sur la base d'un projet partagé, les établissements publics d'enseignement supérieur (...) et les organismes de recherche partenaires coordonnent leur offre de formation et leur stratégie de recherche et de transfert ».
Cette coordination peut prendre l'une des trois formes prévues à l'article L. 718-3 (création d'un nouvel établissement par fusion de plusieurs établissements, ou bien l'une des deux formes de regroupement, soit par la participation en tant que membre à une communauté d'universités et établissements - COMUE, soit par l'association d'établissements).
De plus, sur un territoire, il est possible de combiner les trois formes de coordination prévues par la loi.
Une COMUE peut s'associer avec d'autres partenaires (article L. 718-16), soit par convention de coopération avec d'autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) ou d'autres établissements publics ou privés, soit par convention d'association, soit par intégration d'un établissement ou organisme public ou privé concourant aux missions du service public de l'enseignement supérieur à un EPSCP.
Il semble pourtant que plusieurs établissements ayant opté pour le modèle de l'association se soient heurtés à une certaine résistance du ministère.
Si par un courrier du 28 février 2014 aux présidents d'universités, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche avait réaffirmé la pleine validité d'un regroupement par association, elle avait néanmoins introduit une dimension restrictive en précisant que « quelle que soit la forme du regroupement, il revient à un seul EPSCP "chef de file", de coordonner l'offre de formation comme les stratégies de recherche et de transfert. Ce principe s'applique évidemment à la modalité d'association par convention ».
Elle avait « souligné l'importance de cette convention d'association qui doit préciser les "modalités d'organisation et d'exercice des compétences partagées" ainsi que les modalités de gouvernance convenues entre l'établissement chef de file et les établissements associés ».
Cette notion de « chef de file » n'apparaît pas dans la loi, qui se borne à la définition d'une coordination territoriale, « organisée par un seul établissement d'enseignement supérieur, pour un territoire donné » (article L. 718-3), et précise que « l'établissement d'enseignement supérieur chargé d'organiser la coordination territoriale dans les conditions fixées par l'article L. 718-3 élabore avec le réseau des œuvres universitaires et scolaires un projet d'amélioration de la qualité de la vie étudiante et de promotion sociale sur le territoire, en associant l'ensemble des établissements partenaires » (article L. 718-4).
La mise en œuvre réglementaire de la loi du 22 juillet 2013, telle que décrite, introduit ainsi un déséquilibre entre les établissements ayant opté pour le modèle de la confédération par association en imposant la notion de chef de file.
De même, imposer au vote des conseils d'administration, sans modification possible, des statuts engageant l'avenir de ces établissements sans qu'ils n'en aient été à l'initiative ni même associés à leur rédaction, consisterait à nier les compétences spécifiques et l'autonomie des universités et des établissements fixées et garanties par la loi.
Cette orientation reviendrait sur une avancée obtenue dans le cadre du débat parlementaire pour obtenir le soutien le plus large possible lors de la rédaction de l'article 38 de la loi.
Elle lui demande ainsi de préciser les modalités de mise en œuvre du statut confédéral par association en accord avec l'esprit de l'article L. 718-3 du code de l'éducation modifié par la loi du 22 juillet 2013.
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Transmise au Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 30/10/2014
Cette question porte sur le lien entre le texte de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013 et l'interprétation qu'en ferait les courriers des 28 février et 6 mars 2014 de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, adressés aux présidents d'universités et aux directeurs d'établissements. Ainsi, la notion de « chef de file » introduite dans ces courriers pour désigner le coordonnateur du regroupement territorial voulu par le législateur dans l'article 62 de la loi (codifié dans les articles L. 718-2 et sq. du code de l'éducation) serait en contradiction avec la possibilité introduite par la loi d'un mode confédéral de regroupement à travers la convention d'association. Si la notion de « chef de file » ne figure pas explicitement dans le texte, on peut toutefois soutenir que son usage s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la loi du 22 juillet 2013. Cette dernière, en effet, dispose clairement en son article 62 (section 1 et section 4, codifiées notamment par les articles L. 718-2 à L. 718-5 et L. 718-16) que, quel que soit le mode de coordination territoriale retenue, fusion, regroupement sous forme de communauté ou regroupement par convention d'associations, « la coordination territoriale est organisée par un seul établissement d'enseignement supérieur sur un territoire déterminé ». Cet établissement est, selon le cas, « soit le nouvel établissement issu de la fusion, soit la COMUE [communauté d'universités et d'établissements] lorsqu'il en existe une, soit l'établissement avec lequel les autres établissements ont conclu une convention d'association ». Quant à la dérogation prévue pour les trois académies d'Île-de-France où « plusieurs établissements peuvent assurer la coordination territoriale », elle doit être entendue simplement comme la possibilité d'avoir plusieurs regroupements dans un territoire d'une telle dimension. La notion de « chef de file » employée dans les courriers précités se comprend ainsi aisément comme la désignation d'un « primus inter pares » - notion à laquelle le système éducatif français est attaché de longue date - appelé à jouer le rôle de coordonnateur territorial du projet partagé et de ce fait interlocuteur privilégié de l'État pour le fonctionnement du regroupement correspondant. Dans le cas de la convention d'association, comme le dit très explicitement la loi, il est un établissement auquel les autres s'associent autour d'un projet partagé, défini librement en commun, et qu'il a la charge de coordonner et de porter vers l'extérieur, à l'instar des nombreuses confédérations qui organisent notamment le paysage social français. La notion ne saurait donc nourrir le soupçon d'une introduction subreptice d'une autorité institutionnelle non consentie au sein d'un regroupement : elle signifie, au contraire, la garantie que le projet partagé, sur lequel se fonde la convention d'association, soit réellement porté, au sein du regroupement comme vis-à-vis de ses partenaires extérieurs dont l'État. Ainsi, les différents textes d'application doivent avoir le souci de veiller à ce que soit respectée la volonté du législateur d'inciter à des regroupements adaptés autant que possible aux situations locales, le texte et l'esprit de la loi reconnaissant le pluralisme des universités. L'important est, en effet, la dynamique engagée, celle dotant notre pays d'une université de son temps, capable de rayonner à l'échelle internationale en toute région et à la hauteur des talents qu'elle accueille. C'est cette ambition qui guide nos décisions. Elle suppose de la souplesse, de l'intelligence des situations bien davantage que des modèles uniformes. Mais elle suppose aussi une volonté partagée par tous les acteurs d'aller de l'avant et de savoir inventer, dans la concertation et le respect mutuel, les nouveaux modes indispensables d'organisation et de fonctionnement au service de deux priorités : la réussite des étudiants, de la formation à l'insertion professionnelle et le renforcement de la recherche au niveau territorial, national, européen et international.
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